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Principe de base de la philosophie

Publié le 19/11/2012

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philosophie
Les origines et la specificité de la reflexion philosophique INTRODUCTION GÉNÉRALE Quand on commence à étudier la philosophie, dans le contexte d'un cours ou de soi-même pour des raisons diverses, il peut sembler naturel et légitime de commencer par poser la question "qu'est-ce que la philosophie ?" Pourtant, commencer par une définition qui prétendrait dévoiler d'un coup la nature de la philosophie, et même dans le cas où cette définition serait correcte, poserait certaines difficultés spécifiques ou non à la philosophie : o du point de vue de l'apprentissage, il est possible de soutenir que l'appropriation de la définition d'une chose, ou, du moins, la connaissance la plus complète que l'on puisse en acquérir, est le résultat d'une succession de processus cognitifs : chaque étape de l'apprentissage, bien qu'insuffisant en soi-même, est indispensable à la connaissance du tout. Cela n'est pas seulement valable pour la philosophie, mais pour toutes les sciences, et pour toutes les activités humaines complexes, y compris les activités du corps (danse, musique, etc.). Tout l'intérêt de cette difficulté est de mettre en lumière l'aspect technique de l'apprentissage intellectuel, et, pour ce qui nous concerne, cela pose la question de savoir comment on peut enseigner la philosophie. o si l'on formule une définition en se dispensant de ces difficultés de l'apprentissage, on ne proposera aux élèves et au commençants quels qu'ils soient, qu'une abstraction, abstraction au sens où cela laisserait de côté l'idée que la philosophie est une activité et qu'elle demande donc l'effort de certains exercices intellectuels. Il apparaît donc préférable de montrer avant tout que la philosophie commence par un apprentissage, et qu'elle n'est pas seulement une transmission d'un savoir constitué et achevé : le professeur de philosophie n'a pas pour but d'enseigner un tel savoir positif. 1 Ainsi, avant même de penser au contenu que l'on souhaite exposer dans un enseignement de philosophie, il faut penser aux moyens par lesquels on apprend à penser : comment peut-on se rendre capable, ou rendre quelqu'un capable d'atteindre une véritable compréhension de la philosophie, et par où commencer ? Cela peut-être fait par la prise de conscience de certains problèmes spécififiques et une assimilation des concepts guidée par le professeur ; le but est ainsi de former la capacité de jugement des élèves. Sans cet exercice du jugement, on ne peut faire un philosophe, et, à plus forte raison, on rend difficile l'accès à l'instruction et à la culture philosophique. D'un autre côté, on ne peut instruire ceux qui refusent la philosophie et on ne peut faire un philosophe malgré lui. C'est pourquoi, sans doute, certains sont peu aptes à devenir philosophes. On suppose donc ici au préalable des esprits non encore instruits et inexpérimentés, mais pour qui la philosophie peut être un excitant intellectuel. Le but de cette introduction n'est pas de donner une définition de la philosophie ; il est plus modestement de donner une idée générale d'une notion qui ne se comprend qu'à travers l'étude de l'ensemble de ses concepts et de son histoire. C'est pourquoi le lecteur peut tout aussi bien commencer par lire les chapitres qui concernent les notions du programme. D'après ce que nous venons dire, une telle démarche serait d'ailleurs préférable. Se demander ce qu'est la philosophie est un problème philosophique de premier ordre, et c'est ce problème qui sera surtout examiné dans cette introduction. Il ne faut jamais oublier que de par sa démarche intellectuelle et pratique, la philosophie n'est jamais quelque chose d'évident et de définitif. Nous commencerons par l'analyse du mot, son étymologie, et nous examinerons ses emplois dans le langage ordinaire. Puis nous ferons un bref exposé de l'origine de la philosophie, car la philosophie est aussi un évènement historique, et on peut se demander pourquoi elle est née à tel endroit et à telle époque, pourquoi elle s'épanouit dans telle civilisation et pas dans telle autre. Nous chercherons ensuite ce qui fait la spécificité de la philosophie, comment nous pouvons la distinguer des autres activités ou croyances humaines. 2 Sections o 1 Analyse du concept o o 1.2 Analyse d'expressions courantes o 1.3 Sens spécifiques o o 1.1 Étymologie 1.4 Conclusion 2 Origine de la philosophie o 2.1 Conditions matérielles ? 2.1.1 Les influences culturelles o 2.2 Les premiers philosophes o 2.3 Socrate ? 2.3.1 L'invention du concept ? 2.3.2 Le dialogue socratique ? 2.3.3 La réflexion critique o o 2.5 La philosophie hellénistique o o 2.4 Platon 2.6 Origines philosophiques 3 Spécificité de la philosophie o 3.1 Philosophie, mythes et religion o 3.2 Philosophie et opinion ? ? o 3.2.1 L'opinion 3.2.2 Philosophie et sophisme 3.3 Philosophie et science ? 3.3.1 Liens entre la philosophie et la science ? 3.3.2 Points communs ? 3.3.3 Ce qui les distingue ? 3.3.4 Les problèmes spécifiques à la philosophie 3 o 4 Trois conceptions de la philosophie o 4.1 I. Réflexion, critique et autonomie de la pensée o 4.2 II. Savoir, concepts, méthodes et divisions ? o 4.2.1 Apprend-on la philosophie ou à philosopher ? 4.3 III. Sagesse et art de vivre ? 