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Pourquoi se cultiver ?

Publié le 22/02/2012

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La question « Pourquoi se cultiver ? » nous demande de manière assez surprenante de nous interroger sur la finalité et la valeur de la culture considérée comme un acte de transformation dans lequel le sujet se trouve impliqué. Et, en effet, qu'en est-il de cette implication ? En quoi, après tout, le sujet devrait-il être intéressé par l'action de transformer le monde, lui-même ou autrui ? Ne peut-il se satisfaire du monde et de l'état des choses et de son propre état tels qu'ils sont ? A quoi bon se cultiver, de plus, si les transformations qu'apporte la culture n'amènent aucun progrès, voire sont tout à fait à même d'engendrer de terribles régressions, des inégalités et des injustices croissantes comme le met en évidence Rousseau dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes ? Quel sens y a-t-il alors encore à tous les efforts consentis par le sujet pour s'instruire, raffiner son éducation, si aucun bien ni aucun mieux individuels et collectifs n'en découlent et si, de plus, c'est même sous la contrainte qu'il faut consentir ces efforts ? Car, a-t-on le choix de se cultiver ? On voit bien que le problème de fond, qui détermine ceux de savoir quelles sont la finalité et la valeur de la culture, est celui de savoir si se cultiver rend plus libre ou bien si se cultiver n'est que l'action de se conformer aux contraintes que font peser sur nous tant la nécessité naturelle que la nécessité sociale. Se cultiver n'est-il qu'un moyen d'adaptation à la nature et à la société ou bien est-il la fin que doit se donner notre désir d'émancipation de notre humanité ?

« Passeron).

Elle est comprise comme un bien immatériel ou un capital immatériel qu'il s'agit de se procurer, detransmettre et de perpétuer.c.

Le sujet, pour sa part, est compris comme quelqu'un qui n'existe que lorsqu'il « est quelqu'un » et non paspersonne, c'est à dire qu'il se comprend d'abord par et seulement sous son identité sociale.

Le sujet cultivé est celuiqui s'est procuré (par le travail, par le talent ou par les deux) un capital culturel supposé le distinguer socialement.d.

Se cultiver est enfin compris comme acquérir un avantage social pour s'adapter et répondre mieux et plus viteque les autres aux normes de réussite et distinction sociales en vigueur .

Se cultiver est compris comme un moyenou bien un but qui permet d'en atteindre d'autres par après, comme une action qui n'est pas forcément bonne en soimais permet de se procurer des biens qui procureront par leur possession réussite et bonheur. Cependant, concevoir ainsi l'action de se cultiver, n'est-ce pas souscrire à une contradiction qui lui fait perdre sonsens ? Le sujet peut-il en effet émanciper, créer et libérer réellement sa singularité et son humanité en concevant laculture comme une action conformiste d'adaptation à des normes qu'il n'a pas créées ni réfléchies, ni choisies,normes auxquelles il obéit et qui font de la culture un simple instrument ou, pire, une arme pour ignorer ou dominerceux qui n'en ont pas ou qui en ont moins ? Se cultiver peut-il réellement être défini comme chercher à passer, parl'acquisition de biens culturels, par-dessus l'humanité d'autrui en comptant ainsi réaliser la sienne ? III) Se cultiver n'a de sens que si la culture est comprise comme une fin en soi et non pas comme unmoyen ou un but subordonné à d'autres buts. a.

On peut remettre en question les représentations et définitions de l'acte de se cultiver données dans le premieret le second moment de la réflexion.

Nature et société sont les conditions dans lesquelles se cultiver est possible etnon pas les causes qui devraient assigner la culture à n'être seulement qu'un moyen ou un instrument pour se fairevaloir.

Nature et société ne doivent pas être comprises comme des causes de la culture, mais seulement comme lesconditions dans lesquelles la liberté et l'autonomie du sujet se cultivent.

La culture et le désir de se cultiver ne sontpas des effets mécaniques dont la nature ou la société sont la cause.

Bien au contraire, les représentationsréductrices et mécanistes de la culture peuvent anéantir tout goût ou désir de se cultiver.

