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Pouvons-nous vivre dans l'ignorance ?

Publié le 27/02/2005

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Analyse du sujet - Ignorer c'est ne pas savoir. Mais l'ignorance n'est pas simple absence de connaissance, elle est privation : le non savoir de ce qu'on devrait savoir ; la pire ignorance étant, depuis Platon, celle qui s'ignore elle-même. - Comprenons donc ici le terme d'ignorer en plusieurs sens – qui seront d'ailleurs essentiels dans la définition des enjeux problématiques du sujet : en effet, ignorer c'est ne pas savoir, il s'agit donc non pas seulement d'un défaut de connaissance mais d'une privation. Ignorer c'est toujours déjà ne pas savoir ce qu'on devrait pourtant savoir. Il semble donc que le terme d'ignorance porte avec lui l'emprunte de l'illégitimité. Mais cette acception négative va de pair avec le fait qu'ignorer c'est aussi, à un niveau supérieur, être indifférent. Ainsi, ignorer quelqu'un c'est feindre de ne pas le remarquer. Cela va donc dans le même sens que le fait d'ignorer ce que l'on devrait savoir à ceci près qu'avec une telle définition la volonté, le régime volontaire, s'invite dans la conception de l'ignorance. - Si nous pouvons vivre dans l'ignorance, cela signifie que nous sommes dans les faits dans l'ignorance mais aussi que nous avons le droit d'être dans l'ignorance, que cette existence là est légitime. Il faut donc établir les vertus d'une certaine forme d'ignorance qui serait celle par exemple de Socrate avec sa fameuse formule ironique \" je sais que je ne sais rien ». - En réalité la question du « peut-on » est double : elle évoque d'abord la possibilité de fait mais aussi, et dans notre perspective critique c'est surtout celle qui nous intéressera, la possibilité de droit, c'est-à-dire la légitimité d'une telle existence vouée à l'ignorance.

« Pourtant, il y a un impensable de l'inconnaissable.

L'affirmation d'un inconnaissable a ceci de contradictoirequ'elle présuppose que nous sachions de lui au moins ceci, qu'il est inconnaissable.

Mais qu'est-ce qui peutnous l'assurer ? Comment pouvons-nous savoir qu'il existe quelque chose hors de notre savoir ? Pour qu'existel'inconnaissable, encore faut-il que cet inconnaissable corresponde à quelque chose d'existant.

Je n'ai pas eneffet le droit de dire que l'âme de ma table est inconnaissable si je ne suis pas certain que cette âme existe.Lorsque nous affirmons que Dieu ou la vie après la mort sont inconnaissables, ne présupposons-nous pas qu'ilssont aussi réels que les arbres ou les atomes ? Carnap disait que la métaphysique est dépourvue de sens : onne peut en effet qualifier un objet que s'il existe.Ainsi, pour reprendre la distinction établie par Kant, pourrons-nous conclure, à la différence de Kant (lequelpensait que la connaissance était limitée), que la connaissance à des bornes, mais non des limites, et que si,par hypothèse, la connaissance avait des limites, elles seraient par nature inconnaissable et donc que rien nenous autoriserait à en parler.Il faut donc bien accepter de vivre en partie dans l'ignorance et cette reconnaissance même fait toute ladifficulté d'exister pour un sujet humain.

Nous vivons déjà, de fait, dans l'ignorance de certaines choses qu'ilserait illégitime de chercher à connaître, dans la mesure où cela nous conduirait hors de nos proprespossibilités.

C'est d'ailleurs là que réside le sens de toute le criticisme kantien : il cherche à éviter que latendance naturel, inhérent, à la raison humaine de chercher à connaître ce qui la dépasse soit cadrée, limitéeet donc à nous prémunir du danger de la mauvaise métaphysique.Rien de pire et de plus immorale et illégitime qu'une ignorance qui s'ignore elle-même ou encore une ignorancequi se satisfait de sa négativité.

En tant que concept négatif, on ne saurait affirmer positivement l'ignorance.Ce qui ne veut pas dire que Socrate avait tort de dire « tout ce que je sais c'est que je ne sais rien », aucontraire, voilà une attitude tout à fait prudente quant aux jugements.