4.3.1 Vocation de philosophe o 5 Place du philosophe dans la société o 6 Vie et mort des philosophes o 7 Critiques de la philosophie o o o 7.1 Critiques du sens commun et inutilité pratique de la philosophie 7.2 Dogmatisme et vanité de la philosophie 8 Synthèse et définition o o o 8.1 Définition 8.2 Utilité d'une bonne définition 9 Pour travailler o 9.1 Sujets de dissertations o 9.2 Vocabulaire o 9.3 Textes d'étude o 9.4 Bibliographie pour commencer o 9.5 Outils de travail 4 Analyse du concept Étymologie Le mot philosophie est un mot d'origine grecque (philosophia, ?????????). Il se décompose en philo- (verbe philein : aimer, chercher) d'une part, et, d'autre part, -sophie (nom sophia : connaissance, savoir, sagesse). Le verbe philein a également le sens de donner un baiser et avoir coutume. Si l'on considère les mot composés de la racine phil-, on trouve que les sens suivants peuvent apparaître en fonction du suffixe : ami, amitié, passion, plaisir, se plaire à, bienveilance (être amical), servir, accueillir (un étranger par exemple). D'autre part, le verbe philosophein signifie chercher la culture, philosopher, être philosophe, étudier à fond, méditer. Et le mot philosophia signifie de même recherche de la culture, étude profonde. On attribue l'invention du mot philosophie à Pythagore, qui refusait de se considérer comme un sage (sophos) car la possession de la connaissance est le privilège des dieux. Il préférait être appelé « amoureux de la connaissance « (philosophos), c'est-à-dire amoureux des réalités divines. Mais, avant Pythagore, on appelait sophoi ceux qui cherchaient à connaître les réalités divines et humaines, sans que ce mot soit péjoratif. Il y a donc, à l'origine de la philosophie, d'un côté ceux que l'on appelle les sages (Thalès de Milet, etc.), et de l'autre ceux qui furent appelés philosophes. Mais le mot sophiste a pris un autre sens qui permet de cerner un peu mieux la figure du philosophe : le philosophe s'oppose au sophiste, au sens péjoratif donné par Platon : le sophiste est un marchand de connaissances frelatées, c'est un faux-monnayeur qui prétend déjà détenir la sophia. La philosophie, d'après cette étymologie, n'est donc pas seulement l'amour de la connaissance, de la sagesse, du savoir, i.e. une « recherche de la sagesse ou de la connaissance «, c'est aussi, et peut-être essentiellement, une recherche de ce qui cultive les facultés de l'esprit, par opposition à l'érudition. En effet, la culture suppose une éducation de l'esprit tournée vers la mesure et la droiture du jugement. L'érudition est au contraire (selon le mot de Kant) l'intempérance de l'esprit : on apprend au hasard des rencontres, et l'on mémorise un grand 5 nombre de choses, mais l'on ne se forme pas l'esprit. L'amour de la sagesse n'est donc pas l'étude de l'histoire de la philosophie (ce que un tel a pensé à telle époque), mais l'exercice de l'esprit au contact de certaines réalités (il n'est donc pas paradoxal d'affirmer que l'esprit peut se développer au contact de l'histoire, si ce contact ne se réduit pas à une accumulation stérile de connaissances). Platon a analysé ce sens d'amour/recherche, c'est-à-dire de désir, en en faisant le mobile de l'activité même de philosopher (cf. Le Banquet). Le désir naturel excite la recherche de la beauté, mais cette recherche, quand elle se veut spirituelle, est déçue par l'inconsistance de ses objets qui lui révèlent la vacuité du devenir. Le philosophe est alors conduit à un désir de posséder les vrais biens, les véritables objets du désir, objets dont le monde sensible n'est qu'un reflêt ou une manière d'être. Ainsi Spinoza déclare-t-il, dans son Traité de la réforme de l'entendement (§1.) : « Quand l'expérience m'eut appris que tous les événements ordinaires de la vie sont vains et futiles, voyant que tout ce qui était pour moi cause ou objet de crainte ne contenait rien de bon ni de mauvais en soi, mais dans la seule mesure où l'âme en était émue, je me décidai en fin de compte à rechercher s'il n'existait pas un bien véritable et qui pût se communiquer, quelque chose enfin dont la découverte et l'acquisition me procurerait pour l'éternité la jouissance d'une joie suprême et incessante. « L'étymologie nous a permis d'en apprendre un peu plus sur les sens du mot ; est-ce que cela nous apprend quelque chose sur la philosophie elle-même, nous verrons cela plus loin. En résumé : o la philosophie concerne la connaissance, mais pas au sens encyclopédique du terme, car la philosophie est d'abord une activité intellectuelle, une activité de l'esprit et non une reception passive d'un savoir déjà constitué. En ce sens, la science, nous le disons d'après le témoignage de plusieurs scientifiques sur le traditionalisme des institutions scientifiques - (Max Planck et Heisenberg) - la science est une activité intellectuelle qui en elle-même n'est pas incompatible avec 6 certaines formes de conformismes (cette remarque peut d'ailleurs très bien s'appliquer à la philosophie institutionnelle): « A nouveau je réalisais à quel point il est difficile pour un physicien d'abandonner les idées qui ont jusque là constitué la base de sa pensée et de son travail scientifique. « Werner Heisenberg (à propos de Einstein) Un philosophe qui n'accepterait pas d'interroger tous les dogmes et tous les préjugés n'est sans doute pas digne de ce nom. o l'activité philosophique se rapporte aux choses divines, et celui qui s'y consacre par la méditation se rapproche de l'état de dieu. Nous dirions aujourd'hui que la philosophie s'occupe des valeurs, des réalités estimées les plus hautes par les hommes. o la philosophie a aussi une finalité morale et pratique : elle est un art de vivre, et le philosophe qui vit selon la raison s'efforce de vivre en sage et de suivre le bien pour atteindre le bonheur. On mesure mal aujourd'hui l'importance de cet art de vivre qui faisait souvent comparer le philosophe à un dieu mortel, à un dieu vivant parmi les hommes (c'est le cas, par exemple, chez des philosophes aussi différents que Platon, Aristote, Epicure et Sénèque). Cet aspect pratique a considérablement évolué, et est aujourd'hui étudié en philosophie politique, en philosophie de l'action et en éthique. o en conséquence, le philosophe se propose comme modèle : il ne se contente pas d'inventer des règles de vie, mais agit en conformité avec ses pensées, et se sculpte pour ainsi dire lui-même. Le philosophe veut vivre ce qu'il pense, il veut l'incarner, et non seulement en avoir l'idée. Le philosophe est donc tout le contraire d'un intellectuel, car son propos n'est pas d'avoir une opinion sur toutes choses (en ce sens, l'intellectuel est un sophiste au sens péjoratif donné par Platon à ce mot). 