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Un problème classique réalité ou idéalité du temps et de l'espace ?

Publié le 12/01/2004

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temps

Le phénomène est défini par Kant comme « l'objet indéterminé d'une intuition empirique «. « Indéterminé « dans la mesure où, immédiatement appréhendé, le phénomène désigne l'impression produite en nous par un divers sensible, sans que nous sachions encore ce qu'est ce divers. Cependant ce que nous voyons, sentons, n'est pas seulement une matière brute ; un phénomène a bien déjà une matière, mais il a aussi une forme. Dès qu'il y a intuition sensible, il y a coordination des sensations, rapports entre celles-ci (« le phénomène est coordonné dans l'intuition selon certains rapports «). Or ces rapports constituent précisément la forme du phénomène, « forme toute prête à s'appliquer  à tous «.Cette forme qui structure le divers sensible n'est pas abstraite des objets eux-mêmes, mais constitue la condition de leur apparaître. Sans elle, le divers sensible serait un chaos. Dans la mesure où cette forme est différente de la matière de la sensation, elle peut être dite « pure «. On parlera alors de « forme pure de la sensibilité « ou de l'intuition. Cette forme est double.

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« Qu'est-ce qu'une forme pure de l'intuition ?Tout d'abord que faut-il entendre par « intuition » chez Kant ? Le début de la première partie de la « Critique de la raison pure », intitulé « Esthétique transcendantale », permet déjà de répondre : « De quelque manière et par quelque moyen qu'une connaissance puisse se rapporter à des objets, le mode par lequel elle se rapporte immédiatement aux objets et auquel tend toute pensée comme au but en vueduquel elle est le moyen est l'intuition ».

Kant ajoute que l'homme ne peut intuitionner que ce qui lui est donné, c'est-à-dire présenté du dehors par ses sens.

L'objet de l'intuition doit nous affecter, c'est-à-dire produire sur l'esprit un effet (« les objets frappent nos sens »).

La possibilité de cette affection ainsi que cette affection elle-même définissent pour Kant la sensibilité.

Toute intuition humaine, faculté par laquelle les objets nous sont donnés, est sensible.L'objet de l'intuition c'est le phénomène.

Le phénomène est défini par Kant comme « l'objet indéterminé d'une intuition empirique ».

« Indéterminé » dans la mesure où, immédiatement appréhendé, le phénomène désigne l'impression produite en nous par un divers sensible, sans que nous sachions encore ce qu'est ce divers.

Cependant ce que nous voyons, sentons, n'est pas seulement une matière brute ; unphénomène a bien déjà une matière, mais il a aussi une forme.

Dès qu'il y a intuition sensible, il y a coordination des sensations, rapports entre celles-ci (« le phénomène est coordonné dans l'intuition selon certains rapports »).

Or ces rapports constituent précisément la forme du phénomène, « forme toute prête à s'appliquer à tous ». Cette forme qui structure le divers sensible n'est pas abstraite des objets eux-mêmes, mais constitue la condition de leur apparaître.

Sans elle, le divers sensible serait un chaos.

Dans la mesure où cette formeest différente de la matière de la sensation, elle peut être dite « pure ».

On parlera alors de « forme pure de la sensibilité » ou de l'intuition.

Cette forme est double.

En effet, les phénomènes sont coordonnés selon des rapports à la fois spatiaux et temporels.

Les deux formes pures de l'intuition sont donc l'espace et le temps.Les intuitions pures, l'espace et le temps, sont des conditions de possibilité qui existent a priori dans l'esprit, c'est-à-dire sans le secours de l'expérience.

L'a priori désigne pour Kant ce qu'il y a, dans notre faculté de connaissance, d'universel et de nécessaire, ce qui fonde l'expérience sans être lui-même un objet d'expérience.

L'espace et le temps sont donc des conditions a priori qui coordonnent (ordonnent etlient) les phénomènes selon des rapports, rapports qui ont pour fonction d'ouvrir une perspective pure sur ce qui se présente à la sensibilité.L'espace et le temps sont des conditions subjectives.L'espace est défini comme « forme du sens externe », au moyen duquel « nous nous représentons des objets comme hors de nous ».

Ce qui caractérise donc le spatial est l'extériorité.

