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Politique, justice et police dans la France des Misérables de Victor Hugo.

Publié le 22/10/2010

Extrait du document

justice

 

 Introduction: 

 A/La politique à travers l'oeil des Misérables. 

 Lorsqu'il commence la rédaction des Misérables en 1845, Victor Hugo entre vraiment dans le jeu politique en devenant pair de France. Ses opinions évoluent avec le temps. Il se détache peu à peu du régime de Louis Philippe et devient adepte de Napoléon Ier. Il soutient donc sa candidature à la présidence de la République en 1848. Il siège ensuite à la nouvelle Chambre de Députés et ses idées s'orientent plus nettement à gauche. En 1851, le coup d'état de Louis-Napoléon déclenche sa fureur, il devient alors le chef de l'opposition républicaine au nouvel empereur, ce {text:soft-page-break} qui le conduira à la fuite. 

 Ces évènements ont lieux durant les débuts de la rédaction des Misérables. Il est donc logique que ce livre soit fortement imprégné de l'aspect politique. L'auteur peint le paysage politique français et ses évènements à travers les aventures de ses personnages. 

 Fidèle à ses convictions, il dénonce une politique trop élitiste qui ne se préoccupe pas des tranches les plus pauvres de la population. Le meilleur exemple en est le récit de la révolution de 1830 et de ses barricades. 

 Un personnage se démarque de ce passage. Il s'agit de Gavroche, jeune garçon qui est un personnage à part entière du roman. Il est l'emblème du peuple parisien et en véhicule les valeurs révolutionnaires. La scène des barricades résume bien cela. Gavroche se faufile entre les cadavres sous une pluie de balles, afin de ramasser les cartouches d'armes à feu. Il répond à chaque salve par un couplet d'une chanson devenue populaire. 

 Véritable pied de nez au pouvoir en place, matérialisé par ses soldats, ce passage est révélateur de la prise de position politique d'Hugo, Gavroche finira par mourir de sa solidarité naturelle et spontanée. Il est la grande figure épique du roman: il représente le peuple français opprimé, succombant à ses propres rébellions faute de pouvoir faire entendre autrement sa voix. 

 Nous avons donc étudié comment Victor Hugo donnait sa vision politique de la France à l'époque des Misérables. Nous nous sommes particulièrement attardé sur le personnage de Gavroche, symbole de ce thème. Nous allons maintenant analyser la présence de la police dans le roman. Pour cela nous allons nous aider de la description de Javert. 

 Le roman de Victor Hugo se rapproche par certains aspects du roman policier. Dans le roman policier, le héros détective est la plupart du temps une incarnation du Bien et il s'oppose au criminel incarnant le Mal. 

 Quand on regarde le schéma narratif global des Misérables, il ne fait pas de doutes que le fil du conducteur du roman est bien la recherche d'un coupable par un policier. Ce dernier étant incarné par Javert. 

 Au début du roman, Javert est inspecteur à Montreuil-sur-Mer où il remplit ainsi des fonctions « pénibles « mais « utiles «. L'auteur le décrit comme un « espion de première qualité « ou comme un « homme fait pour {text:soft-page-break} sévir «. Comme tout despote, il ne peut et ne sait régner qu'en usant du principe de la crainte. 

 Son portrait nous renvoi à une figure monolithique et absolue, raide comme la justice de l'Ancien Régime. Il ne connaît que deux sentiments: « foi aveugle et profonde pour tout ce qui a une fonction dans l'Etat/ mépris, aversion et dégoût pour tout ce qui avait franchi une fois le seuil légal du mal «. 

 Ce frère inversé et ennemi de Valjean est présenté comme fanatique, austère et vertueux. Il ne comprend se tâche que comme une ligne droite. Sa vocation est de mettre de l'ordre dans la rue. 

 A travers la description des principaux traits du policier, Hugo veut montrer les failles du système policier. Il considère la police comme un quatrième pouvoir qui vise à envelopper l'intégralité des activités humaines afin de tisser entre les hommes une véritable toile d'araignée (image utilisée dans le livre) en vue de contrôler tout ce qui devrait rester du domaine des libertés du citoyen, théoriquement libre. 

 Cette vision peut même être perçue comme une véritable contestation. En-effet, Victor Hugo a inversé, ou plutôt complexifié les rôles traditionnels du genre policier. Javert n'est pas un représentant du Bien, il est au contraire inhumain. Le renversement du rôle traditionnellement réservé à l'enquêteur prouve donc bien une contestation de l'ordre établi. 