7 Analyse d'expressions courantes Les mots "philosophie", "philosophe", "philosopher", ont plusieurs sens dans notre langue, et ces sens dépendent d'un contexte. Ce contexte est défini par ce que fait la personne qui parle ou dont on parle, par l'objet de notre discours, ou par l'activité dans laquelle nous sommes engagés. Par exemple : o on dit que quelqu'un subit une épreuve avec philosophie ; dans l'épreuve, quelqu'un dit : "il faut être philosophe", "il faut prendre les choses avec philosophie", etc. ; le mot est synonyme de calme, de contrôle de soi, et bien souvent de résignation ; o être philosophe, c'est aussi avoir des opinions en faisant preuve d'esprit critique, en étant capable de penser par soi-même ; ce sens s'est affaibli, au point de faire du mot philosophie un synonyme de n'importe quelle sorte de vision des choses et d'idéologie (philosophie d'un homme politique, voir d'un joueur de balle aux pieds...). o le sens d'une oeuvre exprime une certaine philosophie, une vision du monde (morale, scientifique, historique, etc.) ; le romantisme et certains philosophes (tel que Heidegger), ont pensé que l'oeuvre dévoile quelque chose d'essentiel, tels que la vérité, l'être, etc. o la philosophie d'un philosophe, i. e. sa doctrine, son système d'idées cohérent, tels qu'ils les expriment dans ses oeuvres ou par son comportement ; la philosophie d'un philosophe est donc une pensée ou une sagesse, quelque chose qui se rapporte à la vie vécue et à la question de savoir ce que c'est qu'une vie bonne, droite, juste, heureuse. o le cours de philosophie ; on désigne ainsi la discipline avec son contenu défini par un programme. o l'histoire de la philosophie : la philosophie en tant qu'elle est un événement d'une histoire humaine collective ou individuelle, et qu'elle suit ou non un cours, qu'elle se développe par des processus déterminés ou au hasard des contingences des affaires humaines. 8 Sens spécifiques Les sens que l'on peut trouver dans le langage ordinaire ne nous font évidemment pas connaître ce que les principaux intéréssés entendent par là. Les philosophes ont eux-mêmes utilisé le mot philosophie dans de nombreuses expressions : o Philosophie première, c'est-à-dire la métaphysique, la philosophie qui porte sur les principes et les causes : ce qui est premier ontologiquement. C'est la science la plus haute, car elle porte sur les premiers principes de toutes choses. Son objet est la réalité la plus haute que l'esprit humain puisse concevoir. Certains philosophes en font la philosophie tout entière, dans la mesure où la métaphysique interroge le sens de l'être de choses (et non seulement leurs déterminations, les manières dont ils existent). Ainsi, selon Heidegger, la question fondamentale, la plus profonde et la plus vaste est-elle : « Pourquoi donc y a-t-il de l'étant, et non pas plutôt rien. « (Introduction à la métaphysique) o Philosophie seconde : la physique. Cette partie de la philosophie est maintenant autonome. En tant que partie de la philosophie, la physique était la science de l'être en tant que matière. o Philosophia perennis o Philosophie générale o Philosophie de l'histoire, morale, politique, de la nature, de l'art, etc. Le cas possessif peut s'entendre à la fois comme un génitif objectif et comme un génitif subjectif. Cette manière d'assigner des domaines à la philosophie suppose en outre que l'on puisse diviser la philosophie, et pose la question de l'unité de la pensée et de la culture. o Philosophie populaire : c'est un courant de la philosophie allemande. 9 Conclusion Ses sens du mot permettent de développer ce que nous avions trouvé par l'étymologie : o la philosophie consiste à cultiver nos facultés morales et spirituelles ; o cette culture implique une certaine attitude par rapport au monde et aux événements, attitude qui résulte d'une éducation philosophique ; o la philosophie est une attitude intellectuelle : le philosophe s'efforce de comprendre le monde où nous vivons et s'interroge sur la destinée humaine ; pour cela, il fait la critique des opinions et des croyances, et il construit une vision rationnelle de l'action humaine et de la connaissance de la nature. D'où les questions de Kant qui résume ainsi la philosophie : o o Que puis-je savoir ? o Que puis-je espérer ? o o Que dois-je faire ? Qu'est-ce que l'homme ? ajoutons que le résultat de ces réflexions est transmis par le moyen du langage, et est enseigné à travers les siècles : il y a donc un héritage philosophique, qui est à la fois une tradition et une démarche pédagogique dont le but est d'apprendre à penser. C'est l'histoire de la philosophie dont la connaissance nous permet d'exercer notre raison. 10 Origine de la philosophie L'étymologie que nous venons d'étudier marque le caractère historique de la philosophie. A un moment donné, des hommes ont cru bon de poser et de réunir certaines questions dans un discours spécifique et avec des intentions spécifiques. Mais pourquoi et comment ces hommes se sont-ils mis à la philosophie ? Qui sont-ils exactement ? A partir de quoi, de quelle culture, ontils élaboré ce que nous nommons philosophie ? Conditions matérielles L'origine de la philosophie est liée à un grand nombre de facteurs. La philosophie est contemporaine de la cité grecque. o Développement des arts (artisanat et art) : l'accumulation des savoirs purement pratiques aboutit à une systématisation des connaissances dans la science et dans la philosophie ; par exemple, le savoir pratique des arpenteurs égyptiens permet la géométrie comme science. o Production esclavagiste : il y a une séparation entre les hommes : o o o les esclaves, en vue de satisfaire les besoins matériels ; les hommes libres, qui peuvent se livrer à une activité désintéressée (science, politique, philosophie, au sens où ce n'est pas l'utilité immédiate qui est visée). Liaison avec la mer : la navigation et le commerce permettent des rencontres avec d'autres cultures. Comme on le voit, le philosophe est loin de naître grâce à un système démocratique tel que nous le concevons aujourd'hui. Il ne faut pas oublier que la démocratie antique est esclavagiste. Les influences culturelles L'origine de la philosophie est mal connue ; on considère généralement que le premier philosophe est Thalès de Milet. Mais ce philosophe de la nature était peut-être d'origine phénicienne, et son savoir laisserait supposer une tradition plus ancienne. 