Le temps quant à lui est défini comme « forme du sens interne », par lequel l'esprit s'intuitionne lui-même et ordonne ses représentations selon l'ordre de la succession. L'espace et le temps ne sont pas des contenus d'expérience (c'est en cela qu'ils ne peuvent apparaître et ne sont pas eux-mêmes des phénomènes).

Ils sont des représentations nécessaires qui servent defondement a priori à toutes les intuitions.

L'espace et le temps pourraient être vidés de tout leur contenu sans qu'ils soient supprimés comme conditions nécessaires (on peut se représenter un espace et untemps vides, mais non l'absence de tout espace et de tout temps).

D'autre part, si l'espace et le temps ne sont pas des objets d'expérience, ils ne sont pas non plus des concepts, ils ne sont pas construits parabstraction.

La représentation de l'espace et du temps est représentation immédiate d'une unité individuelle, c'est en cela que cette représentation est une intuition.

Enfin, l'espace et le temps ne sont pas dessubstances (réalités indépendantes qui peuvent subsister par soi en dehors de notre mode d'intuition).

Ils n'appartiennent pas aux choses mêmes, mais sont les conditions nécessaires, pour les sujets finis quenous sommes, de la réception des objets sensibles.

En dehors de notre subjectivité, l'espace et le temps ne sont rien.

Ils n'ont de validité que pour notre mode propre d'intuition.

Cela ne signifie pas pour autantque l'espace et le temps n'existent pas.

Toute objectivité de la connaissance est nécessairement fondée sur les conditions subjectives que sont l'espace et le temps.

Il s'ensuit que Kant résout le problème de l'existence du temps en prouvant sa validité pour un sujet fini (qui reçoit les objets du dehors, sans pouvoir se les donner de lui-même à lui-même) tout en niant le statut substantiel de cette existence.Le temps est la forme de tous les phénomènes.Les phénomènes spatiaux (appréhendés par le sens externe), en tant qu'ils sont représentés, forment médiatement des contenus de conscience qui s'enchaînent selon des rapports temporels dans le sensinterne : « Tous les phénomènes en général, c'est-à-dire tous les objets des sens, sont dans le temps et sont nécessairement soumis aux rapports de temps ».

Dès lors, Kant établit un privilège du temps sur l'espace.

Tous les phénomènes du sens interne ne sont pas nécessairement spatiaux, c'est-à-dire ne trouvent pas nécessairement leur corrélât sensible dans l'étendue.

En revanche, tout phénomène spatial est,en tant que représenté, une donnée du sens interne.Kant montre que le temps est la forme fondamentale de la régulation de l'expérience, tant par sa capacité de structuration de l'ordre objectif de successiondes phénomènes que par le rôle essentiel qu'il joue au sein de la faculté de connaître en général.

Il importe en effet de rappeler que la sensibilité est pour Kant la faculté par laquelle les objets nous sont donnés, et l'entendement celle par laquelle ils sont pensés.

La faculté de connaître suppose donc le jeu conjugué de la sensibilité et de l'entendement (faculté des concepts).

Or nous verrons que le temps joue un rôledéterminant de médiation, ou intermédiaire, entre intuition et les concepts purs de l'entendement.

Cette médiation (ou schématisme) permet en effet de donner une traduction sensible au concept pur, traductionsans laquelle ce concept resterait vide de sens.

3) Conclusion. Quelle solution proposée ? Tout d'abord, il nous semble qu'on peut attribuer à l'espace et au temps une réalité extérieure à notre conscience.

Le nier nous obligerait à poser l'hypothèse d'un monde en soi intemporel et non spatial qui demeurerait inconnaissable.

Par ailleurs, notre impossibilité d'échapper à l'espace et au temps, notre impossibilité de les comprendre parfaitement ne sont nullement des raisons de neleur accorder qu'une existence subjective.

Pourtant il y a quelque chose de vrai dans le subjectivisme : en effet, l'idée que nous nous faisons de l'espace et du temps, de leur structure, est fonction de nous-mêmes (elle varie selon les civilisations et n'estpas la même chez l'enfant et chez l'adulte).

