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Pour un critique contemporain, Lucien Goldmann, il y a drame lorsque la solution du conflit dans lequel sont engagés les personnages peut être trouvée par des moyens humains ; il y a en revanche tragédie lorsque cette solution appartient à une puissance surnaturelle. Comment comprenez-vous cette distinction? A l'aide d'exemples précis justifiez ou critiquez les propos de ce critique.

Publié le 29/03/2011

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   Ce sujet, pour être traité, suppose la connaissance de textes appropriés. Nicomède-Phèdre, bien sûr et par exemple; ou, à l'intérieur du même univers racinien, Andromaque-Phèdre, puisque Goldmann (les enseignants le savent) s'attache à démontrer que la première, malgré les apparences, est un drame. Se pose donc la vaste question (qu'on ne saurait traiter ici) des textes du XVIIe siècle au lycée. Ce ne sera une surprise pour personne de constater que la pratique de l'examen force à réfléchir sur le contenu de l'enseignement. Finalement, traité sur des bases solides, le fameux parallèle Corneille-Molière peut avoir un sens.

« moderne : la tragédie d'inspiration biblique.

Zeus ou Jéhovah, lorsqu'ils tiennent un homme, ne le lâchent pas, et lespectateur n'a plus qu'à le plaindre, et à tirer leçon de ses malheurs.

Cette forme de tragédie tient de très près à lareligion et aux célébrations sociales.

A Athènes on jouait la tragédie lors des grandes fêtes religieuses etpatriotiques.

La tragédie biblique était souvent jouée, aux origines, dans les collèges, où l'on jouait également destragédies édifiantes tirées de l'histoire ancienne. La tragédie française, telle qu'elle se constitue aux XVIe et XVIIe siècles est profondément différente.

Pour desraisons de vraisemblance et de crédibilité, on en a banni les dieux antiques comme y intervenant directement et onles a remplacés par les sentiments et les passions des hommes.

Dès lors on a une tragédie aisément romanesque, oùles conflits et déchirements psychologiques jouent un rôle déterminant, où les personnages évoluent, sontmystérieux, obscurs, etc.

Un exemple permet de bien mesurer la différence : dans la Phèdre grecque, Hippolyte estpoursuivi de la haine de Vénus pour avoir refusé de sacrifier sur ses autels.

Racine a supprimé cet aspect de la fableet il a créé le personnage d'Aricie : Hippolyte aime cette jeune princesse qui lui est interdite par la loi politique etc'est pour cette raison purement humaine 1) qu'il ne regarde pas Phèdre, 2) qu'il provoque sa jalousie et sa haine.Conséquence : la Phèdre de Racine est psychologiquement motivée au lieu d'être un simple instrument dans lesmains d'une déesse irritée.

La pièce repose sur une intrigue, chose qu'ignore la tragédie antique.

Pour la tragédiefrançaise, le critère drame-tragédie ne saurait donc être présence des dieux/absence des dieux.

Il faut s'orientervers une explication du type : univers ouvert/univers clos, ou optimisme/pessimisme.

Ne pas oublier que lespectateur de Racine ne croit plus aux dieux, mais qu'il attache la plus grande importance (pourquoi?) aux problèmesde l'amour, de la politique, aux sentiments de liberté, de dignité, au désir de bonheur, à l'expérience de l'échec, etc. Dernière remarque : la formulation de Goldmann fait problème.

Qu'en-tend-il par solution? S'agit-il d'une issuepratique pour les personnages ou d'une explication pour le spectateur-lecteur? Dans le premier sens, on dira qu'il y asolution pour Nicomède ou pour Rodrigue parce que, personnages, ils trouvent une issue (victorieuse) à la situationdifficile dans laquelle ils se trouvaient.

Dans le second sens, il y a solution au problème de Phèdre si le spectateur-lecteur perçoit que c'est la prédestination qui permet de comprendre la vanité des efforts de l'héroïne.

De mêmepuissance surnaturelle ne signifie pas uniquement les dieux, personnels, ayant une histoire, des rapports personnelsavec les hommes, etc.; ce peut être aussi une transcendance, quelque chose qui échappe aux prises de l'homme(Dieu, ou l'histoire-fatalité...).

Il y aurait donc tragédie lorsque le sens de la pièce aussi bien que Y intrigue nepeuvent être éclairés, dénoués que par un recours au surhumain, à l'inhumain.

On voit à nouveau se dessiner leproblème, sans doute clé, de l'idéologie optimiste ou pessimiste, et donc de l'expérience qui la commande. Propositions pour traiter le sujet Introduction Que recouvre, par exemple, l'opposition drame/tragédie lorsqu'il s'agit de Hugo-Musset et de Racine, mais aussi deRacine-Corneille? Lorenzaccio, pièce sans espoir humain, est-il un drame ou une tragédie? Nicomède, qui voit lavictoire du héros, est-il une tragédie? Problème de technique ou de sujet? Des notions à préciser Des tragédies qui n'en sont pas? Dans Le Cid ou dans Nicomède, des hommes luttent entre hommes, cherchent et trouvent la solution humaine à desproblèmes humains.

Le dénouement est une récompense et une victoire, un sacre.

Même Polyeucte s'achève sur letriomphe des martyrs et sur la promesse d'une histoire chrétienne.

Il est bien difficile de nommer tragédies cespièces finalement exaltantes et qui font l'éloge du courage, de l'audace, de la lucidité.

La solution finale du Cid,c'est de laisser faire le temps, la vaillance du héros, et surtout le Roi, clé de voûte de la réalité humaine.

Il n'existeaucun au-delà inquiétant.

C'est la tragédie, mais optimiste... Dans Phèdre, au contraire, quels que soient les efforts de la reine, elle est vouée à la destruction, elle détruit celuiqu'elle aime; de même le roi fait mourir son fils et, après le dénouement, s'il continue à régner sur Athènes, il n'estplus qu'un simulacre de roi, lui aussi pratiquement détruit.

Les hommes là, ne peuvent rien à leur destin, quis'explique soit — si l'on y tient — par la haine des dieux grecs, soit par la prédestination janséniste, forme limite dupessimisme chrétien, conséquence, au XVIIe siècle, de l'obscurcissement de tout par la monarchie absolue.

Ni lareligion, ni la politique, ni la psychologie ne sont porteuses de certitudes.

L'homme est enfermé; il ne peut quesouffrir et s'agiter dans le cercle. Une vérification? Andromaque, qui voit la relative victoire de la veuve d'Hector (son fils est sauvé; elle aussi) seraitplutôt un drame? Il y a pourtant quelque chose qui demeure insoluble, irrattrapable : la mort d'Hector, et c'est unpeu par hasard qu'Andromaque échappe à la destruction que, de manière différente, lui préparaient Pyrrhus,Hermione, Oreste.

Mais il est vrai que la pièce, malgré la folie d'Oreste, peut s'achever sur un relatif soulagement.Andromaque serait-elle récompensée, de sa fidélité, de sa raison, dans cet univers fou des Grecs? La pièce a puêtre considérée comme plus touchante que terrible.

Pour qu'Andromaque soit un drame cependant, il manque, si l'ons'en rapporte à la définition de Goldmann et à ce qu'elle sous-entend une dimension capitale : l'avenir humain, unprojet politique, une maîtrise sur les êtres et les choses.

Andromaque, captive sauvée, ne sera pas, n'est pasfondatrice.

On constate en tout cas que drame et tragédie ne se distinguent pas par des moyens techniques, maispar une manière de dire l'expérience humaine. Optimisme et pessimisme. »

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