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Est-il possible de vivre au présent ?

Publié le 05/01/2004

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Ainsi se trouvent expulsées continuité et durée.Mais, dès lors, l'invitation gidienne n'est-elle pas quelque peu paradoxale ? Peut-on nous demander de rester au plus près du présent, de refouler avenir et passé ? Il y a là une contradiction qui saute immédiatement à l'esprit et à laquelle se réfère, au fond, notre intitulé. Si le présent est simple intervalle, comment serait-il possible et non contradictoire de vivre au présent ? Vivre, c'est expérimenter la durée, tenter d'atteindre ce qui est, saisir l'existence dans ce qu'elle a de plus concret. Or, on ne saurait précisément vivre au présent, compris en cette première acception. Car le présent ainsi défini n'existe pas ! C'est un néant, une poussière infinitésimale. Loin d'être Présence, comme nous le suggérait le texte de Gide, le présent est fuite, évanouissement. Comment serait-il possible de vivre au présent ?

HTML clipboard• Les questions soulevées par l'intitulé de sujet s'avèrent multiples.    Le présent, instant infinitésimal et, du même coup, néant ou bien durée empiétant sur l'avenir ? Est-il possible d'expérimenter une forme temporelle qui ne semble pas avoir de réalité propre ? Et si cette durée était grosse du passé et de l'avenir ? Dans ce dernier cas, ne serait-il pas non contradictoire de l'expérimenter ? Mais le présent ne désigne-t-il pas aussi une permanence, participant de l'éternité ?    • Parmi ces questions multiples que soulève notre intitulé de sujet, il en est une, fondamentale, décisive, constituant le problème. N'oubliez pas, en effet, que la question elle-même ne s'identifie jamais au problème, mais renvoie à une interrogation, beaucoup plus radicale, qui jaillit de l'examen de cette question. Le présent peut-il revêtir des caractères de durée (voire d'éternité)—auquel cas il serait possible de vivre au présent—ou bien ne constitue-t-il qu'un instant infinitésimal et un pur néant ?    • L'enjeu de l'intitulé, son importance décisive, nous apparaissent évidents. Selon la réponse, notre destin dans le monde acquiert ou bien sens et Intelligibilité (le Présent, conçu comme comme Présence éternelle, nous installe, en effet, dans la zone du Sens) ou bien nous entraîne dans le « non-sens «.

« succession.

Mais, néanmoins, ni l'instant, ni le maintenant ni le présent ne durent.

En eux, le futur se présentifie etse transforme rapidement en passé.

Ainsi se trouvent expulsées continuité et durée.Mais, dès lors, l'invitation gidienne n'est-elle pas quelque peu paradoxale ? Peut-on nous demander de rester au plusprès du présent, de refouler avenir et passé ? Il y a là une contradiction qui saute immédiatement à l'esprit et àlaquelle se réfère, au fond, notre intitulé.

Si le présent est simple intervalle, comment serait-il possible et noncontradictoire de vivre au présent ? Vivre, c'est expérimenter la durée, tenter d'atteindre ce qui est, saisirl'existence dans ce qu'elle a de plus concret.

Or, on ne saurait précisément vivre au présent, compris en cettepremière acception.

Car le présent ainsi défini n'existe pas ! C'est un néant, une poussière infinitésimale.

Loin d'êtrePrésence, comme nous le suggérait le texte de Gide, le présent est fuite, évanouissement.

Comment serait-ilpossible de vivre au présent ? Cette expression même est rigoureusement antinomique, comme le sous-entend, encertains passages,.

Jean-Paul Sartre : « Une analyse rigoureuse qui prétendrait débarrasser le présent de tout cequi n'est pas lui, c'est-à-dire du passé et de l'avenir immédiat, ne trouverait plus en fait qu'un instant infinitésimal,c'est-à-dire, comme le remarque Husserl dans ses Leçons sur la conscience intérieure du Temps, le terme idéald'une division poussée à l'infini du néant.

» (l'Être et le Néant, Tel-Gallimard, p.

165).

Il en résulte qu'il estcontradictoire et non pensable de vivre au présent, puisque le présent n est pas.

Conçu comme instant infinitésimal,il nous échappe et ne fournit pas la matière d'un exister.

Il n'a pas de réalité propre.

Si le présent nous fuit entre lesdoigts, si nous n'avons pas de présent, alors il n'est pas possible de vivre au présent.D'ailleurs, vivre, c'est se projeter dans l'avenir, s'identifier à tous ces possiblesqui donnent sens et forme à notre existence.

Je ne suis pas seulement plongéet immergé dans un jour automnal ou englué dans la quotidienneté immédiatede mon aujourd'hui.

Sans cesse je me jette en avant de moi-même versl'avenir.

L'étudiant se projette vers les possibles de sa future existence.Chacun d'entre nous forme des projets, se donne des buts, a le dessein defaire quelque chose.

N'est-ce point ce que nous disait Pascal ? « Que chacunexamine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir.[...] Le présent n'est jamais notre fin.

[...] Ainsi nous ne vivons jamais, maisnous espérons de vivre.

» (Pensée 171, édition Brunschwig).

L'exister humainest si fortement et essentiellement nourri de futur, la vie est tellementorientée vers l'avenir qui donne sens à notre action qu'il semble quasiimpossible de vivre au présent ! Quel sot projet que de vouloir vivre en ceprésent, puisque ceci représente une tâche impossible.

Sondons notreconscience : elle n'est pas faite de présent, mais d'avenir et de passé.Mais, précisément, ne peut-on imaginer un présent pétri de passé et d'avenir,un présent gros de cet ensemble de dimensions ? Au-delà d'une notion courtedu présent, ne peut-on dégager une autre définition, heuristiquement plusriche, plus fertile en perspectives ? B.

Il est possible de vivre au présent, envisagé comme durée. Mon présent, en fait, se déplace vers l'avenir et vers le passé.

Il leur est indissolublement uni et forme avec eux unsystème.

Le moment présent, loin de représenter une île séparée du devenir, est inextricablement mêlé à mon passéet à mon avenir.

En cette seconde acception, le présent cesse d'être néant et apparaît gros d'une épaisseur etd'une durée.

Alors il devient peut-être possible de vivre au présent.Car il est un pré sent où pénètrent les moments hétérogènes de notre vie, un présent proche de cette duréebergsonienne, du temps vécu, par opposition au temps objectif.

La durée intérieure, dont nous parle Bergson, est lavie continue d'une mémoire qui prolonge le passé dans le présent.

Sans cette survivance du passé dans le présent,il n'y aurait pas de durée, mais seulement de l'instantanéité.

En d'autres termes, pour comprendre le présent, pourtenter de voir s'il est contradictoire ou au contraire, possible, de vivre au présent, il est bel et bien nécessaire desaisir cet ensemble où présent, passé et futur forment une unité indissociable.Or, en mon « immédiateté » d'aujourd'hui, s'opère bel et bien un dépassement vers l'avenir et le passé : le présentles « touche » littéralement, encore que cette métaphore spatiale du toucher soit peut-être inadéquate.

Le présentest acte, union, unification.

Loin de désigner une ligne idéale, une limite, il s'identifie à un ensemble actif.

Le présent. »

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