A l'origine, l'espace et le temps sont des données intuitives, subjectives ; mais nous sommes capables, à partir de là, de construire des notions d'espace et de tempssusceptibles de serrer de plus en plus la réalité (la valeur d'un concept scientifique se mesurant en définitive à la richesse des données expérimentales dont il peut rendre compte et à la fécondité de ses applicationstechniques).

Ainsi l'espace et le temps construits, les concepts scientifiques les plus évolués de l'espace et du temps sont plus objectifs que les données immédiates de la conscience, qui ne reflètent à la limite quenotre propre structure.Kant a décrit comme une donnée intuitive, comme une forme immédiate de notre perception l'espace homogène à trois dimensions d'Euclide et de Newton ; en fait, c'est une notion déjà évoluée qui se situe à uncertain niveau de développement des sciences.

Ce n'est semble-t-il ni une intuition originaire, ni une donnée définitive de la connaissance.a) Formes primitives et subjectives de la représentation spatio-temporelle.Chez les animaux, chez les enfants ; chez les primitifs, l'espace et le temps sont des données tout à fait éloignées de l'idée qu'un homme civilisé ou qu'un savant peut se faire de l'espace et du temps.

A ce propos,remarquons qu'il y a un espace concret et hétérogène vécu, au même titre qu'une durée vécue.

Et l'opposition introduite par Bergson entre l'espace et le temps est un peu artificielle en ce qu'il considère l'espace et le temps à des niveaux très différents d'élaboration : il oppose à un espace géométrique, très conceptualisé, une durée psychologique intuitive et immédiate.

L'espace vécu est hétérogène et qualifié : non seulementl'espace de chaque espèce animale est relatif à la structure de ses organes sensoriels, mais encore il est qualifié par les instincts de l'être vivant.

Von Uexkull a montré que « chaque espèce n'a avec l'univers qu'un contact partiel, le reste du monde étant pour elle sans valeur, presque sans existence ».

L'espace n'est nullement distingué des objets étendus et l' « Umwelt », le monde environnant, ne se définit pas en termes de distance géométrique mais en termes de valeur vitale ou d'intérêt.

Au niveau de l'existence spontanée (et c'est vrai de l ‘homme comme de l'animal) l'espace est, ainsi que l'a bien montré Lewin , un champ de moyens et de fins (means ends field ) dont toutes les régions n'ont pas un intérêt équivalent (par exemple, dans votre salle de classe, la porte d'entrée, les fenêtres ne sont pas des lieux quelconques , mais des régions qualifiées ayant chacune sa signification propre pour vous).

Dans cet ordre d'idées, les sociologues ont montré que l'espace des populations primitives s'oppose pleinement à l'espace vide et formel que conçoit la raison.

L'espace est figuré à l'image du camp (parexemple considéré comme circulaire) et divisé comme lui en régions.

L'espace est structuré, chaque lieu porte une qualification distinctive et concrète.

Le totem s'incarne dans le paysage et l'espace s'organiseautour de l'autel, du lieu sacré.

Les analyses de Leenhardt ont ici enrichi un point de vue que Lévy-Bruhl avait déjà développé.

Il écrivait dans la « Mentalité primitive » : « Les régions de l'espace ne sont pas conçues, ni proprement représentées, mais plutôt senties dans des ensembles complexes où chacune est inséparable de ce qui l'occupe.

Chacune participe des animaux réels ou mythiques qui y vivent, des plantes quiy poussent, des tribus qui l'habitent, des vents et des orages qui en viennent. » De même, la distinction de la droite et de la gauche (même si elle a une base physiologique dans la dualité des hémisphères cérébraux) est certainement d'origine sociale et religieuse.

« L'espace n'est pas ce milieu vague et indéterminé qu'avait imaginé Kant : purement et absolument homogène, il ne servirait à rien et n'offrirait même pas de prise à la pensée.

La représentationspatiale consiste essentiellement dans une première coordination introduite entre les données de l'expérience sensible.

Mais cette coordination serait impossible si les parties de l'espace s'équivalaientqualitativement, si elles étaient réellement substituables les uns aux autres.

Pour pouvoir disposer spatialement les choses, il faut pouvoir les situer différemment : mettre les unes à droite, les autres àgauche, celles-ci en haut, celles-là en bas, au nord ou au sud, à l'est ou à l'ouest, etc., etc., de même que, pour pouvoir disposer temporellement les états de conscience, il faut pouvoir les localiser àdes dates déterminées.

