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Pourquoi désirer l'immortalité ?

Publié le 30/12/2005

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DÉSIR (lat. de-siderare, regretter l'absence d'un astre -sidus)

Désirer, c'est tendre consciemment vers ce que l'on aimerait posséder. Le désir est conscience d'un manque. Comme conscience, il est le propre de l'homme dans la mesure où seul celui-ci est capable de représentations intellectuelles (l'animal a des besoins»). « Le désir est l'idée d'un bien que l'on ne possède pas mais que l'on espère posséder » (Malebranche). Comme manque, il est aussi spécifiquement humain dans la mesure où ne manque jamais que ce qu'on a le souvenir d'avoir possédé et le regret d'avoir perdu. Le désir se définit donc paradoxalement comme nostalgie, en son essence insatisfait; impossible espoir de retrouver ce qui appartient à un passé révolu. Le désir, en définitive, se nourrit du fantasme de ressusciter le bonheur enfui : il est une impuissante révolte contre l'irréversible.

« magiquement ressuscité par une belle apparition, le symbole métaphysique du « vert paradis » de nos « amours enfantines » dont nos passions adultes ne sont obscurément que la résurrection nostalgique. De la théorie psychanalytique, nous retiendrons essentiellement le caractère inconscient des processus passionnels.L'objet de la passion résulte d'un transfert ou d'une compensation, ou d'une sublimation.

Les vraies causes de lapassion sont en nous-mêmes et non réellement dans les objets qui paraissent les solliciter. « Orientée vers le passé, remplie par son image, la conscience du passionné devient incapable de percevoir leprésent : elle ne peut le saisir qu'en le confondant avec le passé auquel elle retourne, elle n'en retient que ce qui luipermet de revenir à ce passé, ce qui le signifie, ce qui le symbolise : encore signes et symboles ne sont-ils pas iciperçus comme tels, mais confondus avec ce qu'ils désignent.

L'erreur de la passion est semblable à celle où risquede nous mener toute connaissance par signes [...] ; le signe est pris pour la chose elle-même : telle est la sourcedes idolâtries, du culte des mots, de l'adoration des images, aveuglements semblables à ceux de nos plus communespassions ; [...] Il est vain de vouloir détruire un amour en mettant en lumière la banalité de l'objet aimé, car la lumière dont lepassionné éclaire cet objet est d'une autre qualité que celle qu'une impersonnelle raison projette sur lui : cettelumière émane de l'enfance du passionné lui-même, elle donne à tout ce qu'il voit la couleur de ses souvenirs [...].L'erreur du passionné consiste donc moins dans la surestimation de l'objet actuel de sa passion que dans laconfusion de cet objet et de l'objet passé qui lui confère son prestige.

[...] Son erreur est seulement de croire queles beautés qui l'émeuvent et les dangers qu'il redoute sont dans l'être où il les croit apercevoir.

En vérité,l'authentique objet de sa passion n'est pas au monde, il n'est pas là et ne peut pas être là, il est passé.

Mais lepassionné ne sait pas le penser comme tel : aussi ne peut-il se résoudre à ne le chercher plus.

» Alquié , « Le désir d'éternité ». La problématique de la passion est ici posée dans son rapport au temps : en cherchant à faire perdurer le passédans le présent, elle veut abolir la fuite du temps et instaurer le régime de l'éternité.

La passion amoureuse estl'amour d'un être passé qu'elle confond avec ses substituts actuels.

En ce sens, l'être passionné se singularise par laméconnaissance de son objet : il ne peut distinguer l'objet de sa passion tel qu'il est réellement aujourd'hui, de cequ'il a été mais n'est plus à présent.

Les marques qui témoignent de ce passé (une photographie, par exemple) sesubstituent à la réalité actuelle. Cette analyse permet à Alquié d'expliquer les malentendus qui s'instaurent inévitablement entre le passionné et une autre personne, bénéficiant d'un statut de neutralité : ils ne discernent pas, de l'objet, la même apparence ; mêmeen adoptant le même angle de vue, ils ne « voient » pas le même objet.

Ce sont deux regards, deux logiques qui entrent en conflit. Alquié en conclura que l'objet de la passion n'est qu'accidentel, que celle-ci n'est en fait qu'un amour de soi-même, issu de l'égoïsme.

Et si le véritable amour est l'oubli de soi afin de faire le bien à venir de l'être aimé, la passion,tournée vers soi et vers le passé, s'avère être un obstacle à tout amour authentique. • Mais désirer implique d'envisager les moyens permettant d'atteindre le but qu'on s'est fixé : il s'agit non seulementde rêver cette immortalité, mais d'en préparer la réalité par des oeuvres méritant de l'atteindre.

Ce pourrait être pardes actions historiques voulues comme telles, par des créations culturelles (artistiques, scientifiques), par descomportements particulièrement admirables et pour cela dignes de dépasser les limites d'une existence.• On peut ici faire allusion à Freud : la volonté d'immortalité, tout autant que le désir, témoignerait d'une confusionentre les règles de la conscience et les pulsions de l'inconscient.

C'est l'inconscient qui ne sait pas que je suismortel (il ignore le temps et la contradiction : il n'y a donc pas de son point de vue opposition entre la vie et lamort).

Lorsque l'inconscient parvient ainsi à s'intégrer d'une certaine façon dans la conscience, on est en face d'unesublimation : l'artiste, pour Freud, cherche en effet la gloire, l'amour et la fortune ; et il faudrait donc admettre quecette gloire serait voulue comme interminable.. »

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