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PRINCIPES D'ÉDUCATION

Publié le 12/08/2011

Extrait du document

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Un principe de pédagogie que devraient surtout avoir devant les yeux les hommes qui font des plans d'éducation, c'est qu'on ne doit pas élever les enfants d'après l'état présent de l'espèce humaine, mais d'après un état meilleur, possible dans l'avenir, c'est-à-dire d'après l'idée de l'humanité et de son entière destination. Ce principe est d'une grande importance. Les parents n'élèvent ordinairement leurs enfants qu'en vue du monde actuel, si corrompu qu'il soit. Ils devraient au contraire leur donner une éducation meilleure, afin qu'un meilleur état en pût sortir dans l'avenir. Mais deux obstacles se rencontrent ici : 1° Les parents n'ont ordinairement souci que d'une chose, c'est que leurs enfants fassent bien leur chemin dans le monde; et 2° Les princes ne considèrent leurs sujets que comme des instruments pour leurs desseins. Les parents songent à la maison et les princes à l'Etat.

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L'éducation doit donc : 1° Discipliner les hommes. Les discipliner, c'est chercher à empêcher que ce qu'il y a d'animal en eux n'étouffe ce qu'il y a d'humain, aussi bien dans l'homme individuel que dans l'homme social. La discipline consiste donc simplement à les dépouiller de leur sauvagerie; 2° Elle doit les cultiver. La culture comprend l'instruction et les divers enseignements. •C'est elle qui donne l'habileté. Celle-ci est la possession d'une aptitude suffisante pour toutes les fins qu'on peut avoir à se proposer. Elle ne détermine donc elle-même aucune fin, mais elle laisse ce soin aux circonstances. Certains arts sont bons dans tous les cas, par exemple ceux de lire et d'écrire; d'autres ne le sont que relativement à quelques fins, comme celui de la musique, qui fait aimer celui qui le possède. L'habileté est en quelque sorte infinie, à cause de la multitude des fins qu'on peut se proposer; 3° Il faut aussi veiller à ce que l'homme acquière de la prudence, à ce qu'il sache vivre dans la société de ses semblables de manière à se faire aimer et à avoir de l'influence. C'est ici que se place cette espèce de culture qu'on appelle la civilisation. Elle exige certaines manières, de la politesse et cette prudence qui fait qu'on peut se servir de tous les hommes pour ses propres fins. Elle se règle sur le goût changeant de chaque siècle. Ainsi l'on aimait encore, il y a quelques années, les cérémonies en société; 4° On doit enfin veiller à la moralisation. Il ne suffit pas, en effet, que l'homme soit propre à toutes sortes de fin; il faut encore qu'il sache se faire une maxime de n'en choisir que de bonnes. Les bonnes fins sont celles qui sont nécessairement approuvées par chacun, et qui peuvent être en même temps des fins pour chacun.

KANT. Traité de Pédagogie. Trad. BARNI, 1788. Ed. Alcan.

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