C'est dire que l'espace ne saurait être lui-même si, tout comme le temps, il n'était divisé et différencié.

Mais ces divisions, qui lui sont essentielles, d'où lui viennent-elles ? Parlui-même, il n'a ni droite ni gauche, ni haut ni bas, ni nord ni sud, etc.

Toutes ces distinctions viennent évidemment de ce que des valeurs affectives différentes ont été attribuées aux régions.

Et commetous les hommes d'une même civilisation se représentent l'espace de la même manière, il faut évidemment que ces valeurs affectives et les distinctions qui en dépendent leur soient égalementcommunes ; ce qui implique presque nécessairement qu'elles sont d'origine sociale.Il y a, d'ailleurs, des cas où ce caractère social est rendu manifeste.

Il existe des sociétés en Australie et dans l'Amérique du Nord où l'espace est conçu sous la forme d'un cercle immense, parce que lecamp a lui-même une forme circulaire, et le cercle spatial est exactement divisé comme le cercle tribal et à l'image de ce dernier.

Il y a autant de régions distinguées qu'il y a de clans dans la tribu etc'est la place occupée par les clans à l'intérieur du campement qui détermine l'orientation des régions.

» Durkheim , « Les formes élémentaires de la vie religieuse ». Il est particulièrement intéressant d'étudier chez l'enfant l'élaboration progressive de la notion d'espace, comme l'a fait Piaget .

Au début la notion d'espace n'est même pas unifiée : il y a plusieurs espaces, correspondant à la pluralité des schèmes d'action et d'exploration de l'enfant.

Il y a l'espace buccal de la succion, l'espace tactile de la préhension et l'espace visuel.

Progressivement ces divers espaces sont unifiés.Par exemple, l'enfant parvient à saisir les objets qu'il voit, à coordonner vision et préhension.

Ce qui est le plus long et le plus difficile, c'est l'abandon de l'égocentrisme primitif et l'acquisition de la notion deréversibilité : au début, le corps propre est la perpective privilégiée, exclusive, autour de laquelle l'enfant organise son espace ; plus tard, il parviendra à considérer son corps comme un objet parmi les autres et saurasituer ses mouvements par rapport aux objets (comme il situe les mouvements des objets par rapport à son corps).Comme l'espace, le temps peut être considéré à différents niveaux.

Dans chaque espèce animale, le temps a sa valeur propre.

On peut dresser des insectes (par la méthode des réflexe conditionnés) à venir à intervalles de temps réguliers chercher de la nourriture.

L'expérimentation a révélé que leurs retours périodiques pouvaient être hâtés ou retardés, selon les variations de température ou après l'absorption de certainessubstances, ces facteurs déterminant l'accélération ou le ralentissement du métabolisme. Nous avons déjà décrit le temps psychologique humain intimement lié aux valeurs et aux significations des événements qui le remplissent.

Le temps psychologique est souvent un temps social, rythmé par leretour des fêtes, des vacances, des « jours importants ».

Dans notre société imprégnée par les valeurs scientifiques, le calendrier renvoie aux phénomènes astronomiques et au temps objectif et rationnel.

Mais il n'enest pas de même dans la Rome antique à propos de laquelle Fustel de Coulanges écrivait : « Le calendrier n'était réglé ni sur le cours de la lune, ni sur le cours apparent du soleil ; il n'était réglé que par les lois de la religion, lois mystérieuses que les prêtres connaissaient seuls. » Cependant à partir de ce temps hétérogène, qualifié, dont les moments ne s'équivalent pas, mais ont chacun leur personnalité singulière, la raison s'efforce de construire un concept objectif de temps exactement comme elle construit à partir de l'espace vécu un espace rationnel.

b) Le concept rationnel d'espace et de temps. L'espace euclidien homogène à trois dimensions, le temps newtonien, où Kant avait vu des formes a priori, immédiates, nécessaires et universelles de la perception, sont donc en réalité le résultat de constructions scientifiques.

Mais il faut souligner que la conceptualisation de l'espace et du temps ne s'arrête pas à ce niveau.

Non seulement les géométries non euclidiennes nous ont fait concevoir d'autres. »

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