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Pourquoi et en quel sens de nombreux philosophes ont-ils cru nécessaire d'admettre l'existence de phénomènes psychologiques inconscients ?

Publié le 04/03/2011

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A. — Il est de tradition de considérer les phénomènes psychologiques comme spécifiquement originaux, irréductibles parce qu'ils possèdent un caractère tout particulier, savoir la « conscience «, et de définir celle-ci la « connaissance « immédiate de ce qui se passe en nous. Nous ne pouvons, dit-on, souffrir sans savoir que nous souffrons, percevoir sans savoir que nous percevons. En d'autres termes, chaque événement psychologique apporte avec lui la « connaissance « de lui-même (cum, scientia) ; il ne peut se passer dans un sujet sans que celui-ci en ait l'intuition nette, sans que, par suite, il le rapporte à lui et le considère comme un moment de sa vie intérieure. 

« commandé pendant qu'elle dormait, sans être capable de donner la raison de sa conduite.

Celle-ci à qui on aordonné dans le même état de lever la main quand on prononcera deux nombres consécutifs impairs formant unesomme déterminée ne manque pas, revenue à l'état de veille, d'accomplir le geste quand les conditions se trouventréalisées et cela sans pouvoir se rendre compte du motif de ce qu'elle fait.

Celle-là, engagée dans une conversationavec quelqu'un, fait par écrit des réponses à des questions qui lui sont posées par un tiers, mais proteste quand onles lui montre, soutient qu'elles ne sont pas son œuvre tant elle les trouve absurdes.

Dans certaines circonstances,deux ou plusieurs personnalités paraissent coexister dans le même sujet ; chacune d'elles connait bien ce qui sedéroule en elle, mais ignore totalement ce qui se passe dans les autres.

Les cas signalés ou réalisés par le Dr P.Janet sont à cet égard extrêmement intéressants. C.

— Sans doute on a parfois contesté la possibilité de tels états à la fois psychologiques et conscients, vouluidentifier le « psychologique » et le « conscient ».

On s'est demandé ce que pourrait être une « sensation » qui neserait à aucun degré « sentie », qui ne serait pas la sensation appréhendée par un sujet.

Ne serait-ce pas une «sensation » qui ne serait pas une « sensation » ? N'y aurait-il pas là un concept contradictoire auquel alors rien nepeut correspondre ? C'est oublier qu'une sensation peut exister en tant que sensation sans être « connue » de lapersonne dont elle est un état.

On peut souffrir, il peut y avoir souffrance sans qu'il y ait « connaissance » de lasouffrance.

La connaissance s'ajoute à la souffrance, mais elle n'est pas la souffrance, elle n'est pas douloureuse.

—On a de même objecté qu'il ne saurait y avoir de phénomènes à la fois psychologiques et inconscients, parce qu'un« phénomène » est nécessairement une donnée de l'expérience, que l'expérience est externe ou interne, que parsuite d'une part les phénomènes « psychologiques inconscients » ne peuvent tomber sous l'expérience externeparce qu'en qualité de « psychologiques » ils sont inaccessibles aux sens et que d'autre part en tant qu' «inconscients » ils ne peuvent être objet d'expérience interne.

— Ici encore on oublie qu'un phénomène peut être «conscient '», par là même « psychologique » sans être « connu » du sujet dans lequel il se passe.

Aussi bien dans lemonde extérieur il ne manque pas de faits dont l'existence est certaine et qui pourtant n'ont pas encore été saisispar l'expérience, qui peut-être même ne le seront jamais. D.

— Dans ces conditions, la réalité des phénomènes à la fois psychologiques et inconscients est une hypothèse quis'impose.

Les philosophes qui l'admettent peuvent se réclamer de raisons sérieuses.

— D'une part, il faut lereconnaître : dans certains cas, le phénomène qui est « connu » et qui alors est « conscient » n'est pas autrechose que l'actualisation du même phénomène qui était « inconnu » et qui, à cet égard, était « inconscient ».

C'estainsi que quand nous cherchons un souvenir et quand après un certain effort nous arrivons à l'avoir nettementdevant nous, l'état alors « conscient » n'est que l'état auparavant virtuel, « inconscient ».