11 La philosophie naît sous l'influence de la science égyptienne (géométrie), du savoir phénicien (arithmétique), et de courants religieux variés, venus par exemple de Mésopotamie et de l'Inde. Bien d'autres influences ont été supposées, mais il est dans l'ensemble très difficile de faire la part des choses. Il faut remarquer également que les premiers philosophes vivent en Ionie (Turquie), dans des cités maritimes. Le commerce, les échanges économiques et la mer ont suscité les premières réflexions de la culture grecque. À cela s'ajoute la naissance de la cité, unité politique où se définit un espace public d'exercice de la parole, de l'argumentation et de la persuasion. Les premiers philosophes Ces premiers philosophes sont par convention nommés presocratiques, et parfois Préplatoniciens : Thalès, Anaximandre, Anaximène, Pythagore, Parménide, Zénon d'Élée, Empédocle d'Agrigente, Héraclite, Leucippe et Démocrite, les Sophistes, etc. Ils vivent entre la fin du VIIe siècle et le milieu du Ve siècle, et certains sont contemporains de Socrate. Bien que nous n'ayons que peu de témoignages de leur activité philosophique, certains fragments nous donnent de précieux renseignements sur ce qui s'appelle philosopher. Ainsi, l'invention cosmologique de Thalès, Tout est eau, est-elle une généralition conceptuelle inouïe, qui dépasse d'un coup l'impuissance de l'inférence scientifique. La philosophie est ici exprimée toute entière dans la puissance de l'esprit à concevoir des théories, malgré leur impossibilité empirique. Socrate Socrate est un symbole de la philosophie. Pourquoi ? C'est ce que nous allons tenter de comprendre par sa vie et sa pensée. L'invention du concept Socrate passe pour l'inventeur de la définition et du concept. Ce point est si remarquable, qu'il a servi encore à des philosophes au XXè siècle pour définir la philosophie : le philosophe invente des concepts. Qu'est-ce que la beauté ? 12 Nous pouvons comprendre pourquoi Socrate fut conduit à cette invention, en considérant la nature de ses recherches. Dans ses premiers dialogues, Platon nous représente son maître cherchant ce qui fait qu'une chose est telle ou telle. Par exemple, pluieurs choses sont belles : une belle marmite, une belle jeune fille, etc. Mais aucune n'est la beauté elle-même. Par quoi et de quelle manière ces choses sont-elles belles ? Le dialogue socratique o la réflexion critique o l'ironie o la maïeutique o la torpille et le taon o le procès La réflexion critique Socrate représente un tournant dans l'histoire de la pensée. Son comportement dans la cité tranche avec l'attitude de ses prédécesseurs qui vivaient en sages citoyens ou se tenaient à l'écart. Mais Socrate interroge tout ceux qu'il rencontre dans la rue, pratiquant le dialogue et l'ironie qui dévoilent les prétentions des savants et des nobles Athéniens imbus de leurs connaissances et de leur tradition. « Je sais que je ne sais rien «, voilà la machine de guerre de ce dialecticien habile, que l'on a pu considérer comme un sophiste (cf. Aristophane, Les Nuées). Socrate, délaissant les recherches physiques des Présocratiques, est l'inventeur de la philosophie morale ; il fut à l'origine de nombreux courants de pensée, et a influencé de nombreux Grecs de premier ordre, principalement Platon et le beau Alcibiade dont il était amoureux (voir le Banquet). Le Socrate de Platon ne ressemble pas au véritable Socrate : Platon le met parfois en scène dans des polémiques qu'il ne connaissait peut-être pas (dans le Philèbe entre autres exemples). 13 Platon o La philosophie comme savoir et comme politique Si Platon a élaboré sa pensée à partir du cas de Socrate (au point de vue dialectique et morale, il semble par la suite s'opposer ouvertement à son maître qui finit par disparaitre dans ses oeuvres de vieillesse, en particulier dans les Lois. L'importance du type du philosophe chez Platon semble en effet peu compatible avec l'ironie socratique. Retenons pour cette brève histoire des origines, que l'on peut considérer Platon comme le premier grand philosophe de l'histoire, dans la mesure où il s'efforce de faire du philosophe une autorité surhumaine qui tient sa légitimité de sa connaissance des Idées. Le philosophe platonicien prend ainsi une dimension considérable, puisqu'il prétend s'élever au-dessus des contingences de l'histoire et déjouer les illusions de l'expérience humaine, du trop humain. À ce titre, le philosophe devient un véritable maître et un roi légitime, législateur de la cité, assignant aux hommes leur fonction sociale en harmonie avec l'ordre divin du cosmos. Platon a ainsi inventé un nouveau type de philosophe, qui influencera toute l'histoire de la pensée jusqu'à nos jours. En effet, dans ses grandes lignes, la philosophie ultérieure n'est souvent qu'un long développement de cette idée que le philosophe est un législateur. Cette idée est reprise avec des intentions et des justifications variées, en théologie ou par quelques intellectuels contemporains par exemple. Telles sont schématiquement les origines historiques de la philosophie ; on voit que ces origines dévoilent une partie de la nature de l'activité philosophique. Pour une introduction philosophique à cette histoire, lisez le livre A de la Métaphysique d'Aristote, qui contient une belle réfutation du platonisme. La philosophie hellénistique o Art de vivre 14 Origines philosophiques Mais il reste à comprendre les origines proprement philosophiques de la philosophie. Pour cela, il faut se souvenir de l'importance de l'étonnement chez Platon et Aristote. L'étonnement (qu'il faut prendre en un sens fort : admiration, stupeur, etc.) suscite la vocation de chercheur de la vérité, car la pensée reste inquiète tant qu'elle n'a pas trouvé les causes et les principes des