Devoir de Philosophie

Le Pouvoir De L'Apologue

Publié le 30/09/2010

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apologue

 

Nous étudierons les mérites de l’argumentation indirecte : d’abord, du point de vue de sa façon de plaire, puis de sa façon d’instruire et enfin de celle de susciter l’intérêt des lecteurs.

 

Les fables de La Fontaine, qui lient récit et moralité, mettent en pratique le principe du poète latin Horace, qui est placere et docere (plaire et instruire). Ainsi, un des buts d’une fable ou d’un apologue est de plaire. Dans la préface de son premier recueil de fables, La Fontaine explique par un exemple l’efficacité et la simplicité de l’argumentation indirecte par rapport à l’argumentation directe : « Dites à un enfant que Crassus, allant contre les Parthes, s’engagea dans leur pays sans considérer comment il en sortirait ; que cela le fit périr, lui et son armée, quelque effort qu’il fît pour se retirer. Dites au même enfant que le Renard et le Bouc descendirent au fond d’un puits pour y étancher leur soif ; que le Renard en sortit s’étant servi des épaules et des cornes de son camarade comme d’une échelle ; au contraire le Bouc y demeura pour n’avoir point eu tant de prévoyance ; et par conséquent il faut considérer en toutes choses la fin. «. Il montre donc qu’un récit qui mettrait en scène des personnages simples, souvent des animaux, sans détails superflus et allant à l’essentiel, est un récit dont la lecture est plaisante, agréable et simple. De plus, quelques fois, la morale se trouve parfois dans la bouche d'un personnage, comme le Renard : « Apprenez, Monsieur le Corbeau, que tout flatteur vit au dépend de celui qui l'écoute ! « dans « Le Corbeau et le Renard «, de La Fontaine, ce qui rend le récit d’autant plus amusant et plaisant à lire. Il démontre ainsi la légèreté d’une fable ou d’un apologue, contrairement à la lourdeur de la démonstration. 

Bien que La Fontaine rende les fables plaisantes, il ne leur enlève pas moins leur caractère didactique. La deuxième visée de la fable est donc didactique, et l’argumentation indirecte sert cette visée : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes «, dit La Fontaine dans la fable liminaire du premier recueil, adressée au Dauphin. Ainsi, il allie les deux vertus « plaire et instruire «. On peut évoquer la fable « Le lièvre et la tortue « de La Fontaine qui rappelle aux adultes que « rien ne sert de courir, il faut partir à point. « Cependant, il n’y a pas que les fables qui ont pour but d’instruire, les contes ont eux aussi souvent une portée morale à fonction initiatique et qui indique comment se comporter, c’est une morale pratique. Les contes sont en général assez courts et présentent des personnages suffisamment simples pour que le lecteur décèle tout de suite leur sens, tout comme dans les fables. De plus, les contes se lisent et se racontent à tous âges, et font apprendre aux enfants les valeurs (morales, symboliques) et les éduquent : les contes de Charles Perrault sont très édifiants sur ce point. Ce dernier offre des textes qui sont à la fois distrayants, merveilleux et porteurs d'une morale utile. On peut citer « Le Petit Chaperon rouge « qui rappelle aux enfants qu’il vaut mieux ne pas parler aux inconnus, « La Belle au Bois Dormant « qui dit qu’il faut savoir attendre pour trouver l'amour et célébrer un mariage durable... Les contes forment également les enfants aux dangers du dehors, ou plus simplement à la vie sociale : « Le bossu de Notre Dame « pour lui apprendre à ne pas juger les autres sur les apparences, « Cendrillon «, « La Belle et la Bête « pour montrer que la vraie vertu est dans la simplicité et l’amour vrai, que la vraie beauté est dans le cœur et non dans l’apparence. Ainsi, les contes ou les fables ont pour but d’instruire de façon amusante. « Il n'y a pas d'instruction qui soit plus naturelle et qui touche plus vivement que celle-ci. « écrivit l'académicien Furetière en 1671 lors de la publication du premier recueil de fables de La Fontaine.

Voici la définition que La Fontaine donne de l’apologue : « L’apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l’une le Corps, l’autre l’Ame. Le Corps est la fable ; l’Ame est la moralité. « En termes d’argumentation, on analyse le récit comme un exemple argumentatif et la moralité comme la thèse. Ainsi, le lecteur a pour rôle d’établir une relation logique entre le récit et l’enseignement à en tirer, qu’il s’agisse d’apologue, de fable, de conte (philosophique ou non)… Quelques fois, les dialogues fictifs, procédés d’argumentation indirecte, ne permettent pas toujours de décider quel est le parti pris par l’auteur : c’est souvent le cas des dialogues romanesques et théâtraux, comme dans la pièce de Camus, Les Justes. Aussi, ils permettent de poser le problème, de présenter les éléments du débat, et laissent au lecteur la possibilité de choisir et de penser par lui-même. Le conte philosophique se situe donc dans l’argumentation indirecte : c’est un « ouvrage qui dit plus qu’il ne semble dire. « (Zadig, de Voltaire) et l’argumentation indirecte est de ce fait une forme qui donne à réfléchir aux lecteurs, comme nous le montrent les contes philosophiques de Voltaire. En effet, Candide nous propose une réflexion sur l’optimisme et ne se contente pas seulement d’illustrer une situation du quotidien ou un aspect de la vie individuelle et sociale, mais il développe, en passant par le récit, des idées, des thèmes sur lesquels porte la réflexion des philosophes des Lumières : fanatisme, intolérance, monarchie, esclavage, religion… La morale finale « il faut cultiver son jardin «, est une métaphore destinée à la sagacité du lecteur. Ainsi, tout au long du récit et même à la fin, Voltaire cherche à éveiller la réflexion critique du lecteur sur différents sujets. Pour finir, c’est sans doute là tout l’intérêt de l’argumentation indirecte, que de rester dans l’implicite et de donner à réfléchir aux lecteurs comme le dit Voltaire : « Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié ; ils étendent les pensées dont on leur présente le germe ; ils corrigent ce qui leur semble défectueux et fortifient par leurs réflexions ce qui leur semble faible. «, ou plus tard comme Bernard Werber dans Le père de nos pères : « L’important n’est pas de convaincre, mais de donner à réfléchir «.

 

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