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Prendre conscience de soi, est-ce devenir étranger à soi ?

Publié le 03/02/2004

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conscience

Classiquement affirmée comme pouvoir de réflexion et de synthèse, la conscience est sérieusement mise en cause depuis le XIXe siècle, d'abord par des philosophes, puis par la psychanalyse : il en résulte qu'on peut être tenté de n'y trouver désormais rien de plus qu'une source de tromperie sur ce que peut être la vérité d'un sujet. C'est particulièrement dans la « prise de conscience « – lorsque le sujet prétend mieux saisir ce qui se passe, aussi bien en lui qu'au-dehors – qu'interviendrait, et obligatoirement, un ensemble de déformations ou de falsifications. Doit-on en conséquence admettre que la prise de conscience de soi entraîne une étrangeté à soi-même, une véritable aliénation de ce que l'on était véritablement ? Même si intervient un tel phénomène, à première vue négatif, ne peut-on y déceler des aspects positifs ? Prendre conscience de soi, est-ce devenir étranger à soi ?  

 

  • [I - Qualités classiques de la prise de conscience]

[A. La conscience comme marque d'humanité] [B. La « substance pensante «] [C. Prise de conscience et vérité] Si l'on s'en tient à ce modèle cartésien, la prise de conscience s'accompagne d'une transparence à soi-même, qui est synonyme de vérité : c'est en m'examinant de plus en plus, en interrogeant ce que je vis et ressens, que je dois parvenir à m'explorer de plus en plus clairement, et à savoir de mieux en mieux ce que je suis. On peut toutefois remarquer que, par lui-même, le cogito n'apporte, comme connaissance de soi, que celle d'une capacité à penser. Et l'on sait que, chez Descartes, l'accès de cette pensée à la vérité (y compris sur soi-même) ne sera ensuite garantie que grâce à la démonstration de l'existence de Dieu. On peut donc légitimement se demander si, pour peu que l'on se refuse à ce détour par Dieu, la prise de conscience fait automatiquement accéder à la vérité sur soi-même.

  • [II - L'autre dans la conscience]

[A. Le langage] [B. Le dédoublement de soi] [C. La prise de conscience est également sociale] Le « second « moi, s'il juge, ne peut le faire indépendamment d'un contexte social. Pas plus qu'il n'invente son langage, il n'invente ses valeurs, qui proviennent nécessairement de la société dont il fait partie, même s'il les adopte et les intériorise entièrement. C'est dire que la prise de conscience fait intervenir un point de vue social, en raison duquel le moi jugeant n'est en effet plus le même que le moi « innocent «. Sans doute l'analyse force-t-elle ici les traits, mais il n'en reste pas moins peu contestable que la prise de conscience modifie le moi.

  • [III - L'hypothèse freudienne]

[A. Où situer le vrai « moi « ?] [B. « Soi « manifeste et « soi « latent] [C. Le « ça « et le « je «]

 

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« B - L'HOMME S'AFFIRME COMME UN SUJET LIBRE 1) La conquête de soi Certes, dans certains cas pathologiques, un homme peut cultiver une conscience morbide de lui-même qui leparalyse.

Un dépressif s'auto-analyse en permanence sans pouvoir agir.

On peut citer Roquentin, dans La Nausée deSartre.

Mais, prendre conscience de soi, de sa situation, permet normalement d'agir sur celle-ci.

Grâce à la distanceréflexive, l'Homme se détermine librement, il affirme ainsi un pouvoir sur lui-même.

Le moment de l'adolescence est àdépasser : si rien n'est écrit d'avance, si je n'ai pas d'identité assurée, je peux ainsi décider de mon avenir.

Sartredira: «On ne fait pas ce que l'on veut et cependant on est responsable de ce qu'on est».Cette affirmation paradoxale est au centre de la philosophie sartrienne qui s'efforce de concilier deux approchespartielles de la réalité humaine que l'opinion commune juxtapose sans en dégager la portée véritable : conscience detoutes les déterminations auxquelles il est difficile, voire impossible d'échapper, et affirmation pourtant de laresponsabilité pleine et entière de ce que l'on est.Il ne faut pas interpréter cette formule dans un sens stoïcien.

Pour le stoïcisme, l'esclave peut être beaucoup pluslibre que le maître ; certes, il ne fait rien de ce qu'il veut, mais il connaît la plénitude de la liberté intérieure ; il estmaître des choses par le jugement qu'il pose sur elles.

Or ce n'est pas ainsi que Sartre pose le problème ; d'abord, ilrefuse à l'existence humaine tout fondement métaphysique (Dieu, les Idées, l'Inconditionné) ; il se place d'emblée auniveau de la conscience dans sa réalité subjective.

