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Pourquoi punir ?

Publié le 10/01/2004

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1. Énoncé de la thèse de Hegel: En tant qu'acte de droit, la punition s'oppose rigoureusement à la logique purement passionnelle de la vengeance.Étude de la construction du texte: Tout le texte constitue une exposition et une justification argumentée de l'opposition de la vengeance et de la punition.* La première phrase explicite l'opposition des deux termes en distinguant leurs sources respectives : la victime et le juge, considérés comme auteurs des actes envisagés.* Les deuxième et troisième phrases mettent en place la punition comme acte de droit, et désolidarisent la réparation de toute implication passionnelle, donc de la vengeance, rattachée à l'arbitraire.* La dernière phrase récuse toute confusion entre le droit et la vengeance, et en indique les conséquences intenables (logique de la violence).2. a) « un acte de la partie lésée » : une réaction de la victime qui, ayant subi un préjudice, veut obtenir réparation elle-même ;b) « le droit se trouve ainsi troublé » : le droit, défini comme ensemble de règles qui rend possible la cohésion et la concorde d'un groupe, ne peut s'affirmer que dans le silence des passions : en tant que détermination rationnelle des normes de la vie commune, il requiert l'avènement, en chaque individu, de la raison, faculté de saisir les exigences ultimes de l'organisation commune, et de les mettre en oeuvre ; l'assujettissement aux impulsions, à la passion d'un intérêt particulier exacerbé, ne peut que perturber cette mise en oeuvre ;c) « un mobile subjectif » : le mobile, c'est ce qui pousse à agir, à mettre en mouvement ; le mobile peut relever de l'affectivité, de la subjectivité personnelle, ou d'un examen réfléchi et rationnel ; est subjectif un mobile qui relève de la subjectivité, c'est-à-dire de l'affectivité propre à chaque homme, considéré dans la particularité de son existence et de ses réactions. En outre, aussi paradoxal que cela puisse paraître, punir, c'est mettre fin à la logique de la haine et de la violence infinie. Dans l'Antigone de Sophocle, Créon poursuit de sa haine Polynice, le traître.
A un enfant qui souffre d’une indigestion pour avoir trop mangé, on dira: "te voilà bien puni". C’est ce que Kant appelle "peine naturelle". La conséquence désagréable s’ensuit nécessairement de l’acte, en vertu des lois naturelles. Ainsi suis-je puni de ma gourmandise par la crise de foie. De même un menteur n’est jamais cru, même lorsqu’il dit la vérité. Il subit donc inévitablement la conséquence de son propre comportement. Mais la mauvaise conduite, et même le crime, ne reçoivent pas forcément leur sanction naturelle (comme la petite vérole qui défigure la marquise de Merteuil à la fin des Liaisons dangereuses). D’où la nécessité de punir ceux qui pourraient bien achever tranquillement dans leur lit une vie de crimes.
La punition incombe alors à une autorité, investie d’un pouvoir spécial. Mais si la punition devient ainsi un acte, les intentions qui président à cet acte sont souvent multiples, et ne se laissent pas facilement percer, même de celui qui administre la punition. Savons-nous ce que nous faisons lorsque nous punissons ? Correction (on veut laisser un souvenir cuisant), sanction (on la veut exemplaire), châtiment (on fera en sorte qu’il soit juste); entre tous ces termes, il n’y a pas seulement une différence de degré, mais aussi de nature. La multiplicité des fonctions attribuées à la punition exige en elle-même une étude critique des motifs habituellement avancés pour légitimer l’exorbitant (selon M. Foucault) droit de punir.
Le problème principal vient de ce que la punition ajoute le mal au mal. Or, si l’on en croit le Socrate du Criton (49 D) "Il ne faut faire du mal à aucun homme, quoi qu’il nous ait fait". Pourquoi rendre le mal pour le mal ? Il paraît évident que le criminel doit être châtié; évident, c’est-à-dire que personne ne trouve rien à redire sur le principe, même si l’on ne s’accorde pas sur la manière. Cette évidence renvoie à l’avertissement de Socrate à Criton: "prends garde qu’en m’accordant cela [qu’il ne faut jamais rendre le mal pour le mal], tu ne l’accordes contre ta pensée; car il y a, je le sais, et il y aura toujours peu de gens pour en être convaincus". L’évidence est puissante: que le criminel ne soit pas inquiété, qu’il ne reçoive pas son dû, voilà qui serait difficilement admissible. Il y aurait assurément, comme dit Socrate, "peu de gens" pour l’accepter. Examinons leurs arguments, que l’on peut résumer ainsi: la punition doit prévenir de nouvelles fautes, dissuader de recommencer, servir d’exemple à ceux qui seraient tentés par la transgression, corriger le coupable, réparer les dommages causés.


« En outre, aussi paradoxal que cela puisse paraître, punir, c'est mettre fin à la logique de la haine et de la violenceinfinie.

Dans l'Antigone de Sophocle, Créon poursuit de sa haine Polynice, le traître.

Alors que celui-ci est mort,Créon lui refuse toute sépulture et livre son corps aux oiseaux de proie.

C'est là tuer deux fois et s'acharner sur uncadavre.