Puisque le souveniractualisé est un fait « psychologique », comment contester que de souvenir « en puissance » le soit aussi ? — Ausurplus, parfois les effets qu'il nous est donné de constater sont identiques à ceux qui proviennent d'événementspsychologiques connus, « conscients » : pourquoi alors se refuser à les mettre sur le compte d'événements denature encore psychologique, mais qui ne sont plus saisis.

Par exemple, quand l'on voit de quelle façon apparaît lasolution d'un problème vainement cherché pendant longtemps, n'est-on pas en droit d'admettre qu'elle est le fruitd'un travail identique à celui qui parfois amène assez vite la découverte poursuivie, c'est-à-dire d'une séried'opérations qui sont de nature psychologique, bien qu'elles échappent au sujet dans lequel elles s'effectuent ? —Mais surtout quand nous nous observons ou quand nous observons les autres, nous assistons parfois à desconduites, à des « comportements » tels qu'ils ne peuvent s'expliquer que par l'existence de faits qui sontréellement psychologiques bien qu'ils ne soient pas saisis.

Quand nous voyons une personne qui, tout à coup, semet à trembler, à jeter des cris, ne sommes-nous pas obligés, bien qu'interrogée elle réponde qu'elle n'éprouve ou neperçoit rien, d'admettre qu'il se déroule en elle tout un ensemble d'émotions, d'images qu'elle ne connaît pas, maisqui sont tout de même analogues par nature aux émotions et aux images dont, dans d'autres circonstances, elle aune connaissance claire, c'est-à-dire dont elle a « conscience » ? De même quand une autre obéit ponctuellement àun ordre donné pendant qu'elle était endormie, va faire la visite commandée au jour et à l'heure prescrits, lève lamain en entendant prononcer devant elle certains nombres déterminés, ceux-là et non d'autres, alors qu'elle assurede bonne foi ignorer absolument la raison de son comportement, n'a-t-on pas fie droit ou plutôt n'est-on pas dans lanécessité de considérer qu'il y a en elle des représentations qu'elle ne se représente pas, qu'elle accomplit desadditions dont elle n'a pas l'idée, qu'elle reconnaît des chiffres sans savoir qu'elle les reconnaît, c'est-à-dire qu'il y alà toute une diversité d'états à la fois « psychologiques » et « inconscients » ? En somme, les philosophes quiadmettent la réalité de tels événements ne font que suivre l'exemple des physiciens qui, après avoir expérimenté leseffets de la lumière visible à l'œil admettent l'existence d'une lumière invisible douée des mêmes propriétés que lapremière parce qu'ils se trouvent en présence d'effets identiques à ceux que celle-ci produit : ils élargissent leconcept de « conscience » de même que les savants élargissent celui de « lumière ». E.

— Mais ceci même nous montre ce qu'il convient d'entendre par le terme de « phénomènes psychologiquesinconscients ».

On ne veut pas dire — contrairement à la théorie de certains philosophes — que, par elle-même lavie psychologique est essentiellement inconsciente, que, sous certaines conditions, la conscience vient s'y ajouter,que d'ailleurs cette conscience ne constitue qu'un simple accessoire, un « épiphénomène », un « luxe » sansimportance.

Une telle conception est radicalement fausse : la connaissance est au contraire une nécessité ; la viela demande et l'implore pour pouvoir s'adapter à son milieu, c'est-à-dire pour se conserver et évoluer.

En posantl'existence de phénomènes, psychologiques inconscients, l'on déclare seulement que la conscience, c'est-à-dire la «conscience réfléchie », n'est pas coextensive à la vie morale, que nous ne connaissons pas, que nous ne rapportonspas expressément à ce centre qui est notre « moi », la « personnalité », tous les états qui sont pourtant nosmodifications intérieures, que par-dessous ce qu'il nous est donné de saisir distinctement il se déroule, il s'agite dansles profondeurs de notre âme, comme sur des plans de plus en plus obscurs, toute une masse d'états qui nouséchappent : au-delà du foyer vivement éclairé s'étale tout un « halo » de faits dont la (lumière se fait de plus en. »

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