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POSTCOMMUNISME

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

À la différence du concept de « transition » qui inclut un point de départ (1989-1991), un chemin à parcourir (privatisation, consolidation des alternances politiques) et un but à atteindre (économie de marché, démocratie) et qui, de ce fait, ne résiste pas à la critique d'être téléologique et normatif, celui de postcommunisme est neutre par son indétermination. Si l'on considère le champ spatial de l'ex-URSS et de l'Europe centrale et orientale, et si l'on considère hors de propos la boutade « Nous vivons tous dans le postcommunisme », on dispose d'un cadre simple pour observer les tendances à l'oeuvre dans une région qui a subi pendant un demi-siècle, voire davantage pour la Russie, un régime politique totalitaire ou proche de l'être. Des traits largement communs. Les caractéristiques du postcommunisme se retrouvent dans la plupart des pays concernés. La première étape est une sorte de décolonisation (désatellisation) avec les dissolutions du pacte de Varsovie (25 février 1991) et du CAEM (Conseil d'assistance économique mutuelle, ou Comecon, 28 juin 1991), qui rendent caducs les liens de coopération militaires et économiques. Il s'agit de remplir le vide par de nouveaux marchés et par une nouvelle division internationale du travail non plus cantonnée à un « camp » ou à un « bloc », mais en phase avec le monde entier, suivant les règles libérales. Simultanément, il faut remplir le vide de sécurité qu'a entraîné l'effondrement de la puissance militaire soviétique. Sont signés des pactes de bon voisinage, de partenariat avec l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord), à laquelle ont adhéré trois anciens pays communistes en avril 1999 (Hongrie, Pologne et République tchèque). Enfin de vastes réformes venues d'« en haut » (dont les instigateurs sont pêle-mêle : le gouvernement, les chambres élues, l'UE - Union européenne -, le FMI - Fonds monétaire international -, etc.) sont engagées, nécessitant également l'apprentissage des nouvelles règles du jeu, aussi bien par les acteurs collectifs que par les individus. Toutes ces mesures, légitimes au regard des modalités de leur adoption (validations électorales, débats législatifs conclus par des votes) se combinent en une sorte de révolution institutionnelle. Malgré ses effets sociaux, notamment une refonte de la structure sociale se traduisant pour certains par une ascension sociale et l'amélioration de leur niveau de vie, pour d'autres par des phénomènes d'exclusion et de précarisation, cette mutation radicale n'engendre pas de contre-révolution, si l'on excepte la pression des mineurs roumains contre ceux qui auraient « confisqué la révolution » (juin 1990, octobre 1991) ou le putsch de Moscou (août 1991). En effet, les transformations en Europe postcommuniste dépendent non seulement de réalités « objectives » comme les politiques des acteurs institutionnels ou la demande structurelle du marché, mais aussi pour beaucoup de la disponibilité des individus à recevoir des impulsions ou des signaux de leur nouvel environnement et à leur trouver des réponses personnelles adéquates. Une hypothèse chronologique. En ce sens, on peut formuler une hypothèse chronologique rendant intelligible le postcommunisme. Les effets des ruptures de 1989 et 1991 ont longtemps marqué les comportements des individus ou des groupes sociaux qui semblaient désorientés par le changement. De plus en plus, les individus et notamment les générations qui ont grandi à la fin du communisme ou, déjà, dans le postcommunisme, s'orientent en fonction du nouveau système économique et, tout au moins pour les pays de l'Europe centrale, assimilent la perspective de l'intégration européenne. Cependant, le label de postcommunisme recouvre des trajectoires nationales très diverses. Le sociologue Ralf Darhendorf a mis en garde devant la tentation répandue de croire en une « ligne d'arrivée », ayant vertu de modèle unique : « Il y a beaucoup de capitalismes et pas seulement celui de Chicago, a-t-il rappelé, il y a beaucoup de démocraties et pas uniquement celle de Westminster. » Georges MINK