« La haine doit s'arrêter devant les tombeaux », dit Tirésias le devin.

La punition est toujours une violencelimitée.

Pas la vengeance.Tout le monde connaît le proverbe « Qui aime bien châtie bien ».

Malgré les apparences, cela n'est pas de laviolence.

On punit ceux que l'on estime capables de payer leurs dettes.Ce qui est une façon de considérer l'autre en tant que personne.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la loi, quisanctionne, permet de rétablir une société humaine, alors que sans loi on se trouve confronté, comme dans lavendetta corse ou sicilienne, à une logique de représailles infinies.

Qui plus est, ne l'oublions pas, le tyran aspire àdemeurer impuni.

Comme Platon l'a montré dans La République à propos du mythe de l'anneau de Gygès le bergerpermettant de voir sans être vu, le tyran aspire à prendre sans être pris.

Aussi tyrannise-t-il, afin de demeurer dansl'impunité. « ...

Gygès le Lydien était un berger au service du prince qui régnaitjadis en Lydie.

Un jour, à la suite d'un violent orage, la terre se fendit etun gouffre se creusa sur les lieux de son pacage.

Stupéfait, Gygès ydescendit et entre autres merveilles, que les mythes racontent, il vitun cheval de bronze, creux, avec des fenêtres par lesquelles il aperçutun cadavre d'une taille plus grande qu'un homme, qui ne portait sur luiqu'une bague d'or.

Gygès s'en empara et remonta à la surface.

Chaquemois les bergers tenaient une assemblée pour faire un rapport au roisur l'état de ses troupeaux.

Gygès se rendit à cette réunion portantcette bague au doigt.

S'étant assis au milieu des autres il lui arriva parhasard de tourner le chaton de la bague à l'intérieur de sa main.Aussitôt il devint invisible pour ses voisins qui parlèrent de lui commes'il était parti.

Surpris il recommença de manier la bague avecprécaution, tourna le chaton en dehors, et l'ayant fait, redevint visible.Ayant pris conscience de ce prodige, il répéta l'expérience pour vérifiersi la bague avait bien ce pouvoir; le même effet se reproduisit : entournant le chaton à l'intérieur il devenait invisible, en le tournant àl'extérieur visible.

Dès qu'il fut assuré que l'effet était infaillible ils'arrangea pour faire partie de la délégation qui se rendait auprès duroi.

Arrivé au palais il séduisit la reine, s'assura de sa complicité, tua leroi et prit le pouvoir.Si donc il existait deux bagues de ce genre, que le juste se passe l'uneau doigt, l'injuste l'autre, personne peut on penser, n'aurait une âme de diamant assez pur pourpersévérer dans la justice, pour avoir le courage de ne pas toucher au bien d'autrui alors qu'il pourraitvoler comme il voudrait au marché, entrer dans les maisons pour s'unir à qui lui plairait, tuer ou libérern'importe qui bref tout faire, devenu l'égal d'un dieu parmi les hommes...» PLATON (Introduction) Le mythe de Gygès, pour être bien compris, doit être situé dans le contexte du Livre II de la République de Platon.On pourrait dire, en des termes modernes mais parfaitement fidèles, nous semble-t-il au texte platonicien, que pourSocrate la vertu de justice est une valeur, qu'elle « doit être aimée comme un bien en soi ».

Thrasymaque — dontles propos immoralistes ont retenti tout au long du Premier Livre — nie cette valeur de la justice.

Pour lui, les chefsd'Etats en imposant des lois au peuple ne cherchent qu'à assurer leur domination ; quant aux hommes prétendus «justes » ce sont des moutons peureux et dociles qui n'obéissent aux lois que parce qu'ils n'ont pas le pouvoir de s'ysoustraire.

Glaucon (c'est le propre frère de Platon) qui apparaît en scène dans le Livre II ne partage pas le point devue de Thrasymaque; mais pour provoquer de la part de Socrate une réfutation décisive il se fait l'avocat du diableet commence par proposer une réduction psychologique de la valeur de justice.

La justice dit-il « tient le milieuentre le plus grand bien — commettre impunément l'injustice — et le plus grand mal — la subir quand on estincapable de se venger ».

La justice est aimée non comme un bien en soi mais comme un moindre mal : obéir auxlois pour être en retour protégé contre l'agression des plus puissants: par peur du loup le mouton obéit à la loi duberger.

La vertu de justice est appréciée non pour elle-même, mais à cause des avantages que sa pratique confère(bonne réputation, protection des lois, etc.).

La soi-disant valeur de la vertu de justice est ainsi réduite à desmotivations psychologiques, à des calculs d'intérêts.

C'est déjà une réduction psychologique dans le style de LaRochefoucauld : « Les vertus se perdent dans l'intérêt comme lesfleuves dans la mer.

» D'où l'idée que le mythe de Gygès va illustrer : l'homme invisible qui pourrait impunémentaccomplir les plus délicieux forfaits ne pratiquerait jamais la justice. (Explication et commentaire) Gygès s'empare de l'anneau.

L'aventure de Gygès nous est contée sous la forme d'un mythe avec tous lesaccessoires habituels des contes : climat d'épouvante : un violent orage, la terre se fend, Gygès descend dans le. »

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