 La police est caractérisée dans le livre par sa droiture et souvent son injustice due à la première caractéristique. L'étude de Javert nous l'a prouvé. Voyons maintenant quelle image nous donne Hugo de la justice dans son roman. 

 C/ Une remise en cause du système judiciaire. 

 Dans un passage des Travailleurs de la mer, Victor Hugo a dit « Un triple ananké pèse sur nous, l'ananké des dogmes, l'ananké des lois, l'ananké des choses... dans Les Misérables l'auteur a signalé le second... «. 

 Le mot ananké d'origine grec, peut-être traduit comme nécessité, loi fatale. L'ananké des lois sous sa forme judiciaire pèse de tout son poids sur l'action et sur les personnages du roman. Le procès du personnage Champmathieu illustre parfaitement cela en montrant la vision de la justice que possède Hugo. 

 Lors de ce procès, Champmathieu est confondu avec Jean Valjean. Il {text:soft-page-break} a été arrêté pour un simple vol de fruit. D'abord émondeur à Faverolles (de même que Jean Valjean), il avait travaillé en Auvergne et à Paris. Du nom de la mère de Valjean qui s'appelait Mathieu et du passage en Auvergne de Champmathieu, l'instruction a pensée que Jean avait du être transformée en Chan et Valjean en Mathieu, d'où le nom de Champmathieu. De plus, on a découvert deux forçats qui ont reconnu l'accusé comme étant Jean Valjean, ainsi que le policier Javert. 

 Il est alors accusé de « récidive de forçat en rupture de ban « et déféré devant la Cour d'assises d'Arras, à cause des précédents méfaits de Valjean. Il s'agit donc là d'une terrible erreur judiciaire. Elle est due à sa ressemblance avec Jean Valjean, mais l'auteur veut surtout montrer la précipitation de l'instruction préparatoire compte tenu de la nature misérable de l'accusé. 

 Hugo dénonce les préjugés des personnes faisant parties du système judiciaire. Ainsi, un avocat parle de Champmathieu en disant: « une espèce de gueux... Rien que pour avoir cette figure-là, je l'enverrais aux galères «. Ces mêmes préjugés seront repris par la Cour et les jurés. 

 Ainsi de ce procès ne sont absentes ni la « précipitation «, ni la « prévention «, ces deux sources d'erreur que Descartes recommande d'éviter dans la recherche de la vérité. 

 Ce que veut montrer l'auteur, c'est que peu importe à la limite qu'un misérable soit innocent ou coupable, il y a toujours contre lui une présomption de culpabilité, dès lors qu'il est pris dans l'engrenage de la machine judiciaire, même si elle n'est pas avouée. Hugo va même plus loin en montrant que cette erreur aurait pu coûter la mort au personnage. 

 A cause de l'erreur d'identification, Champmathieu va souffrir de plusieurs chefs d'accusation. Tout d'abord, il est accusé d'avoir franchis le mur du Clos Pierron, cassé une branche et volé des pommes. La peine encourue est alors la réclusion. A cela vient s'ajouter un fait ancien, « un vol de grand chemin à main armée «. La question de récidive doit être tranchée par la Cour et non par le jury. 

 Vu que Valjean avait déjà été condamné aux travaux forcés à perpétuité, Champmathieu risque la peine de mort. L'auteur veut donc faire comprendre à son lecteur comment un innocent peut se retrouver injustement condamné à mort en faisant une description des failles du système judiciaire français. Cet aspect judiciaire lui tient particulièrement à cœur puisqu'il a déjà rédigé une critique de la peine de mort dans Derniers jours d'un condamné. 

 {text:soft-page-break} A travers son roman, l'auteur remet en cause les institutions d'une France injuste et cruelle envers les plus faibles. On peut voir en cela une critique des fonctions politiques, judiciaires et de police. Nous allons maintenant voir quelles ont été les réalités de l'époque concernant ces domaines. Nous développerons deux parties: une période politique complexe et les fonctionnements de la justice et de la police. 

 La France des Misérables qui s'étale de 1816 à 1833 environ, connaît deux régimes censitaires qui se succèdent. Dans un premier temps est mis en place la Restauration allant de 1815 à 1830. Elle est en vigueur après la défaite de Waterloo le 18 juin 1815 qui a pour conséquence, après quinze mois d'une chronologie politique troublée (première Restauration et Cent Jours), le départ de Napoléon pour Sainte-Hélène et le retour définitif de Louis XVIII sur le trône de France. 

