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Pourquoi punit-on?

Publié le 04/02/2005

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La punition fait peur. Qui aime être puni ? Qui ne redoute pas la punition pour une faute qu'il a commise ? Au-delà de cette peur, des questions demeurent. Qui n'est pas parfois effrayé par la forme que prennent certaines façons de punir ? Celles-ci ne sont-elles pas excessives ? Ne traduisent-elles pas un acharnement suspect ? Jean Valjean, dans Les Misérables de Victor Hugo, est envoyé au bagne pour avoir volé un pain. Mais qui est coupable ? Celui qui vole pour manger ? Ou un certain système économique qui pousse les plus pauvres à voler pour pouvoir manger ? Le régime des punitions est-il toujours dicté par la justice ? Ne lui arrive-t-il pas de servir la logique de certains intérêts au pouvoir ? Pourquoi punit-on pour soigner le délinquant ou protéger la société ? La punition peut-elle être éducative ou est-elle seulement répressive ?
Introduction. I A Fonctions ordinairement dévolues à la punition. 1. La fonction préventive. 2. La fonction dissuasive. 3. La fonction exemplaire: a) Le principe. b) La mise en œuvre. 4. La fonction réparatrice. 5. La fonction corrective. B Réflexion critique sur ces fonctions. II Fonction expiatoire de la punition (la punition comme châtiment) III A Signification philosophique de cette fonction (la liberté de la volonté). 1. Châtiment et libre-arbitre. 2. Châtier, c’est faire honneur au criminel. B Soupçons relatifs à la théorie du châtiment comme expiation. 1. Pourquoi punissons-nous ? 2. L’illusion du libre-arbitre. Conclusion


« particularité de son existence et de ses réactions. En outre, aussi paradoxal que cela puisse paraître, punir, c'est mettre fin à la logique de la haine et de la violenceinfinie.

Dans l'Antigone de Sophocle, Créon poursuit de sa haine Polynice, le traître.

Alors que celui-ci est mort,Créon lui refuse toute sépulture et livre son corps aux oiseaux de proie.

C'est là tuer deux fois et s'acharner sur uncadavre.

« La haine doit s'arrêter devant les tombeaux », dit Tirésias le devin.

La punition est toujours une violencelimitée.

Pas la vengeance.Tout le monde connaît le proverbe « Qui aime bien châtie bien ».

Malgré les apparences, cela n'est pas de laviolence.

On punit ceux que l'on estime capables de payer leurs dettes.Ce qui est une façon de considérer l'autre en tant que personne.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la loi, quisanctionne, permet de rétablir une société humaine, alors que sans loi on se trouve confronté, comme dans lavendetta corse ou sicilienne, à une logique de représailles infinies.

Qui plus est, ne l'oublions pas, le tyran aspire àdemeurer impuni.

Comme Platon l'a montré dans La République à propos du mythe de l'anneau de Gygès le bergerpermettant de voir sans être vu, le tyran aspire à prendre sans être pris.

Aussi tyrannise-t-il, afin de demeurer dansl'impunité. « ...

Gygès le Lydien était un berger au service du prince qui régnait jadis en Lydie.

Un jour, à la suited'un violent orage, la terre se fendit et un gouffre se creusa sur les lieux de son pacage.

Stupéfait,Gygès y descendit et entre autres merveilles, que les mythes racontent, il vit un cheval de bronze,creux, avec des fenêtres par lesquelles il aperçut un cadavre d'une taille plus grande qu'un homme,qui ne portait sur lui qu'une bague d'or.

Gygès s'en empara et remonta à la surface.

Chaque mois lesbergers tenaient une assemblée pour faire un rapport au roi sur l'état de ses troupeaux.

Gygès serendit à cette réunion portant cette bague au doigt.

S'étant assis au milieu des autres il lui arriva parhasard de tourner le chaton de la bague à l'intérieur de sa main.