(Ici, distinguernettement cause et condition : une condition rend possible, elle libère le possible ; une cause détermine, assignenécessairement un ou plusieurs effets réels, de sorte que si la cause est présente les effets se ferontnécessairement et effectivement sentir) Par ailleurs, « on ne triomphe de la nature qu'en lui obéissant » (Bacon,Novum Organum) : on se cultive avec la nature et en présence d'autrui et en les connaissant et non pas contreeux, en les ignorant ou les méprisantb.

Critique de la conception de la culture comme moyen de gagner la guerre sociale ( Rousseau : Discours sur lessciences et les arts) .

Jadis, au lieu de dire « va au lycée acquérir un capital culturel » on disait « va au lycée fairetes humanités ».c.

Critique de la conception de la société issue du darwinisme social (dans cette idéologie naturaliste infinimentrépandue, les liens humains sont réduits à des rapports de prédation ou de recherche d'avantages évolutifs ; lasélection sociale est pensée comme analogue à la sélection naturelle)d.

Sujet et culture sont des fins, des horizons désirables, des aspirations de l'humanité en tant qu'elle cherche sapropre réalisation (et non pas de simples moyens ou bien des buts précis subordonnés à d'autres buts qu'eux-mêmes) (Nietzsche, Considérations intempestives ; De l'avenir de nos établissements d'enseignement).

Ici,distinguer fin et but : une fin est une aspiration ouverte, inconditionnelle et inconditionnée, qui vaut par soi,indépendamment même du fait d'être réalisée, et qui autorise une liberté de création ; un but est un objectif précis,contraignant, qui réclame qu'on s'y conforme pour l'atteindre et qui ne vaut que sous condition de l'atteindre.)e.

Se cultiver est une action qui vaut pour elle-même et non pas pour ce qu'on en espère.

C'est un bien en soi, etcela reste absolument un bien, même si la réalisation complète de la culture n'est jamais aboutie (et, en effet , quipourrait prétendre être absolument cultivé et parfaitement humain ?) (ici, on peut opposer le bien et les biens : secultiver fait du bien en soi, même s'il n'en découle aucun accroissement de capital.)f.

Critique de la conception trop souvent réductrice de l'action de se cultiver ( « s'armer », « se doter », « s'enrichir» par la culture : le vocabulaire courant signale de lui-même des conceptions quantitatives de la culture mais ausside la subjectivité – le sujet serait d'autant plus cultivé, d'autant plus sujet, en fait – qu'il auraitbeaucoup de savoirs, de capital culturel acquis ; or, quel sens à toutes ces quantités accumulées si le sujetn'entretient aucun rapport sensé et qualitatif à ses savoirs ? D'autre part, peut-on moralement soutenir qu'un sujetest d'autant plus sujet qu'il a acquis de capital culturel ? Ce serait là relativiser la valeur du sujet ; Or, être sujetc'est avoir une dignité et une valeur absolues et non pas un prix évaluable à l'aune quantitative d'un capital culturelsupposé le faire valoir (sur ces questions, Cf.

l'enseignement par Socrate de la docte ignorance et du souci de soi àAlcibiade) Dans les Considérations intempestives, Nietzsche nous fait bien comprendre qu'il n'y a pas de culture là où le sujetn'apprend pas à réfléchir sur la finalité et la valeur des transformations qu'il fait subir au monde, à autrui et à lui-même.

La fin et la raison de se cultiver sont alors dans la culture et le sujet eux-mêmes en tant que ces derniersrestent toujours à créer contre la barbarie et à hauteur de ce que l'humanité peut en attendre.

Ni la nature ni lasociété ne sauraient contraindre un sujet à se cultiver.

Il n'y a que le sujet pour se donner à lui-même l'obligation dese cultiver et cette obligation ne se comprend que si se cultiver reste un acte désirable où l' humanité, loin des'égarer, se trouve.Reste le problème de donner un contenu positif effectif et très concret à cette humanité qui attend de nous quenous devenions enfin plus humains.

En attendant cette humanité positivement réalisée, il est toujours bond'apprendre à repérer les manifestations très concrètes, elles, de la barbarie, de l'inculture et de l'inhumanité, non. »

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