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Les principes d'économie et d'emphase à la source des changements phonétiques. Paul PASSY.

Publié le 22/02/2012

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Des tendances phonétiques que nous avons constatées, se dégagent bien nettement deux principes fondamentaux : 1° Le langage tend constamment à se débarrasser de ce qui est superflu. 2° Le langage tend constamment à mettre en relief ce qui est nécessaire. Le premier principe est ordinairement considéré en même temps que la recherche des articulations "faciles", et réuni avec elle sous le nom de loi du moindre effort. Avec Sweet, je préfère le considérer à part et l'appeler principe d'économie ; car son action n'aboutit pas toujours à rendre « l'effort » moins nécessaire. Quoi qu'il en soit, ce principe J'économie est très actif et d'une application universelle. C'est de lui que dérivent la faible accentuation des syllabes peu importantes, l'affaiblissement, la confusion et la chute des sons qui les composent ; l'allégement des groupes de consonnes par la disparition des éléments peu distincts ou superflus ; la suppression des sons transitoires entre les sons dont l'articulation est semblable ; l'assimilation plus ou moins com-plète de deux sons consécutifs ; l'abrégement des syllabes longues : en un mot tous les changements qui ont pour résultat une économie dans l'activité des organes. — Ce n'est pas tout : il faut rattacher au même principe l'effacement des distinctions, soit trop subtiles, soit superflues, comme la confusion des voyelles de cler (clair) et de aime en français, la confusion des deux ei (venant de i et de ei) en allemand, celle de ee et de ea en anglais. Le deuxième principe, que nous pouvons appeler principe d'emphase, est moins généralement reconnu, bien qu'il ait été mis en lumière avec beaucoup de justesse par Sayce et Sweet. Son action n'est pourtant ni moins certaine, ni moins universelle que celle du principe d'économie Il faut bien qu'il en soit ainsi, car, si le principe d'économie agissait seul, le langage deviendrait rapidement méconnaissable, bien plus, tout à fait impropre à servir de moyen de communication entre les hommes. Au fond, les deux principes, d'économie et d'emphase, dérivent d'une seule et même cause, celle qui motive l'existence du langage lui-même : la nécessité de se faire comprendre. On parle pour être compris, et rien que pour être compris (en donnant à cette expression son sens le plus large, qui laisse une place aux émotions aussi bien qu'à la logique). Tout ce qui est nécessaire pour être compris et bien compris, on le conserve soigneusement, on l'accentue, on l'exagère ; le reste, on le néglige, on le laisse aller, on l'omet. Le langage a horreur du luxe ; ce principe, appliqué par H. Paul au traitement des synonymes, n'est pas moins vrai dans le domaine des changements phonétiques. — Bien entendu, ici comme ailleurs, il n'est pas question de conservation volontaire des éléments importants, d'omission volontaire des éléments superflus. Si je néglige un élément important, on ne me comprend pas, je me corrige, et sans doute j'exagère ; si je néglige un élément superflu, on me comprend bien, et je recommence. Voilà tout.

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