 Dès son retour, Louis XVIII prend la précaution d'imposer à ses sujets une Charte qui garantit les principaux acquis de la Révolution française à savoir, liberté de conscience et d'opinion, pluralité des pouvoirs, caractère électif d'une des deux Chambres, légitimité de la possession des biens nationaux (biens d'Eglise et biens d'émigrés vendus dans la période révolutionnaire). La monarchie s'impose donc d'entrée de jeu de concilier deux univers juridiques et symboliques inconciliables. 

 Concernant le régime politique qui se met en place, il n'est que partiellement constitutionnel et il est encore moins parlementaire. Les ministres dépendent du roi seul et sont pas responsables devant la chambre élue, qui a des pouvoirs globalement limités. 

 Il siège dans cette Chambre plusieurs familles politiques qui composent le paysage politique de l'époque. Il se dégage une première famille politique avec les ultras. Ils ont souvent comme représentants des membres de la petite noblesse de province. Leur idéologie s'ordonne autour d'un haine passionnée de la Révolution française. Pas seulement de ses actes voire de ses excès, mais des principes qui l'ont guidée. Ils estiment qu'il existe un ordre divin des choses, aussi bien dans le monde biologique que dans le monde politique. Ils pensent que la Révolution comporte à sa base une erreur grossière: la souveraineté du peuple. On citera un de leur représentant, Bonald: « Cette proposition générale ou {text:soft-page-break} abstraite: la souveraineté qui réside dans le peuple n'a jamais reçu et ne peut recevoir aucune application: donc c'est une erreur «. 

 Plus orientés au centre, on trouve les doctrinaires ou constitutionnels. Ils acceptent la Charte mais ils veulent la faire évoluer dans un sens libéral. Ils estiment que le Révolution a provoqué l'apparition d'une société où règne l'égalité des droits, et où les classes moyennes sont prépondérantes. Pour cela, il faut accepter l'égalité civile et l'ensemble de la société à laquelle la Révolution a donné naissance. 

 Ils ont pour projet de morceler le pouvoir, ce qui est une question épineuse de l'époque, en créant trois pouvoirs: Roi, Chambre élue et Chambre héréditaire. Mais ce projet complexe ne peut naître dans la conjoncture agitée du moment. 

 La troisième famille politique est composée par les libéraux ou indépendants de gauche. Ce sont des adversaires déterminés de l'Ancien Régime, de ses réglementations étatiques comme des principes sur lesquels il est fondé. Ils sont libéraux aussi bien dans le domaine politique que économique. Ils veulent défendre les intérêts matériels de la Révolution mais aussi ses intérêts moraux comme la sûreté des personnes, l'égalité civile, la liberté de conscience et de culte, la liberté de presse etc... 

 Ils sont plutôt hostiles au roi en place. Ils estiment que le développement de la liberté permettra de donner libre cours à l'initiative individuelle, qui enrichira les pauvres sans dépouiller les riches. Les étudiants parisiens se reconnaissent en-eux. 

 On peut aussi noter une quatrième famille politique qui n'est pas représentée à la Chambre: les bonapartistes et républicains. Ils sont clandestins puisque adversaires de la monarchie des Bourbons mais se maintiennent dans une fraction de la bourgeoisie. 

 Ces quatre familles politiques ne sont pas cependant à étendre à toute la population française. En-effet, de 1815 à 1848, le système politique de la France est dit censitaire. Seuls ceux qui payent un minimum d'impôt (le cens) ont le droit de vote, et un autre seuil, plus élevé encore, détermine le droit de se présenter. On a donc un système privilégiant les élites aux classes modestes comme on le voit dans le roman. 

 Pour en revenir aux évènements politiques, la période de la Restauration prend fin lors des Trois Glorieuses du 27 au 29 juillet 1830, présentes dans le roman. Charles X avait alors succédé à Louis XVIII et sa politique de réaction aristocratique suscité de vives contestations. 

