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Pour être libre, faut-il savoir ce que l'on fait ?

Publié le 20/01/2004

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Analyse du sujet : Partons d'une définition classique de la liberté : c'est pouvoir faire ce que l'on veut. Alors répondre par l'affirmative semble une évidence. Pour faire ce que je veux il faut nécessairement que je sache ce que je fais. En effet, comment pourrait-on vouloir faire quelque chose sans savoir en quoi consiste ce quelque chose ? Mais inversement (et c'est là le côté paradoxal du sujet), le verbe falloir semble indiquer une contrainte, une obligation qui apparaît alors comme un frein, un obstacle à la liberté. Ce serait même un obstacle très dur car il placerait la liberté vers la connaissance ; connaissance qui n'est jamais certaine ni entière quant aux conséquences de nos actes : peut-on mesurer jusque dans les dernières conséquences ce l'on fait ?

 

 

  • 1) La possibilité d'un acte gratuit (Lafcadio).
  • 2) Des degrés de libertécomme des degrés de connaissance ?
  • 3) La liberté dans et par la connaissance de soi (Socrate, Spinoza).

« La formulation même de la question « pour être libre, faut-il savoir ce que l'on fait? » peut sembler paradoxale, car sila liberté est l'absence de contrainte, comment justifier l'exigence exprimée dans l'expression «il faut»? Cetteobligation de «savoir ce que l'on fait» n'est-elle pas une condition extrêmement dure, qui rendrait presque la libertéimpossible? Car sait-on vraiment jamais ce que l'on fait, peut-on le mesurer jusque dans ses dernièresconséquences?Pourtant, et réciproquement, si être libre, c'est pouvoir faire ce que l'on veut, il semble bien que cela suppose desavoir ce que l'on fait.

Comment pourrait-on vouloir faire quelque chose, sans savoir en quoi ce quelque choseconsiste? Ne serait-ce pas contradictoire?On examinera d'abord l'idée d'une liberté pure, dénuée de toute contrainte, et l'on essayera de faire apparaître lecaractère contradictoire de cette idée, qui mène à la négation de la liberté.

On pourra alors, dans un second temps,examiner en quoi, en effet, il faut savoir ce que l'on fait si l'on veut pouvoir se dire libre, puisque pour pouvoir agirefficacement, il faut être capable d'ajuster les moyens aux fins recherchées.

On verra que cette exigence comportedeux aspects, l'un concernant la connaissance du monde sur lequel on agit, l'autre, en amont de l'action,concernant les motifs qui nous font agir.

Cependant, on pourra se demander dans un troisième temps s'il n'y a pasaussi des cas où cette connaissance, cette conscience de ce que l'on est en train de faire, devient,paradoxalement, un obstacle à l'action. «Savoir ce que l'on fait», n'est-ce pas une exigence trop grande pour laisser place à la liberté? On ne peut pasmanquer de remarquer la contradiction de la question posée : si l'on est libre, « il ne faut » rien.

Telle est la liberté.C'est,l'absence de contrainte, donc, en principel'absence de devoir, d'obligation, quelle qu'elle soit.

Être libre c'est donc faire ce que bon nous semble, fairen'importe quoi éventuellement, ne pas se donner de plan, ne pas se contrôler soi-même.

« Carpe diem », « profite du jour », dit la moralehédoniste qui assimile bonheur et plaisir: manière de dire que l'on ne sait jamais ce qui se pas; sera demain,qu'aucun calcul sur l'avenir n'est vraiment possible, et, qu'il faut saisir les occasions quand elles se présentent.

C'estle bon; heur qui est ici défini, mais il est défini comme cette liberté par rapport aux soucis qu'entraînerait unevolonté de savoir, de mesurer les conséquences de ce que l'on fait, de s'interroger indéfiniment sur nos motivations.Mieux vaut mettre en suspens toutes ces interrogations et jouir de la vie.Dans cette logique, le savoir semble avoir une influence néfaste sur le « faire ».

Savoir, c'est, ici, se représenter ceque l'on fait.

Mais la représentation - re-présentation - redouble nos actes et, en quelque sorte, les alourdit,provoque des frictions en les rendant moins efficaces.

Hamlet, le personnage de Shakespeare, dans le fameuxmonologue « to be or not to be», s'interroge sur les raisons qui le retiennent d'assassiner son oncle (meurtrier deson père).

C'est la peur de la mort, dit-il, qui nous retient de mener des actions risquées.

«Ainsi, dit-il, la consciencefait-elle de nous tous des lâches, et les entreprises de grande envergure, à cause de ces considérations, leurscourants se tarissent et elles perdent le nom d'action ».

(Shakespeare, Hamlet) Car savoir ce que l'on fait, cela veutdire avoir une claire représentation des risques que l'on court: mais ce savoir modifie les conditions de l'action.

Etéventuellement même, c'est ce que dit Hamlet, cette conscience finit par empêcher tout à fait l'action.Faut-il pour autant dire: Soyons fous, soyons ignorants, fermons les yeux, c'est la seule manière d'être libres ! Unindice du fait que les choses ne peuvent pas être si simples, c'est que cette phrase elle-même, tout comme le «carpe diem », est un impératif On retombe donc sur la même contradiction logique rencontrée dès le début: celui quivoudra dire en quoi consiste la liberté sera bien obligé de prescrire un certain type de comportement, et donc desembler immédiatement se contredire lui-même.Mais ce n'est le cas que si l'on a une conception trop stricte de la notion de liberté comme absence de contrainte.

Ilest vrai que les deux concepts s'opposent, mais toutes les contraintes n'ont pas le même statut.

Que donneraitl'absence effective de toute contrainte? A quoi cela ressemblerait-il? « La colombe légère, dit Kant, lorsque dansson libre vol, elle fend l'air dont elle sent la résistance, pourrait s'imaginer qu'elle réussirait bien mieux encore dans levide ».

Mais dans le vide, elle ne pourrait pas voler du tout! L'absence totale de contrainte, cela supposerait qu'il n'yait plus rien dans le monde qui me résiste.

À la limite, il ne faut plus que j'aie de corps, car mon propre corps melimite.

Et plus de conscience, car la forme de ma conscience me limite aussi.

Alors? Que reste-t-il? Rien.

La libertéabsolue, pensée comme absence totale de contrainte, c'est la non-existence : c'est la mort.

Et la mort, c'est enfait l'absence totale de liberté, puisque, une fois mort, je ne peux plus rien faire.Ainsi, on s'aperçoit que la définition de la liberté comme absence de contrainte se retourne contre elle-même.

Laliberté n'est pas pensable hors d'un champ de contraintes qui structure les possibilités de l'action.

Il suffit de penserpar exemple aux règles d'un jeu: les règles sont des contraintes, mais c'est grâce à elle que le jeu est possible.

Demême, les règles de grammaire du langage : si elles n'existaient pas il n'y aurait pas de communication possible.

Lescontraintes sont donc peut-être ressenties comme des entraves à la liberté, il n'empêche que dans certains cas,elles sont ce qui rend possible d'agir.

Si elles n'étaient pas là, on ne pourrait pas agir, et il serait difficile alors deconsidérer que l'on est libre.. »

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