Mais il considère que la conscience n'existe pas en soi : « Touteconscience est conscience de quelque chose » et « l'existence pour l'homme précède l'essence » ; le terme mêmed'existence révélant ce mouvement de sortie de soi (de l'intériorité).Il n'y a pas d'âme, pas d'essence qui tantôt imagine, tantôt veut, tantôt agit, tantôt perçoit : l'homme n'est passon âme (sa pensée), il n'est que ce qu'il fait.

Ce n'est pas dans le rapport de l'être et de la volonté que se situe laliberté humaine, puisque l'être peut se définir comme projet.

Si l'on n'est que ce que l'on veut, ce que l'on projetted'être, comment ne pas faire ce que l'on veut? L'esclave, pour Sartre, est libre mais pas du tout au sens où l'entendent les Stoïciens, car il est absurde d'opposerla liberté intérieure et la liberté de l'action.

L'esclave a dans l'action même, un choix à effectuer : il peut se lancerdans la révolte, il peut choisir de se donner la mort, tenter l'évasion.

Il peut aussi choisir la servitude.Pourtant, l'objection paraît évidente ; l'esclave ne choisit pas sa condition d'esclave.

«On ne fait pas ce que l'onveut».

C'est-à-dire que nous sommes contingents ou que la vie est absurde.

Nous sommes en effet façonnés par unmonde historique que nous ne choisissons pas ; nous sommes nés à une époque donnée dans un contexte socialdonné, et nous n'y pouvons rien.

S'il a 20 ans quand la mobilisation générale l'envoie au front combattre l'ennemi,pèse sur lui une série de contingences : c'est un homme, on ne mobilise pas les femmes dans son pays, il estcitoyen d'un pays en guerre, donc mobilisable et à ce titre, tous ses projets sont suspendus, et il court même lerisque absolu : celui de sa mort. Si tu avais été juif en 1936 en Allemagne, c'est en tant que juif que tu aurais été, que tu le veuilles ou non,déterminé au pire sens du terme, objet de menaces, de pressions...

là aussi jusqu'à la mort.

D'une manière plusprofonde, plus insidieuse parce que plus intérieure, je ne me choisis pas : je suis petit ou grand, laid ou beau,intelligent ou stupide, je ne peux rien changer dans mon hérédité, de mon passé, de mon enfance. « On ne fait pas ce que l'on veut » signifie simplement que l'on ne choisit ni le monde dans lequel on se trouve jeté,ni sa propre personne.

C'est ici que s'ouvre le champ de la liberté, la faculté de se choisir non « dans son être» maisdans «sa manière d'être», c'est-à-dire dans la façon dont « j'assume » mon être.

La liberté n'est pas le privilège dequelques-uns, ce n'est pas une conquête, on ne peut pas ne pas être libre : on «est condamné à être libre».Rappelons l'exemple précédent : celui qui a 20 ans quand survient l'ordre de mobilisation est libre de déserter, de sesuicider, donc de proclamer que cette guerre n'est pas la sienne et qu'il ne la veut pas. C'est «la bonne conscience», le conformisme, la peur de l'engagement personnel qui se masquent sous les mots dedevoir, de légalité et de nécessité.

Dans une guerre, si l'on excepte les enfants, « il n'y a pas de victimesinnocentes ».

Selon une même logique, Simone de Beauvoir a écrit : « on ne naît pas femme, on le devient ».

Ce quine signifie pas, bien sûr, qu'une femme est biologiquement semblable à un homme, mais que des millénaires decivilisation l'ont persuadée qu'elle devait se soumettre, qu'elle était inférieure.La détermination qui limite notre liberté n'a pas de sens en elle-même, elle n'a que le sens que nous lui conférons.

Lanotion d'obstacle à la volonté est purement subjective : de même qu'un rocher peut être (selon ce que je compteen faire) un obstacle sur mon chemin, un refuge derrière lequel je puis me cacher ou un moyen d'observation dupaysage, de même le fait que je sois né à telle époque, dans tel milieu, petit ou grand, laid ou beau...

peut paralyserou stimuler mon effort.

L'inauthenticité serait de ne pas choisir, de se «laisser choisir» par les valeurs de son milieu,par une inclination du caractère, par ses passions. En un certain sens, la liberté de l'homme est absolue, mais elle n'existe «qu'en situation», c'est-à-dire face à toutesles déterminations qui peuvent jouer tant de l'extérieur que de l'intérieur. 2) Conscience et temporalité. »

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