choses. D'où la définition antique de la philosophie, qui est la connaissance des causes et des réalités divines. Cette connaissance du sage doit conduire au bonheur. Le vécu philosophique prend donc sa source dans l'inquiètude de l'homme face au monde, quand il se pose des questions sur son existence ; la soif de connaître (philo-sophie) cherche alors un apaisement dans la science. La science est de ce fait une disposition « psychique «, un habitus où l'esprit qui connaît se repose. Dans le Phédon, Platon fait dire à Socrate que l'origine de cette inquiétude est la mort. La mort, parce qu'elle semble refuser que nous donnions une signification trop réelle à la vie, suscite tous les fantasmes et toutes les interrogations : peut-on savoir ce qui nous attend ? L'homme a-t-il une destination particulière dans l'au-delà ? Par exemple, pour Platon, il est nécessaire de supposer l'existence de réalités divines, car de telles réalités sont seules susceptibles de donner un fondement à la connaissance, à la morale et à l'espérance humaine. Ainsi la vie serait-elle privée de sens et de valeur si nous ne pouvions nous faire de telles réflexions. Spécificité de la philosophie Une bonne méthode pour déterminer le sens d'un concept est de rechercher ce que ce concept n'est pas. Voyons si nous pouvons appliquer cette méthode à la philosophie. Philosophie, mythes et religion Le mythe et la philosophie ont un point commun : ce sont des explications cohérentes du monde. Le mythe est un récit fabuleux qui décrit l'origine du monde, de l'homme, de la société. 15 Mais il y a des oppositions : o la philosophie est une connaissance rationnelle, le mythe a un caractère merveilleux, inexplicable même pour les causes qu'il invoque, comme les forces surnaturelles ; o la philosophie suppose que l'on adhère à une doctrine seulement par la force des arguments, le mythe est une croyance, l'adhésion se fait en l'absence de preuve ; o la philosophie explique les phénomènes naturels par des causes naturelles, le mythe par des causes surnaturelles. La vie peut quelque fois être signe de faiblesse comme de richesse. Retenez toujours cette phrase, parce que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Grand-mère Boutet Philosophie, sens commun et sagesse au sens large. La sagesse est un art de vivre ; elle exprime des préceptes pour la conduite de la vie. C'est ce que fait également la philosophie, et bien vivre est l'un de ses buts, sinon le seul. Mais la sagesse est aussi l'expression du sens commun, du bon sens (dont chacun est normalement pourvu) : elle est alors une sagesse de l'expérience immédiate portant sur des choses contingentes, et elle ne peut se fonder sur un savoir, mais seulement sur l'opinion et la croyance. La sagesse populaire est de ce fait parfois incohérente et les proverbes contradictoires. Cette sagesse n'est pas infaillible, et elle ne répond pas à toutes nos questions ; elle nous met dans l'embarras. La sagesse du bon sens n'est donc pas ce que l'on vise par l'activité philosophique, mais l'embarras qu'elle suscite est certainement la voie vers une sagesse plus haute. Philosophie et opinion Nous avons vu plus haut que le philosophe possédait un certain genre d'opinion. 16 L'opinion On a une opinion quand on pense que quelque chose est vrai, sans en avoir la certitude. C'est une croyance dont la certitude subjective est insuffisante. En ce sens, il n'y a pas d'opinion philosophique, car l'affirmation philosophique est censée pouvoir exhiber ses raisons. Philosophie et science La philosophie a un certain rapport à la connaissance, et elle est même comprise en premier lieu comme le savoir même. Mais c'est le cas également pour la science devenue indépendante de la philosophie. S'agit-il alors du même genre de connaissance, ou y a-t-il une connaissance spécifique à la philosophie, ou la science interdit-elle que la philosophie puisse prétendre être elle aussi une connaissance ? Liens entre la philosophie et la science A l'origine de la philosophie, il était possible à un homme d'embrasser l'ensemble des connaissances scientifiques. Les philosophes sont alors aussi de grands scientifiques, ou inversement (Thalès, Aristote, par exemple). La science est pour certains philosophes, tel Platon, la condition de la sagesse. Cette union entre sagesse et science durera des siècles. Au XVIIè siècle, Spinoza présentera sa pensée sous une forme déductive proche des mathématiques. Points communs o Rejet de l'opinion o Rejet de ce qui n'est pas démontré o Usage de la raison o Utilisation d'abstractions o Recherche du vrai o Discours sans clôture 17 Ce qui les distingue o La science s'occupe de faits, la philosophie de valeurs (morale) o La science est quantitative, la philosophie qualitative o Croyances rationnelles/certitudes scientifiques Les problèmes spécifiques à la philosophie o Le problème des fins de l'action o Le problème des fins de la connaissance o Le problème de la valeur et des normes En tant que la philosophie porte sur des valeurs, on peut encore admettre cette conception d'Aristote, selon laquelle le sage prescrit, mais ne reçoit pas de prescription. On peut très bien remettre en cause cette comparaison de la science et de la philosophie. La science, par exemple, a une réalité tangible pour le sens commun, dans la mesure où elle nous est souvent utile. Il peut paraître aberrant de rapprocher science et philosophie sous ce rapport, car il est évident que l'utilité immédiate de la philosophie est nulle, et on peut affirmer que la philosophie ne mène à rien. Néanmoins : « En essayant de prouver que finalement « on aboutit tout de même à quelque chose «, on ne fait qu'accroître et fortifier la méprise régnante, qui consiste dans l'opinion préconçue que la philosophie peut être estimée selon les critères courants auxquels on se refère pour juger si une bicyclette est utilisable, ou si les bains d'une station thermale sont efficaces. « (Heidegger, Introduction à la métaphysique) Trois conceptions de la philosophie Ce travail conceptuel étant accompli, nous pouvons à présent en venir à la signification même de la philosophie et étudier plus en détail les conceptions que des philosophes se sont faites de la philosophie. 