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En politique, ne faut-il croire qu'aux rapports de force ?

Publié le 11/02/2011

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• La politique, comme activité, peut être saisie de deux points de vue où sont impliqués, d'une manière ou d'une autre, des rapports de force. Du point de vue du pouvoir en exercice, elle est régulation de la vie sociale et, à ce titre, mise en oeuvre de moyens de coercition divers ; du point de vue de la conquête du pouvoir, elle est lutte, résistance, offensive. Le fait que l'on parle de « stratégie «, de « conquête du pouvoir « semble indiquer à lui seul que la politique est par excellence le domaine des rapports de force. Mais l'existence de ceux-ci fait problème. D'où provient la division de la société en groupes antagonistes ? La politique implique-t-elle obligatoirement des rapports de force ? Contradiction notoire entre l'idéal proclamé par tous les gouvernants (servir l'intérêt de tous) et les affrontements effectifs.    • Peut-on envisager d'autres facteurs que la force ? Deux types de théories peuvent être mentionnés :    — Celles qui réduisent la politique à une affaire de compétence : « Politiciens professionnels«. N'y a-t-il pas ici une mystification de type technocratique, destinée à occulter les véritables enjeux socio-économiques de la politique ?    — Celles qui font intervenir des références idéologiques comme le droit divin ou le droit naturel. La croyance en une Providence divine (Bossuet et saint Augustin) tend à présenter la force comme étant toujours réglée par la justice immanente que Dieu maintient dans le cours des choses. (Cf. notamment Bossuet, Politique tirée des paroles de l'Écriture sainte.)    • Synthèse : droit et force d'après Jean-Jacques Rousseau. Cf. Contrat social, I, chapitre 3 : «Du droit du plus fort.« Selon Rousseau, aucun droit ne peut s'attacher à la force, qui n'est ni plus ni moins qu'un rapport nécessaire. La fonction du droit n'est pas d'entériner la force (même si les droits positifs, existant réellement, l'ont toujours plus ou moins fait). Elle est, au contraire, de corriger le désordre humain des dépendances particulières. «C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir«. Ainsi, pour  Rousseau, la politique doit-elle être normée par un droit rigoureux, qui n'altère aucune des exigences sous-jacentes à l'établissement du Contrat par lequel le peuple se constitue en « souverain «. Un tel point de vue définit la logique politique résultant du Contrat comme le produit de volontés particulières qui n'ont aucune raison de s'affronter, ce qui suppose que la disparité des conditions n'est pas telle qu'elle engendre des rapports d'asservissement entre les hommes (cf. l'article de Rousseau sur l'économie politique). Rousseau pressent ici ce qu'affirmeront  Marx et Engels à propos de l'État, à savoir que l'existence de forces répressives ou coercitives autonomisées en organismes spécifiques n'a de sens que par rapport à des conflits réels au niveau de la société civile. Sans classes antagonistes, pas d'État. On peut dès lors se demander si la politique comme lutte a une raison d'être dans une société égalitaire, sans classes ni groupes d'intérêts différenciés. La nécessité d'une régulation économique, d'une organisation administrative de la société demeure, certes, mais elle ne peut être confondue avec celle d'une répression conduite au nom d'intérêts particuliers. La fin de la lutte des classes, donc l'abolition de sa cause productrice (appropriation privée des moyens de production), doit théoriquement conduire à la transformation de la politique en une simple gestion de la vie économique dans l'intérêt de tous (cf. la fameuse formule « passer du gouvernement des hommes à l'administration des choses«).

  

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