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Profondeur et surface ?

Publié le 27/02/2005

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Profondeur et surface sont du point de vue de la géométrie complémentaire, la profondeur étant la troisième dimension qui s'ajoute à la longueur et à la la largeur de la surface. Mais si l'on prend les adjectifs, on remarque au contraire une opposition entre ce qui est profond et ce qui est superficiel, opposition de valeur entre ce qui a du sens et importe réellement, et ce qui n'a que peu de signification et ne compte pas.                 Cette opposition se retrouve néanmoins dans différentes manières d'articuler les termes. La profondeur est tout d'abord ce qui est à distance de la surface, d'où un statut ambigu du profond, à la fois séparé et lié à la surface à laquelle il se rapporte. Mais cette distance n'est pas neutre : elle fait la valeur de ce qui est profond, au sens de ce qui est essentiel, fondamental, ce qui est réellement et au plus haut point par opposition à ce qui n'est qu'apparent, extérieur à la chose même. Du même coup, la distance rend la profondeur difficile à connaître tandis que la surface est de l'ordre de l'immédiateté, d'où les sens de profondeur comme grande pénétration d'esprit, et l'opposition entre « en profondeur » et « en surface ». A ces deux déterminations, ontologiques et épistémologiques, s'ajoutent alors une détermination éthique : l'opposition même de la profondeur et de la surface semblant formuler à elle seule l'exigence d'un comportement authentique, à la fois en ce qu'il témoigne d'un degré de liberté et donc d'une impénétrabilité de la personnalité, et en ce qu'il cherche à agir non pas seulement à la surface des choses, mais à les transformer dans leur structure même.                 Néanmoins, ces trois oppositions peuvent-elles être valides si elles oublient la complémentarité originaire de la surface et de la profondeur ? La rapidité avec laquelle la pensée se propose de dépasser la surface vers la profondeur nous masque peut-être une corrélation originaire et essentielle entre deux dimensions de notre expérience.  

« II. 1) Freud : la psychologie des profondeurs Si la doctrine épicurienne de la perception suggère que la profondeur dans les choses n'a pas d'autre consistance que celle d'un effet de leur surface, il n'en va pas de même dèslors, que conformément à la tentative kantienne de voir si ce sont les objetsqui correspondent à notre propre pouvoir de connaître, et non l'inverse, on semet à rechercher la profondeur que l'on projetait dans le monde extérieur àl'intérieur même de la subjectivité.

On est alors mené dans un sens inaperçupar Kant à penser la profondeur dans la pensée sous la forme de l'inconscient.L'expression « psychologie des profondeurs » est mentionnée par Freud dansL'inconscient , in Métapsychologie , pour opposer la psychanalyse à la psychologie descriptive.

Ce qui permet de parler de profondeur dans la penséece sont les deux conceptions d'une dynamique et d'une topique : c'est-à-direla reconnaissance de pensées qui échappent à la conscience et ont undomaine propre, et la reconnaissance des mécanismes qui expliquent quecertaines pensées accèdent à la conscience tandis que d'autres sontmaintenues dans l'inconscient.

2) Bergson : le moi profond Ce rôle de la profondeur dans le psychisme trouve son senspleinement philosophique dans l'opposition entre les deux moi que Bergsonconceptualise à la fin du deuxième chapitre de l' Essai sur les données immédiates de la conscience .

Le moi profond est le moi réel et libre, étranger à l'espace, que nous apercevons par un effort de la conscience attentive en nous replaçant dans la durée concrète, multiplicité de fusion et de pénétration mutuelle des données de conscience,qui nous permettrait de nous connaître absolument nous-mêmes.

Les moi profond se relie insensiblement au moisuperficiel qui en est la représentation symbolique, multiplicité de juxtaposition aux états de conscience bien définispar lesquels il s'adapte « aux exigences de la vie sociale en général et du langage en particulier ».

3) Sartre : le moi à même le monde Néanmoins, il ne faut pas pour autant ramener la distinction entre profondeur de la chose en soi etsurface phénoménale à l'intérieur même de la conscience, sous peine de faire de la pensée elle-même une simplechose.

Ce risque de réification est clairement formulé par Sartre dans son article sur Husserl (« Une idéefondamentale de la phénoménologie de Husserl : L'intentionnalité).

La profondeur du psychisme ne doit pas êtrel'occasion d'une introspection jugée stérile du fait de sa coupure avec le monde et avec autrui : « tout est dehors,tout, jusqu'à nous-mêmes : dehors, dans le monde, parmi les autres.

Ce n'est pas dans je ne sais quelle retraite quenous nous découvrirons : c'est sur la route, dans la ville, au milieu de la foule, chose parmi les choses, homme parmiles hommes.

» Si la conscience est chose parmi les choses ce n'est pas au sens où elle reposerait sur unesubstance profondément ancrée en elle, mais parce qu'elle n'existe qu'au contact des choses mêmes, la seuleconsistance de la profondeur étant la surface qui rend possible le contact.

Transition : le fait même de concevoir une intériorité psychique sur la base de laquelle se déploierait une opposition dans la subjectivité entre une profondeur et une surface nous est apparu présupposer les termes mêmes dont cetteconception voulait rendre compte.

Cela nous indique en même temps le sens originaire de la complémentarité entresurface et profondeur, l'idée que rien n'est intérieur.

« Le plus profond c'est la peau » (la profondeur en même temps surface) III.

1) La profondeur entre intériorité et extériorité Les analyses de Sartre permettent de penser dans son versant ontologique l'interdit kantien d'uneconnaissance de la chose en soi.

Si l'on ne peut connaître l'intérieur, le fond des choses, c'est parce derrière lephénomène il n'y a rien : Sartre, dans l'Introduction de L'être et le néant prend l'exemple de la force : « elle est l'ensemble de ses effets (...) elle n'indique rien qui soit derrière elle : elle indique elle-même et la série totale.

» Ainsi la complémentarité de la profondeur et de la surface suppose qu'on les dissocie de l'opposition entre l'intérieur etl'extérieur.

2) Merleau-Ponty : le chiasme Cette dissociation s'exprime de manière aiguë chez Merleay-Ponty dans sa conception du corps commechair, c'est-à-dire comme corps où vient s'incarner une conscience qui n'existe non pas comme intériorité en retraitpar rapport au monde, mais comme extériorisation permanente.

Selon la formule de L'oeil et l'esprit , on peut dire que « l'énigme » de la profondeur tient à ce que « mon corps est à la fois voyant et visible ».

La complémentarité de laprofondeur et de la surface a alors le sens de « l'indivision du sentant et du senti », par exemple le fait de pouvoirtoucher sa propre main.

C'est dans ce phénomène de chiasme que s'organise l'ensemble de mon rapport au monde,rapport profond parce que à la surface des choses.. »

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