18 Nous avons distingué nettement trois conceptions de la philosophie : o une partie réflexive de la philosophie : l'exercice de la raison en tant qu'activité d'évaluation et de critique des arguments ; o un savoir philosophique : par la détermination de concepts et d'outils mentaux pour comprendre l'homme et le monde ; o une partie pratique, la sagesse, qui doit faire l'unité du penser et de l'agir (de l'entendement et de la volonté) ; Reprenons ces conceptions pour les approfondir. Réflexion, critique et autonomie de la pensée L'idéal philosophique est donc de penser par soi-même, de se fixer à soi-même sa propre norme. La pensée critique est une libération de la pensée de ses entraves sociales, morales, etc. Être libre, cela peut donc signifier participer activement et consciemment à l'histoire du monde en étant son propre guide. Mais, dans ce cas, pourquoi la plupart des hommes se contentent-ils d'une philosophie spontanée, i.e. d'une sagesse du sens commun qui n'est pas vraiment éclairée ? Parce qu'ils sont lâches et passifs : o penser, c'est prendre des risques, car il faut prendre le risque de voir ses croyances detruites par la critique ; o penser demande un gros travail que la paresse naturelle fait fuir. Il y a ainsi deux positions possibles devant la philosophie : o la rejeter, ce qui revient à admettre les préjugés, les opinions extérieures, et se laisser manipuler ; o l'accepter, se construire une conception du monde, penser et philosopher. Ces reflexions font comprendre pourquoi la philosophie n'est pas une activité comme une autre, que l'on pourrait classer facilement dans le champ des connaissances. Cette activité nous concerne dans la mesure où nous nous 19 sentons le courage de nous prendre en charge, et d'assumer la tâche de la pensée. Savoir, concepts, méthodes et divisions La philosophie est constituée d'un ensemble de concepts que l'esprit humain s'est efforcé de classer. Apprend-on la philosophie ou à philosopher ? Sur quoi porte l'activité philosophique ? Les expressions courantes ne s'identifient sans doute pas toujours au sens propre de l'acte de philosopher, mais un contenu peut être dégagé, i.e. un objet qui forme la matière de la discipline appelée "philosophie." Pourtant ces objets sont nombreux : l'homme, le monde, les moyens de la connaissance, l'action morale et politique. Toutes ces matières à reflexion ont cependant ceci de commun qu'elles supposent un maniement d'idées, de notions, de concepts. Or ce maniement n'est certainement pas aléatoire, et on s'attend à ce que la philosophie soit quelque chose comme un art de raisonner, i.e. d'examiner, de réunir, de comprendre, etc. des concepts, en suivant des règles strictes. C'est ainsi qu'une théorie est un ensemble de concepts rationnellement organisés. En philosophie, il existe plusieurs possibilités d'organisation des concepts, possibilités d'autant plus nombreuses que l'activité de la philosophie n'est pas limitée par un objet. L'ensemble des concepts peut par exemple être organisé d'après la division grecque de la philosophie : la connaissance de la nature, ou physique, l'éthique et la logique, science du raisonnement, c'est-àdire méthode du bon gouvernement de l'entendement. A ce titre, la logique structure la connaissance du monde et ordonne l'ensemble des notions de la philosophie morale. Ce troisième domaine peut être aussi considéré comme une théorie de la connaissance. Cette division est parfois attribuée à Platon, mais elle n'est explicitement formulée qu'à partir du Stoïcisme. Une autre division, prenant en compte le fait que la physique n'est plus aujourd'hui une partie de la philosophie, consiste à distinguer seulement théorie de la connaissance et éthique. Mais il existe en réalité bien d'autres domaines, telles que l'esthétique, la philosophie politique, etc., qui ont pris une certaine autonomie au cours de l'histoire de la philosophie. 20 En théorie, la philosophie couvre tous les domaines de la réalité, puisque son objet par excellence est la réalité même, physique et mentale (en ce sens, la philosophie est dite philosophie première ou métaphysique). Dans les faits, il n'y a qu'un nombre limité de concepts, dont la liste est évidemment toujours ouverte, et ce sont ces concepts qu'il faut étudier pour s'initier à la philosophie. Ils peuvent être étudié pour eux-mêmes (apprentissage de la pensée, de l'analyse, du raisonnement en général), ou liés à d'autres concepts avec lesquels ils forment un domaine spécifique (morale, esthétique, etc.), ou encore suivant leur devenir historique (connaissance des systèmes des philosophes, histoire de la philosophie). Ainsi, l'étude des concepts d'une part, et, d'autre part, l'étude de la logique, forment une initiation complète à la philosophie, dont la finalité est de penser par soi-même : sapere aude. Si cela est juste, alors on peut comprendre pourquoi la philosophie ne s'apprend pas : il n'y a pas un contenu donné et constitué dont on peut dire : voilà toute la philosophie. La philosophie, comme science achevée, n'existe pas. L'apprentissage de la philosophie n'est donc pas un apprentissage de la mémoire, mais un exercice de la raison. Cet exercice s'appuie sur l'évidence des concepts et sur la nécessité des démonstrations. La méthode pour enseigner la philosophie ne peut donc être dogmatique (elle ne peut être indiscutable et refuser toute critique) ; elle doit être zététique. On apprend pas la philosophie, on apprend à philosopher. Mais peut-on pour autant se passer de tout apprentissage. Nous avons vu que non. "La philosophie d'aujourd'hui contient tout ce qu'a produit le travail de millénaires ; elle est le résultat de tout ce qui l'a précédé" Hegel. Il faut donc aussi connaître l'histoire de la philosophie. Sagesse et art de vivre En tant que pratique, la philosophie peut être décrite de plusieurs points de vue qui n'ont sans doute pas tous la même valeur. o Les philosophes professionnels sont des personnes rémunérées, formées en vue de transmettre un savoir traditionel. En ce sens, ils n'ont pas nécessairement vocation à penser. 