Ce qui peut être grave c'est l'ignorancevolontaire.On peut donc en ce sens valoriser la formule socratique qui, dans cette perspective, inscrit l'ignorance dans lasphère du droit : « je sais que je ne sais rien ».

Pour autant, cette formule n'est en aucun cas l'aboutissementde la démarche socratique, elle est en réalité son point de départ : prendre conscience qu'on vit, de fait dansl'ignorance, faire table rase de nos idées reçues (ce qui sera des siècles plus tard le sens même de la démarchecartésienne) pour bâtir une connaissance solide.

La reconnaissance de l'ignorance ne doit pas, comme telle, sesuffire à elle-même, mais servir de point de départ à une démarche critique et a fortiori à la possibilité devéritablement connaître. II- Vivre dans l'ignorance volontaire, « rationnelle » : exclusion de la sphère du droit, illégitimité et même attitude contre-nature relativement à l'existence (et non pas le simple faitde vivre) de l'homme On pourrait en effet parler, dans cette perspective, de ce qu'on pourrait appeler « l'ignorance rationnelle » quiconsiste dans le fait de renoncer à se renseigner davantage avant de prendre une décision si le coût enefforts, temps et argent pour chercher de plus amples informations dépasse l'enjeu de cette décision.Cette attitude là vis-à-vis des choses qui méritent notre attention et effort est, par une sorte d'impératifcatégorique, interdite au sens où elle est parfaitement illégitime.On ne doit pas – au sens ici très fort d'un impératif catégorique – vivre dans l'ignorance : on ne peut ainsi pasêtre, par exemple indifférent à la dignité de l'homme puisque c'est ce qui fait son humanité.

Ignorer l'autre dansson humanité, c'est se nier soi-même comme humain.Parallèlement, on ne saurait légitimement vivre dans l'ignorance quand cette ignorance relève d'une décision.Ce qu'il faut comprendre en réalité ici c'est que l'ignorance volontaire, décidée ne saurait au aucun cas,indépendamment de la nature de l'objet en question ni de sa valeur, entrer dans la sphère du droit, c'est-à-diredans la sphère de la légitimité.

Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si on ce qui concerne l'ignorance de la loi nousentrons là non pas seulement dans l'illégitimité mais dans l'illégalité.

Autrement dit, la loi intègre parfaitement,en la digérant, l'illégitimité de l'ignorance volontaire en la marquant du saut de l'illégalité.S'il on a pas le droit de vivre dans l'ignorance, c'est parce qu'une telle ignorance, encore davantage quand elleest décidée, quand elle est motivée, délibérée, est contraire aux exigences de progrès : pour s'accomplir dansson humanité et, en termes spinozistes « persévérer dans son être », encore faut-il accomplir ce mouvementasymptotique qui mène à la connaissance.

Or, prendre le parti de l'ignorance, c'est refuser de prendre part,d'actualiser l'humanité en soi.

Et c'est du même coup nier celle de l'autre.

Ignorer mon prochain c'est manquerau seul sentiment qui soit véritablement moral, à savoir le respect.

Respecter autrui, c'est respecter l'autre enmoi-même, c'est-à-dire l'humanité en ma personne.

C'est pourquoi le précepte chrétien « tu aimeras tonprochain comme toi-même » doit être entendu comme essentiellement réversible.On ne saurait fonder légitimement la possibilité d'une vie vouée à l'ignorance parce qu'il apparaît comme undevoir pour l'humanité de s'engager, de s'investir dans la recherche de la vérité.

Si l'on ne peut pas exiger dechacun qu'il trouve la vérité, on peut néanmoins exiger, au titre de l'humanité de l'homme et de la possibilité detout progrès, que chacun (non pas en tant qu'individu mais en tant qu'homme) qu'il faille impérativementchercher la vérité.Il ne faut donc pas se contenter d'ignorer passivement : pour que l'humanité soit susceptible de progrès, tantmoral que scientifique, etc., alors il faut que chacun engage son être d'homme dans cette tendance vers lavérité, mouvement asymptotique.C'est en ce sens que Kant affirme qu'il faut, dès l'enfance, être habitué, au travers de l'éducation (Traité d'éducation), l'enfant à travaillé : on pourrait tout à fait interpréter le texte dans le sens de notre sujet afin dedéterminer la valeur de l'impératif qui préside à « la recherche de la vérité ».

En effet, cette recherche en tant. »

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