 Les premiers à s'insurger sont les journalistes et les typographes de la capitale qui sont les premiers à subir la politique menée. Le 27, on passe {text:soft-page-break} du refus d'obéissance à l'émeute avec les premières barricades. Le 28, c'est la révolution. Les armureries sont pillées et la troupe fraternise avec les insurgés, qu'encadrent d'ailleurs des élèves de l'Ecole polytechnique. Le 29, plusieurs lieux-clés tombent entre leurs mains et les troupes restées fidèles au Roi refluent vers l'ouest. Les républicains sont alors maîtres de la rue. 

 Charles X part alors en exil, ce qui signifie la fin de la Restauration en 1830. Louis Philippe d'Orléans accède alors au pouvoir. Il doit surtout son avènement aux libéraux qui voulaient empêcher à tout prix la solution républicaine. La Charte est révisée et donne plus de pouvoirs aux Chambres. On a aussi en parallèle un droit de vote élargit. C'est ce qui caractèrise principalement la monarchie de Juillet qui s'étale en-dehors de la période étudiée, à savoir jusqu'en 1848. 

 La France des Misérables vit donc une période politique troublée avec plusieurs courants s'affrontant. Elle aboutit à une révolution changeant l'ordre établit. Nous allons maintenant étudier les fonctionnements de la justice et de la police. 

 L'armature de la démocratie en France au XIXe porte fortement l'empreinte de l'héritage napoléonien. Les fonctions de justice et de police n'y échappent pas. On peut prendre pour exemple l'utilisation du code civil, l'organisation de l'administration en préfectures ou celle de la justice en tribunaux régionaux. 

 Mais à l'époque de la Restauration et de la Monarchie de Juillet se pose cependant de nouvelles questions concernant la justice et la police. On assiste d'abord à une véritable « ferveur pénitentiaire «. A la suite de l'idéologie des Lumières, on ne considère plus la peine sous son seul aspect rétributif. On prend en compte de nouvelles considérations humanitaires et utilitaires. Une réforme des prisons s'enclenche donc. Un débat est lancé sur les facultés d'amendement et les coûts du nouveau système. On parle aussi d'un travail commun mais en silence et d'isolement cellulaire. 

 Dans tous les cas, l'enfermement et la surveillance sont substitués aux peines corporelles de l'Ancien Régime. Un pouvoir spécifique de gestion de la peine se met en place. 

 {text:soft-page-break} Cela engendre une remise en question dans le domaine judiciaire. Avec cette réforme, les magistrats de justice refusent pleinement la responsabilité de la condamnation et sa conséquence, l'exécution de la peine. L'exécution de la peine tend ainsi à devenir un secteur autonome dont un mécanisme administratif décharge la justice. 

 Les mentalités évoluent donc en matière judiciaire. La France des Misérables voit naître des modifications judiciaires plus ou moins importantes. 

 Concernant la police, on assiste à un problème de la répartition des compétences entre le maire (pouvoir local et l'inspecteur dépendant du préfet qui est un agent nommé du pouvoir central. 

 Cela rappelle la tension constante, remontant à Louis XIV entre la tendance à l'étatisation de la police (freinée par la Révolution, mais réalisée sous l'Empire grâce à Fouché). Et la résistance des communes attachées à une répartition plus décentralisée des pouvoirs, et en particulier ceux de la police. 

 Pendant la Restauration et la Monarchie de Juillet, en réaction contre « le despotisme impérial «, la centralisation et ses organes disparaissent provisoirement. Elles sont toutefois relayées dès 1815 par la mise en place d' « observateurs « ou « mouchards «. 

 En-dehors de ce débat, la police de l'époque souffre d'une mauvaise réputation. Outre l'emploi de méthodes parfois violentes, elle est réputée pour sa corruption. Ainsi, les libéraux tel Benjamin Constant crient à la tribune de la Chambre contre l'emploi « corrupteur « que fait la police de fonds qui lui sont accordés. On peut rajouter pour terminer que la police exerce un fort contrôle sur la population en ouvrant par exemple les correspondances privées. 

 Conclusion: 

 Bibliographie: 

 Ouvrages généraux : 

 Histoire de la France contemporaine, Tome I : 1789 – 1980, éditions sociales, 1979. 

 La France au XIXe siècle : 1814-1914 , D.Barjot, Presses universitaires de France, Paris, 2008. 

 Ouvrages spécialisés : 

 Les Misérables, V.Hugo, Larousse, paris, 2000. 

 Les Misérables, V.Hugo, La pléiade, 195. 

 Les misérables ou L'espace sans fond , F. Chenet-Faugeras, Nizet, Paris, 1942.

 

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