21 o De même, il est certainement abusif d'appeler philosophes les étudiants en philosophie. o On dit aussi parfois que les historiens de la philosophie ne sont pas des philosophes, alors qu'ils peuvent être professeurs de philosophie à l'université. Cela n'enlève rien à leurs mérites, puisqu'en tant qu'historiens ils ont une activité de recherche particulièrement importante. Le philosophe n'est peut-être pas à rechercher de ce côté. Par exemple, dans son Vocabulaire critique, Lalande dit que l'emploie de "philosophe" dans les sens ci-dessus est ironique. Vocation de philosophe Pourquoi certaines personnes se passionnent-elles pour la philosophie, alors que d'autres semblent la mépriser ? Les philosophes en donnent plusieurs explications, qui se retrouvent de Héraclite à Bertrand Russell en passant par Descartes. On peut retenir les points communs suivants : A. Vivre sans philosopher, i. e. sans reflexion sur nos actes et sur le sens de nos valeurs, c'est ne pas vivre réellement ; l'idée de sommeil est fréquente, par exemple, pour Héraclite : Les autres hommes ignorent ce qu'ils ont fait en état de veille, comme ils oublient ce qu'ils font pendant leur sommeil. Et pour Descartes : C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher. Le refus ou l'absence de la philosophie entraîne donc une vie d'ignorance,, une vie que l'on passe sans en prendre conscience. C'est un point important car le reproche de passer à côté se retourne parfois contre le philosophe. Ainsi Platon note-t-il que le philosophe est un être maladroit, car ses préoccupations ne concernent pas la vie quotidienne ; il est donc sans expérience, ignorant ce que les autres croient important. Il passe alors pour un homme peu sûr de lui, et pratiquement pour un imbécile, ou au moins pour quelqu'un qui cherche à fuir ce monde par la recherche de vérités eternelles (cf. Théétète). 22 Mais pour le philosophe, vivre sans la pensée, ce n'est pas vivre. B. Le point de départ de la vocation de philosophe est souvent décrit comme procédant de l'étonnement. De cet étonnement, plusieurs interprétations sont possibles : o l'étonnement comme prise de conscience que l'on ignore quelque chose ; dans ce cas l'étonnement prend la forme d'une question. Par exemple: quel est le principe des choses ? "C'est en effet l'étonnement qui poussa comme aujourd'hui les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l'esprit ; puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des étoiles, enfin la genèse de l'Univers. Or apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance (c'est pourquoi même l'amour des mythes est, en quelque manière amour de la sagesse, car le mythe est un assemblage de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour des fins utilitaires." (Aristote, Métaphyique, Livre A). o l'étonnement comme le vertige des doutes que l'on éprouve face à l'inconsistance de la réalité. C'est l'explication de Bertrand Russell : le monde est-il réel ? Nos sensations ne nous trompent-elles pas ? o l'étonnement comme peur face à l'inconnu, et notamment face à la mort. Dans ce cas, le philosophe se demande s'il est possible de vivre véritablement en ayant conscience de notre finitude. La mort n'est-elle pas une injustice flagrante ? La philosophie naît de notre étonnement au sujet du monde et de notre propre existence, qui s'imposent à notre intellect comme une énigme dont la solution ne cesse dès lors de préoccuper l'humanité. (Schopenhauer). 23 Critiques de la philosophie La philosophie a été critiquée dès sa naissance. Certaines critiques sont extérieures au discours philosophique (par exemple, les critiques du sens commun), d'autres lui sont internes (critiques des philosophes entre eux). Mais toute critique peut faire l'objet d'un examen philosophique ; on ne peut d'ailleurs concevoir de philosophie sans critique. C'est ce que nous allons maintenant développer. Critiques du sens commun et inutilité pratique de la philosophie La critique du sens commun est peut-être la critique de la philosophie la plus ancienne. En voici un exemple : On rapporte sur Thalès une anecdote célèbre, reprise par Platon, dans le Théétète : « le philosophe qui tombe dans le puits ouvert sous ses pas parce qu'il est occupé à regarder les choses du ciel. « Platon raconte qu'une domestique se serait moquée de lui en disant : « Comment comptez-vous comprendre ce qui se passe dans le ciel si vous ne voyez même pas ce qui est à vos pieds ? «. Ainsi, comme nous l'explique Platon, le philosophe, occupé de choses qui dépassent le sens commun, peut se montrer un être maladroit, qui ignore la valeur des comportements de ses semblables : il ne les comprend pas, et ces derniers voient en lui un personnage risible. Pourtant, il savait aussi tirer profit de ses observations. Aristote raconte que Thalès, prévoyant une abondante récolte d'olives, aurait monopolisé les pressoirs pour mieux monnayer ses services ; il voulait ainsi montrer que le sage est capable de faire fortune mais n'attache pas d'importance privilégiée à celle-ci. Que faut-il en conclure ? Peut-on en conclure quelque chose ? Sans doute peut-on dire o que l'activité philosophique nous libère de certains conditionnements sociaux et culturels (ce qui n'est pas sans conséquences sociales, et cela à tous les niveaux considérés) 24 o qu'elle fait tout d'abord perdre l'équilibre à celui qui commence de la pratiquer. Il n'a plus l'appuie de ses opinions et la perte de ses croyances provoque une violente douleur : Les discours de la philosophie blessent plus sauvagement que la vipère. (Alcibiade dans le dialogue du Banquet de Platon). Dogmatisme et vanité de la philosophie Ces critiques soulignent en particulier l'inutilité de la philosophie, et son idéalisme (elle semble ignorer la réalité) : o ce serait donc une discipline morte. Dire cela, c'est remettre en cause tout ceux qui s'intéressent de près ou de loin à