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Est-on prisonnier du passé ?

Publié le 29/01/2004

Extrait du document

Tout changement possède un caractère irréductible, définitif. Le temps nous fait découvrir ainsi notre impuissance : la temporalité échappe à nos prises. Je ne recommencerai pas ce qui fut. Le passé se donne à nous comme ordre qui s'impose et que nous ne saurions effacer. Comment n'en serions-nous pas prisonniers ? Si l'espace est marque de ma puissance, le temps est marque de mon impuissance, disait Lagneau. Irréversibilité, figé, irrémédiable, le passé se donne comme ce devant quoi je ne puis rien. Il désigne, à première vue, une réalité statique, un «en-soi », un ordre immobile en le quel je suis enfermé. Le « pour-soi », c' est la vie, le mouvement de la conscience. L'en-soi, c'est l'immobilité, le réel clos sur lui-même.

« Notons, en effet, tout d'abord, que la redécouverte du temps réel et du passé vrai peut s'opérer par le travailanalytique.

Le passé n'est pas aussi figé qu'il y paraît.

Loin d'être fixée en un moment révolu, la conscience est dansune certaine mesure, capable, par le dialogue psychanalytique, de se retrouver et de retrouver son passé.

Egaréedans un univers temporel qui lui échappe, enlisée dans un temps opaque, la conscience peut accéder à ce qu'ellefut.

Le rôle de l'analyse n'est-il pas de permettre à la conscience de se dégager d'un passé opaque et d'accéder àune connaissance neuve ? L' histoire et le temps cessent alors d'être pétrifiés.

Le passé reprend sa pleinesignification.

Le présent intègre des richesses anciennes et le sujet n'est plus prisonnier de son passé.

La contraintedu temps oublié cède la place à une temporalité ouverte.

Au Destin succèdent la liberté et la compréhension, àl'opacité, le temps maîtrisé.

La « cure analytique » a pour sens de transformer l'opacité en transparence, dedésaliéner le temps du sujet, d'opérer une prise de conscience, d'éclairer les avenues mystérieuses du passé. La conscience et le temps maîtrisés, le passé dévoilé, l'inconscient interprété, que signifie cet ensemble, sinon quele sujet cesse d'être prisonnier de son passé ? Si le comportement humain relève d'un déchiffrement, d'uneherméneutique, alors le passé peut s'ouvrir à la liberté.

Aux prises avec une opacité, le sujet retrouve latransparence d'un passé maîtrisé, compris, intégré dans une histoire.

Néanmoins, le passé peut se découvrir à nous,plus profondément, comme sens et liberté.

Comment retrouver une transparence encore plus fondamentale ? C) Le passé est projet. Le passé serait-il vraiment l'en-soi de l'homme ? Ne saisissons-nous pas en lui autant de possibles qui lui donnentsens et nous interdisent d'affirmer que nous en sommes prisonniers ? Figé, irrémédiable, statique, « en-soi » ?Le passé n'est pas seulement cela et il n'y a rien d'évident en ces analyses.

Tout au contraire, le passé nem'enferme pas toujours.

Ni clos, ni immuable, ni figé : tel est notre passé, jamais terminé, jamais achevé.

A chaqueinstant, quelque chose de neuf le fait vaciller et trembler ; notre liberté inscrit en lui ses mille possibles : comme lemontre Sartre, le passé est projet.

En se jetant en avant d'elle-même, vers le futur, la conscience « néantise » le passé, elle s'anticipe, elle décide de la signification du passé.

En se projetantvers ses buts et ses fins, elle choisit littéralement le passé.

Ainsi, on nesaurait affirmer que j'ai un passé et, par conséquent, que j'en suis prisonnier.Les jeux ne sont jamais faits ! Car, loin de subir mon passé comme un état defait, je puis le transformer, le métamorphoser, le réviser.

Je dépasse monpassé en le vivant.

Je ne reçois pas mon passé, mais je le crée.

Prenons telfait brut en lui-même, un vieux désir, une haine très ancienne.

Certes, ilspeuvent apparaître une « manière pure » du souvenir.

Mais que signifie cette« matière pure » ? Un projet l'ordonne et lui donne sens.

Dès lors, loin d' êtreprisonnier de mon passé, je le refais à chaque instant, je le recrée dans mahaine présente.

Je remets en question et restructure une situation, un sens,une signification, des fins parfaitement mobiles.

Où est cet «en-soi » quim'immobiliserait, où je serais enlisé, piégé ? Où est cet irrémédiable ? Il n'y apas d'irrémédiable, mais un acte de liberté permanent.

A chaque instant, jem'efforce de décider de ce que je fus, qui reste totalement ambigu,équivoque, insaisissable.

La valeur absolue du passé dépend de mesanticipations actuelles.

Loin de me dominer, de me piéger, le passé glisse versmes propres fins qui lui donnent sens.

« Qui peut décider de la valeurd'enseignement d'un voyage, de la sincérité d'un serment d'amour, de lapureté d'une intention passé, etc.

? C'est moi, toujours moi, selon les fins parlesquelles je les éclaire.

Ainsi, tout mon passé est là, pressant, urgent,impérieux, mais je choisis son sens et les ordres qu'il me donne par le projet même de ma fin.

Sans doute ces engagements pris pèsent sur moi.

[.] L'urgence du passé vient du futur.

[.] C'est lefutur qui décide si le passé est vivant ou mort.

» (Sartre, « L'être & le néant »).Si le futur décide, si nos choix et anticipations l'emportent et dominent, comment serions-nous prisonniers de notrepassé? Sa valeur lui vient de nos anticipations ; en lui-même, il est sans forces, sans pouvoir, sans puissance :c'est nous qui le faisons, qui le recréons à chaque instant par nos intentions.

Le passé n'est pas vraiment un fait ; ilne pèse pas réellement sur nous : il y a en lui une marge d'indétermination qui renvoie à l'activité de la conscience,à notre capacité d'être jeté en avant de nous-mêmes.

Le passé, on le voit, se donne dans l'anticipation du futur etc'est la raison pour laquelle je n'en suis pas prisonnier. D) Passé, oubli, liberté. Mais quelle est la raison ultime qui rend compte de l'impossibilité de toute prétrification du passé, qui fait de moil'artisan de mon passé et non point le prisonnier de ce dernier ?. »

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