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La politique peut-elle cohabiter avec l'éthique ?

Publié le 22/02/2012

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La critique éthique de la politique est menacée par un certain moralisme, c'est-à-dire un souci exclusif de l'excellence de sa conscience morale qui interdit tout engagement, toute transformation effective du réel. A la « belle âme », écrit Hegel, « il manque la force pour s'aliéner » ; elle « vit dans l'angoisse de souiller la splendeur de son intériorité » et peu à peu « elle s'évanouit comme une vapeur sans forme qui se dissout dans l'air » (Phénoménologie de l'esprit). Certes, « les grands hommes sont suivis par un cortège jaloux qui dénonce leurs passions comme des fautes » mais ces moralistes ne comprennent pas qu'une « grande figure écrase nécessairement mainte fleur innocente », lorsqu'elle transforme le monde (La Raison dans l'histoire).

« authentique et universelle.

Sur cette impuissance, nous dit-il, les hommes tirent des conclusions sur la nature de lajustice, contre lesquelles il s'oppose.

Les philosophes, en effet, au lieu de remettre en cause la relativité desconceptions du juste et de l'injuste, ne trouvent rien de mieux que d'essayer de la légitimer, ajoutant encore plus àla confusion.L'un, confondant la justice de Dieu et le pouvoir du souverain, affirmera que « l'essence de la justice est l'autoritédu législateur » et que c'est lui, qui du haut de l'arbitraire de son bon-vouloir, décide de ce qui doit être considérécomme juste ou injuste.

Tel autre affirmera que cette autorité repose sur « la commodité du souverain », sur ce quilui agrée et constitue son intérêt propre.

D'autres enfin soutiennent que la seule autorité de la justice provient de laforce de la coutume, le temps et l'usage ayant ainsi force de loi.

Cette forme de scepticisme moral repose sur l'idéeque la raison ne nous découvre aucune justice absolue.Or, ici, les philosophes établissent, selon Pascal, un faux lien causal et concluent abusivement, de l'impuissance dela raison à déterminer les critères de la justice universelle à sa relativité fondamentale.

C'est surtout la coutume quipousse les hommes à croire de telles choses : « la coutume fait toute l'équité », croit-on, et pour cette seule raisonqu'elle a été reçue par les Anciens.

Justification de fait et non de droit, et c'est là tout le fondement de sonautorité, à savoir l'usage, que Pascal appelle ironiquement « mystique » car il ne se laisse pas argumenter par desdiscours.De même que le mystique religieux ne peut discourir sur les expériences du divin qu'il éprouve, ceux qui font de lacoutume le principe de la justice ne peuvent discourir sur le fondement de cette conception car, en réalité, elle n'enpossède pas.

Le véritable fondement mystique de la justice est, pour Pascal, celui que nous révèlent les SaintesÉcritures de la Bible et, pour les élus, les lumières de la foi.

Or la raison humaine est incapable d'atteindre cettevérité qui concerne le coeur, non la raison ni la coutume.

Cette mise en cause de la politique par la morale nous invite à approfondir la « science des moeurs », qui «consolera toujours de l'ignorance des sciences extérieures », à cultiver la « pensée de derrière la tête », lorsqu'onhonore les grands. Inversement, la politique se moque de la morale. Pour l'attitude politique qu'il est convenu d'appeler le « machiavélisme » (carcette doctrine n'est qu'un aspect très limité et d'une certaine manièredéformé de la pensée de Machiavel), les considérations morales ne doiventpas être confondues avec les données politiques.

Afin de prendre le pouvoiret le conserver, l'homme politique peut être amené à faire usage de la ruse,de la perfidie.

« L'histoire de notre temps enseigne que seuls ont accompli degrandes choses les princes qui ont fait peu de cas de leur parole et suadroitement endormir la cervelle des gens ; en fin de compte, ils ont triomphédes honnêtes et des loyaux » (Machiavel, Le Prince, chap.

18). En 1513, Machiavel , diplomate originaire de Florence, achève la rédaction du « Prince ».

Suite à un bouleversement politique à Florence, il avait été contraint d'abandonner ses fonctions et de se retirer.

Il profita decet exil pour rédiger une sorte de traité expliquant à un chef politique la façonde sauvegarder son pouvoir et même d'accéder à la gloire. L'idée d'un tel ouvrage, constitué par des conseils adressés à un prince, n'était pas neuve en elle-même.

Il existait déjà de nombreux « miroirs des princes » et Machiavel s'insère donc dans une tradition.

Mais il rompit avec l'usage et provoqua le scandale par la manière dont il aborda leproblème.

On vit en lui une nouvelle incarnation de Satan et, aujourd'huiencore, quelques commentateurs continuent de le considérer comme un« apôtre du mal ». Le discours humaniste du temps, que récuse Machiavel , s'inspirait des moralistes latins et notamment de Cicéron .

Pour ce dernier et ceux qui se rattachaient à sa pensée au XV ième, la gloire du chef reposait sur une bonne gestion allant de pair avec une conduite vertueuse, cad conforme aux exigences de la morale. Machiavel s'inscrit en faux contre cette thèse.

Le souci premier du Prince doit être de conserver son pouvoir et même de l'accroître à l'occasion.

Si les hommes étaient bons, il pourrait le faire sans jamais s'écarter des grands principes moraux universellement admis.

Mais leshommes sont pour la plupart méchants quand on ne les force pas à être bons.

En conséquence, le Prince sera vertueux, au sens courant du terme,si le contexte le permet, et il ne le sera pas si la situation le lui impose.

En cas de nécessité, il pourra faire des entorses aux grands principes.

Il luisera loisible d'agir contre la parole donnée, contre la charité, contre l'humanité (le respect de l'homme) et même contre la religion.

La fin justifie lesmoyens. Cette idée est exprimée en plusieurs endroits du « Prince » et de « Discours sur la première décade de Tite-Live », et, en particulier, dans le chapitre XV du « Prince » : « Car qui veut entièrement faire profession d'homme de bien, il ne peut éviter sa perte parmi tant d'autres qui ne sont pas bons.

Aussi est-il nécessaire auPrince qui se veut conserver qu'il apprenne à pouvoir n'être pas bon, et d'en user ou n'user pas selon lanécessité. ».. »

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