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Le Port - Baudelaire (Petits Poèmes en prose).

Publié le 22/02/2012

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baudelaire

     Un port est un endroit charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L'ampleur du ciel, l'architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, les scintillements des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement compliqué, auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses, servent à entretenir dans l'âme le goût du rythme et de la beauté. Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir.

   Baudelaire (Petits Poèmes en prose).    SUJET    Vous ferez un commentaire composé de ce texte. Vous pourrez montrer comment au moyen d'une prose poétique et à travers l'évocation d'un paysage, le poète exprime ses états d'âme.    La poésie française s'est longtemps développée dans le sens opposé de celui du poème en prose, recherchant une versification régulière d'une grande rigueur. C'est dans la 1re moitié du 19e s. que, — l'offensive en faveur de la poésie en prose s'étant multipliée —, se fait la jonction entre les 2 formes d'expression poétique, spécialement sous la plume de Louis (dit Aloysius) Bertrand. 

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« Charles contemple le port est certainement crépusculaire, puisque les phares sont allumés ; or l'arrivée des«rafraîchissantes ténèbres » est toujours pour lui ce le signal d'une fête intérieure » (Le Crépuscule du Soir),l'instant où il ce entend la douce Nuit qui marche » (Recueillement).

Toutes ses aspirations profondes ou étouffées,intenses ou tacites s'élèvent dans «ce cœur tendre » (Harmonie du Soir).

Celle du repos un peu désabusé dû à lalassitude d'une vie où le spleen pèse de plus en plus souvent et qui a fait de lui une âme «fêlée », « un espritgémissant en proie aux longs ennuis » (Spleen).

Le rythme de la 1re phrase, d'abord frais et léger : « Un port est unendroit charmant » devient las et presque boiteux (à cause sans doute de l'allitération des dentales) pour peindrecette « âme fatiguée des luttes de la vie ».

Il n'est plus le jeune homme de 20 ans qui voulait s'embarquer pour fairele tour du monde ; non, il « n'a plus ni curiosité ni ambition ».

Une torpeur l'envahit, et le « charme » de la visionmouvante l'aide à y trouver douceur et forme de paix.

Il n'aspire plus à partir, ce ne sont plus — loin de là — lesaccents déchirants du Voyage : « O Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre ! Ce pays nous ennuie, ôMort ! Appareillons !...

».

Il n'est plus que contemplation devant les voyages de «ceux qui partent et de ceux quireviennent », agitation stérile puisqu'on emporte toujours avec soi son angoisse ; devant la vie et ses ambitions, lavie où il faut avoir «la force de vouloir », « le désir de voyager et de s'enrichir » : désespérance ? Plutôt sorte derésignation devant «tous ces mouvements » ; mais aussi prise de position hautaine, celle du « Prince des Nuées », «aristocratique » et détaché, revenu de tout mais non de l'observation des autres, qu'il regarde de haut, «dans lebelvédère » ou « sur le môle », mais avec le sentiment de sa supériorité.

C'est bien là le poète de l'Albatros oud'Elévation, l'initié, retiré de la ce fête servile », qui voit de loin les autres, dans une attitude dégagée : « couché »ou « accoudé ».

La longue phrase finale, avec ses symétries et ses répétitions, prend une allure presque oratoire :n'est-ce pas façon d'exprimer un certain mépris ; celui de ce « bienheureux » initié seul capable de «planer sur la vie» et de « comprendre] sans effort Le langage des fleurs et des choses muettes » ? * * * Ainsi, grâce à un moyen d'expression où toutes formes de conventions s'estompent pour«laisser le poème se définircomme tel par sa seule qualité poétique » (Ruff), Baudelaire fait parvenir des aveux très intimes que les obstaclesd'une stricte métrique n'auraient peut-être pas permis d'exprimer de façon aussi directe.

Il en est de même danstout le recueil Le Spleen de Paris, malgré une certaine inégalité des poèmes.

Certes Les Fleurs du Mal atteignentune perfection qui lui permet de rester l'œuvre maîtresse de leur auteur.

Mais les Petits Poèmes en Prose n'en sontpas moins une création si originale qu'elle «établit une communication extrême entre la rêverie du poète et celle dulecteur » (Ruff), plus frappante encore dans les textes courts, et que son influence sera irremplaçable sur tous lespoètes modernes — ne citons que Rim-naud et Lautréamont ! la liste serait fastidieuse.... »

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