Aussitôt il devint invisible pour sesvoisins qui parlèrent de lui comme s'il était parti.

Surpris il recommença de manier la bague avecprécaution, tourna le chaton en dehors, et l'ayant fait, redevint visible.

Ayant pris conscience de ceprodige, il répéta l'expérience pour vérifier si la bague avait bien ce pouvoir; le même effet sereproduisit : en tournant le chaton à l'intérieur il devenait invisible, en le tournant à l'extérieur visible.Dès qu'il fut assuré que l'effet était infaillible il s'arrangea pour faire partie de la délégation qui serendait auprès du roi.

Arrivé au palais il séduisit la reine, s'assura de sa complicité, tua le roi et prit lepouvoir.Si donc il existait deux bagues de ce genre, que le juste se passe l'une au doigt, l'injuste l'autre,personne peut on penser, n'aurait une âme de diamant assez pur pour persévérer dans la justice,pour avoir le courage de ne pas toucher au bien d'autrui alors qu'il pourrait voler comme il voudrait aumarché, entrer dans les maisons pour s'unir à qui lui plairait, tuer ou libérer n'importe qui bref toutfaire, devenu l'égal d'un dieu parmi les hommes...» PLATON (Introduction) Le mythe de Gygès, pour être bien compris, doit être situé dans le contexte du Livre II de la République dePlaton.

On pourrait dire, en des termes modernes mais parfaitement fidèles, nous semble-t-il au texteplatonicien, que pour Socrate la vertu de justice est une valeur, qu'elle « doit être aimée comme un bien en soi».

Thrasymaque — dont les propos immoralistes ont retenti tout au long du Premier Livre — nie cette valeur dela justice.

Pour lui, les chefs d'Etats en imposant des lois au peuple ne cherchent qu'à assurer leur domination ;quant aux hommes prétendus « justes » ce sont des moutons peureux et dociles qui n'obéissent aux lois queparce qu'ils n'ont pas le pouvoir de s'y soustraire.

Glaucon (c'est le propre frère de Platon) qui apparaît enscène dans le Livre II ne partage pas le point de vue de Thrasymaque; mais pour provoquer de la part deSocrate une réfutation décisive il se fait l'avocat du diable et commence par proposer une réductionpsychologique de la valeur de justice.

La justice dit-il « tient le milieu entre le plus grand bien — commettreimpunément l'injustice — et le plus grand mal — la subir quand on est incapable de se venger ».

La justice estaimée non comme un bien en soi mais comme un moindre mal : obéir aux lois pour être en retour protégécontre l'agression des plus puissants: par peur du loup le mouton obéit à la loi du berger.

La vertu de justiceest appréciée non pour elle-même, mais à cause des avantages que sa pratique confère (bonne réputation,protection des lois, etc.).

La soi-disant valeur de la vertu de justice est ainsi réduite à des motivationspsychologiques, à des calculs d'intérêts.

C'est déjà une réduction psychologique dans le style de LaRochefoucauld : « Les vertus se perdent dans l'intérêt comme lesfleuves dans la mer.

» D'où l'idée que le mythe de Gygès va illustrer : l'homme invisible qui pourrait impunémentaccomplir les plus délicieux forfaits ne pratiquerait jamais la justice. (Explication et commentaire) Gygès s'empare de l'anneau.

L'aventure de Gygès nous est contée sous la forme d'un mythe avec tous lesaccessoires habituels des contes : climat d'épouvante : un violent orage, la terre se fend, Gygès descend dansle gouffre; succession de prodiges : Gygès trouve un cheval de bronze, percé de fenêtres ; à l'intérieur lecadavre d'un être plus grand qu'un homme qui porte à un doigt une bague dont Gygès s'empare.

Nous sommesplongés dans le merveilleux et préparés à accepter le dernier prodige : cette bague a le pouvoir de rendreinvisible celui qui la porte.

Notez le clin d'oeil de Platon : « entre autres merveilles que les mythes racontent ».. »

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