la philosophie, et principalement ceux qui l'enseignent et veulent nous faire croire que la philosophie est toujours actuelle. o une critique plus scientiste : la philosophie est maintenant inutile. La philosophie n'aurait été qu'une façon de considérer le monde rationnellement, mais sans les moyens techniques et expérimentaux de la science moderne... Elle ne fut donc qu'un palliatif, et n'a plus aujourd'hui qu'un intérêt historique et sociologique (par exemple, étude du rôle du philosophe dans la société). Cette critique veut ainsi montrer que la philosophie aujourd'hui ne peut se comprendre elle-même, et que c'est le rôle de la science de nous le dire. o la science répondrait d'une manière beaucoup plus concrète à certaines de ses questions ; par exemple, la définition du substrat du monde, la matière, est en perpétuelle évolution en chimie et physique fondamentale. Le gout, traité par Kant, l'est en fait aussi par la sociologie (cf. Bourdieu, La distinction). Ces critiques oublient que beaucoup de philosophes ont une formation scientifique, et que nombre de problèmes scientifiques engendrent des questions philosophiques. o de même, les philosophes se désintéresseraient de la science. Cette critique est apparemment justifiée en France, mais il y existe, malgré quelques exemples malheureusement trop médiatisés, une longue tradition de penseurs passionnés de science (Renan, Poincaré, Valéryy) ; 25 de nombreux philosophes ont ainsi une culture scientifique adaptée aux connaissances de leur époque. o la philosophie serait une idéologie liée à une époque, à une situation sociale. Dans ce cas peut-il vraiment y avoir une histoire ou une définition de la philosophie ? Car, si les idées philosophiques sont socialement déterminées (toujours en partie par la société en partie par celui qui les porte), comnent établir un lien entre le philosophe grec Parménide et le classique Leibniz, entre le latin Marc Aurèle et le moderne Hegel ? Une partie de ces critiques portent sur une confusion entre acquisition de la démarche philosophique et connaissance de l'histoire de la philosophie. Ces sujets ont beau être partiellement liés (autant par exemple que les sciences et l'épistémologie), ils n'en sont pas moins distincts. On peut connaître par coeur vies et doctrines des philosophes sans devenir pour autant philosophe soimême, de même que Robinson dans son île, sans lectures philosophiques possibles, est à même de développer une philosophie. Pourtant, il sortirait plus facilement de ses préjugés s'il se confrontait à ses devanciers, et il irait ainsi plus loin dans sa propre pensée. Il y a là autant de différence qu'entre savoir lire l'heure et savoir réparer une montre. Il ne faut pas oublier non plus que toute discipline scientifique (physique, chimie, astronomie, biologie) a commencé par une interrogation dans le cadre de la philosophie, qui constitue à cet égard le couvain des autres sciences. Son produit le plus récent est constitué par les sciences cognitives. Certaines de ces critiques sont extérieures à la philosophie et sont l'expression d'un esprit peu ouvert (le sens commun) se reposant dans le préjugé et voyant d'un mauvais oeil le doute du philosophe. Mais d'autres concernent la philosophie de l'intérieur, et posent la question bien connue des philosophes de la légitimité de leur activité. 26 Synthèse et définition Tentons maintenant de synthétiser l'ensemble des reflexions que nous avons développées. Il ne s'agit pas de donner une bonne fois pour toute une définition de la philosophie ; examinez la synthèse proposée, en vous aidant de tout ce qui précède et de vos propres reflexions, et vous trouverez à coup sûr des défauts assez embarrassants dans ce qui suit. Définition La philosophie est la recherche et l'étude des principes de la pensée, de la connaissance de la réalité, et des finalités de l'action humaine. Cette recherche s'exprime par des théories, ou par des conceptions générales du monde ou de l'homme, par lesquelles un philosophe s'efforce d'organiser rationnellement les concepts issus de sa reflexion ou de les mettre en pratique. Cette discipline implique donc une réflexion critique (qui s'exprime en particulier dans la formule célèbre : Connais-toi toi-même) dans la mesure où cette recherche fait naître des problèmes (des apories) parfois insolubles, qui, à ce titre, constituent les problèmes fondamentaux de la philosophie. Ces problèmes concernent fondamentalement les concepts de réalité et de vérité (métaphysique et logique), de bien et de justice (morale et politique) et de beau (esthétique) : o Quelles choses sont réelles et quelle est leur nature ? Existe-t-il quelque chose d'indépendant de notre perception ? Qu'est-ce que l'espace, le temps, la pensée, la conscience, etc. ? Dieu existe-t-il ? Traditionnellement, ces questions concernent la métaphysique. o La connaissance est-elle possible ? Comment connaissons-nous ce que nous connaissons ? Comment pouvons-nous savoir qu'il existe d'autres esprits que le nôtre ? Ces questions concernent la théorie de la connaissance. o Y a-t-il des différences morales (bien et mal) entre certaines de nos actions ? En quoi consistent ces différences ? Quelles actions sont bonnes, quelles actions sont mauvaises ? Nos valeurs sont-elles absolues ou relatives ? Comment doit-on vivre ? Ces questions, et d'autres, concernent la morale et l'éthique. 27 Utilité d'une bonne définition Comme nous le disions, une définition ne peut servir de repère absolu pour la reflexion. Une définition peut être une aide précieuse pour la mémoire, dans la mesure où elle abrège un ensemble de raisonnements. Une bonne définition vous permettra ainsi de retrouver facilement les problématiques qui sont liées au concept défini. N'en attendez donc pas une vérité que seule vous pouvez découvrir en pensant par vous-même. Source : Wikipedia N.B : Ce support est à prendre comme complément de cours. Il ne saurait remplacer le cours du prof. PARTENAIRES INSTITUTIONNELS: PARTENAIRES DIAMOND: 28

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