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La politique vous paraît-elle devoir obéir à d'autres principes que la morale

Publié le 20/03/2004

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morale
A. La science politique strictement considérée cherche à déterminer, en se fondant sur les expériences du passé, les lois générales qui régissent les sociétés humaines du point de vue de leur gouvernement. On peut la caractériser par les traits suivants : Positive et non normative, elle observe les faits tels qu'ils se présentent sans porter sur eux des jugements de valeur, sans distribuer louanges ou condamnations. Théorique et non pratique, elle tend à aboutir à un système de connaissances générales qui permette de comprendre les événements particuliers de l'histoire et de prévoir les suites probables d'une situation donnée. Par là, comme la plupart des sciences, la science politique aboutit à des applications pratiques et peut formuler des directives à l'usage des gouvernants : ayant établi certains rapports de cause à effet, elle peut déterminer comment obtenir tel ou tel résultat que ces derniers jugent désirable. Mais, implicitement ou explicitement, ces directives se présentent sous la forme hypothétique ou conditionnelle : si vous voulez assurer la paix intérieure, l'obéissance aux lois, la prospérité matérielle..., prenez les mesures suivantes. Elles ne sont jamais catégoriques : prenez cette mesure, assurez la paix intérieure... B. Toutefois, employé absolument (sans qualificatif), le substantif « la politique » désigne le plus souvent l'art politique, c'est-à-dire la manière de gouverner, de conduire les affaires publiques d'une nation.
morale

« II.

— RETOUR A LA QUESTION : POLITIQUE ET MORALE Il sera moins difficile maintenant de répondre à la question de savoir si les principes de la politique sont les mêmesque ceux de la morale. A.

La science politique et la morale. — Il en est de cette science comme de l'histoire sur laquelle elle se fonde. Comme l'historien, le spécialiste de cette discipline est soumis à certains principes de morale : le « tu ne mentiraspas » du Décalogue s'applique à son travail scientifique tout aussi bien qu'à ses relations avec autrui.

Goblot estmême allé jusqu'à dire que l'esprit scientifique est « composé surtout de vertus morales ».Toutefois la morale scientifique se ramène en définitive aux devoirs envers la vérité, lesquels ne constituent qu'unepetite section du code moral.

Les principes qui commandent la tempérance, la justice ou la charité n'interviennentpas plus en science politique qu'en histoire.

Mais si la science politique s'élabore en marge de ces principes, ellen'obéit pas à des principes contraires.

Il n'y a donc pas d'opposition entre la politique comme science et la morale :son élaboration ne demande jamais que soit violé quelque principe moral.En est-il de même de ses applications au gouvernement des hommes, c'est-à-dire de l'art politique ? B.

L'art politique et la morale. — Pour répondre à cette question il sera utile de distinguer les fins visées par la politique et les moyens mis en oeuvre pour obtenir ces fins.En ce qui concerne les fins, la politique est soumise aux mêmes lois que la morale.

Point n'est besoin de le dire, ellene doit vouloir que le bien.

Il est à peine pensable qu'un détenteur de l'autorité se propose de conduire ceux qu'ilgouverne au désastre, au désordre ou à la corruption.

Ce ne serait qu'un fou ou un pervers, dont le comportementserait bien étranger à ce que l'on entend par politique.Mais pour les moyens, la réponse est plus délicate.

S'il est un domaine où il paraît légitime d'invoquer la maxime « lafin justifie les moyens », c'est la politique.

La loyauté, qui est le principe fondamental de la science politique commede toute science, y devient naïveté ou même sottise, il y a plus : certains estiment légitime de sacrifier à uneentreprise politique importante les devoirs envers les autres ou envers soi-même : le respect des biens, de la vie, dela liberté, de la réputation, de la parole donnée..., doit céder, pensent-ils, devant ce qu'on appelle la raison d'Etat.De ces faits ou de ces opinions on ne peut certes pas conclure au droit, et prétendre que la politique doit obéir àd'autres principes que la morale.

Toutefois, à mesure qu'on s'éloigne de la morale individuelle, on constatel'impossibilité de renoncer à certains moyens que la morale désapprouve.Au plan national, la loyauté parfaite serait dangereuse et il est inévitable de recourir à des compromis comportantbien des accrocs à la justice.Mais c'est surtout au plan international que la fin justifie parfois, non pas tous les moyens, mais certains moyensauxquels ceux-là mêmes qui les emploient jugeraient indigne d'avoir recours dans leur vie privée.

Celle-ci, en effet,est protégée par l'organisation sociale : des sanctions diverses frappent ceux qui la troublent.

Au contraire, il n'y apas encore d'institution internationale assurant aux nations une sécurité suffisante.

C'est pourquoi, même en étatde paix, même au sein des alliances politiques les plus solides, règne une certaine méfiance.D'où, par exemple, la pratique universelle de l'espionnage, dont les méthodes déshonoreraient un particulier et mêmeune firme commerciale.

La morale n'admet pas que l'on corrompe autrui pour lui arracher un secret qu'il ne peut livrersans faute grave.

Or les services de renseignements disposent de fonds importants pour acheter les consciences.Doit-on les condamner ? Certes, ces méthodes sont fort regrettables ; il semble cependant qu'il faut les admettreprovisoirement, au moins en partie, comme un pis-aller.

Toutefois en partie seulement.

En effet, les intérêtssupérieurs de la politique ne sauraient permettre d'induire en grave tentation de trahir un fonctionnaire intègrejusque-là.

Mais il en est qui, plus ou moins ouvertement, s'offrent d'eux-mêmes ou dont on sait qu'ils sont prêts àvendre leurs renseignements.

Dans ce cas, les consciences sont déjà corrompues, la faute morale est virtuellementcommise.

Cette faute, l'agent des services de renseignements la condamne et en un sens la regrette ; il accepteracependant de payer cher un secret d'Etat précieux pour son pays, et aura conscience d'avoir rempli son devoir.

Lamorale ne le condamne pas.Toutefois le cas le plus tragique est celui de la guerre, des destructions et des massacres qu'elle entraîne : que deviolations de la loi morale elle implique ! Néanmoins les moralistes eux-mêmes, sous certaines conditions, lalégitiment, tout comme ils légitiment la résistance à un injuste agresseur, cette résistance irait-elle jusqu'àl'homicide.

Mais la guerre défensive ne saurait se réduire à résister à l'agression actuelle : la sagesse demande que,faute d'une police internationale, on prévienne une attaque imminente, que l'on use de représailles pour empêcher lerenouvellement d'agressions antérieures.

L'ennemi, est alors considéré comme un agresseur virtuel à l'égard duquelon se trouve en état de légitime défense.Avouons néanmoins que nous éprouvons beaucoup de peine à justifier ces pratiques qui heurtent une consciencedroite.

Aussi ne les avons-nous admises que provisoirement et comme un pis-aller. Conclusion — La sauvagerie de la horde primitive a été peu à peu éliminée par l'organisation sociale.

Il est permis d'espérer qu'une organisation internationale éliminera un jour des rapports entre les Etats des pratiques indignes del'homme.

Les principes de la politique pourront être alors exactement les mêmes et sans aucune exception que ceuxde la morale.

Alors seulement le monde sera civilisé, et on pourra faire de la politique sans avoir « les mains sales ».. »

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