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Le progrès (Baudelaire, Exposition universelle de 1855) - Commentaire

Publié le 03/03/2011

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baudelaire

« (1) Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet ce qu'il entend par progrès, il répondra que c'est la vapeur, l'électricité et l'éclairage au gaz, miracles inconnus aux Romains, et que ces découvertes témoignent pleinement de notre supériorité sur les anciens; tant il s'est fait de ténèbres dans ce malheureux cerveau et tant les choses de l'ordre matériel et de l'ordre spirituel s'y sont bizarrement confondues. (2) Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes industriels qu'il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel.    « (3) Si une nation entend aujourd'hui la question morale dans un sens plus délicat qu'on ne l'entendait dans le siècle précédent, il y a progrès; cela est clair. (4) Si un artiste produit cette année une œuvre qui témoigne de plus de savoir ou de force imaginative qu'il n'en a montré l'année dernière, il est certain qu'il a progressé. (5) Si les denrées sont aujourd'hui de meilleure qualité et à meilleur marché qu'elles n'étaient hier, c'est dans l'ordre matériel un progrès incontestable. (6) Mais où est, je vous prie, la garantie du progrès pour le lendemain? (7) Car les disciples des philosophes de la vapeur et des allumettes chimiques l'entendent ainsi : le progrès ne leur apparaît que sous la forme d'une série indéfinie. (8) Où est cette garantie? (9) Elle n'existe, dis-je, que dans votre crédulité et votre fatuité. «    (Baudelaire, Exposition universelle de 1855)    Dégagez les idées essentielles de cette page de Baudelaire et discutez-les si vous le jugez utile.    Analyse    I Le texte oppose aux idées du Français moyen du XIXe siècle sur le progrès celles de Baudelaire.    II Deux paragraphes suggèrent deux parties : a) ce que pense le bourgeois (et qui est faux); b) ce qui est vrai (et que ne pense pas le bourgeois).   

baudelaire

« b) sur le XIXe siècle : 1 philosophes industriels? lesquels? 2 circonstances économiques, sociales, etc.? B Le problème du progrès. FEUILLE 2 : Exemples de progrès matériel, intellectuel) moral. FEUILLE 3 : a) Pourquoi le progrès matériel paraît-il à tant de gens essentiel? b) Quels sont ses rapports avec lesautres formes de progrès? 1 est-il indépendant du progrès intellectuel, moral? 2 les gêne-t-il? 3 les aide-t-il parfois?4 subit-il l'influence de ces formes de progrès? FEUILLE 4 : Le progrès est-il ou non continu? a) pourquoi le croit-on continu? b) exemples de recul dans les troisordres de progrès; c) essai de définition de ce qu'on peut appeler progrès dans chaque ordre; distinction entre lesdiverses façons de progresser; d) peut-on parler vraiment de progrès dans certains ordres (par exemple lalittérature, l'art)? FEUILLE 1 : a) Baudelaire : 1 Mépris du bourgeois.

Baudelaire lui oppose le poète, sa victime : c'est un thèmefréquent chez tous les romantiques.

2 Le matérialisme moderne détourne aussi de la poésie : par ses préoccupationsterre-à-terre; par sa laideur; sous sa forme privilégiée, la science et la technique, en fondant toute connaissancesur la raison aux dépens des facultés poétiques.

3 Toute l'œuvre de Baudelaire est un effort pour sortir du mondematériel des apparences et s'élever au spiritualisme ou au monde de la surnature (celui des correspondances, au-delà de la science; celui que nous révèlent les symboles : ex.

l'angoisse de Dieu et de l'infini, derrière Les Aveugles;la vie naturelle et instinctive, derrière Les Bohémiens) par l'intuition, ou, comme il dit, la mystique.

4 Mais Baudelairedemeure très ouvert aux diverses formes du « modernisme » (cf.

Salons, Journaux intimes, etc.), parmi lesquelles laplus voyante, et selon lui la plus spécieuse, est celle du progrès matériel. b) Ce progrès : 1 est prôné par de nombreux philosophes économistes ou socialistes (Saint-Simon, Comte,Proud'hon, etc.

: cf.

M., XIXe s., p.

11; pp.

186 sqq.).

2 II éclate dans l'essor économique, financier (cf.

les romansde Balzac, de Zola), l'importance des riches bourgeois; l'exemple des États-Unis commence à fasciner. FEUILLE 2 : On donnera divers exemples des trois formes de progrès que cite Baudelaire, a) Matériel : transports,logement, santé, etc.

b) Intellectuel : 1 développement des sciences et des techniques; 2 on se posera la questionpour les arts sans la résoudre : Picasso est-il supérieur à Rembrandt, Claudel à Homère? c) Moral : ex.humanitarisme; justice sociale. feuille 3 : a) Le progrès matériel est le plus frappant : 1 parce qu'il tombe sous les sens; 2 parce qu'il nous touchedans notre vie quotidienne, dans nos besoins les plus forts et les plus sensibles; 3 parce que, fondé sur la techniquequi repose sur la science (où chaque découverte ne peut avoir lieu qu'en tenant compte de la découverteprécédente et en allant au-delà), ce progrès matériel paraît se continuer sans cesse. b) Les trois formes de progrès sont liées.

Toutefois, elles ne vont pas forcément de pair.

1 II peut y avoir progrèsmatériel sans progrès moral (ex.

dans notre monde en progrès matériel, les guerres, surtout la dernière, ont montrédes horreurs morales inconnues à des époques plus misérables : camps de concentration, etc.); sans progrèsintellectuel, du moins artistique (les « siècles d'or » des divers pays ne correspondent pas à leur richesseéconomique); et réciproquement.

2 Le progrès matériel peut même gêner le progrès moral (démonstration deRousseau : le progrès matériel amène la décadence morale; et, pour l'économie, démonstration marxiste, la richessecapitaliste amenant l'impérialisme, la guerre, l'injustice sociale) ou intellectuel (artistique, dans la mesure où lematérialisme détourne de la poésie, de l'art; scientifique, si le luxe, le commerce, font oublier la recherche oul'orientent vers des buts trop immédiats et pratiques).

3 Mais il peut les aider : un homme bien nourri, prospère, estmeilleur moralement (idée du xviiie siècle et surtout de Voltaire, bien que Rousseau la combatte) parce qu'il n'est pasl'esclave de ses besoins; il peut se cultiver et créer dans le domaine intellectuel (idée de Marx par exemple).Effectivement la prospérité matérielle de certains pays a pu coïncider avec leur essor scientifique ou artistique (ex.le Siècle d'or espagnol; les États-Unis actuels pour la science, etc.).

4 Le progrès matériel est certainement aidé parle progrès intellectuel dans les sciences; et aussi par le progrès moral (par exemple, la paix, la justice sociale). feuille 4 : Le progrès n'est pas continu, les civilisations sont « mortelles », disait déjà Paul Valéry, avant que ladernière guerre nous ait mieux fait saisir cette vérité. a) On croit le progrès continu parce qu'on se fonde avant tout sur le progrès matériel qui peut être effectivementcontinu par nature (cf.

3 a 3), dans certaines périodes où rien ne le trouble (actuellement par exemple), et, engénéral, dans l'histoire, puisque, après des phases de recul, il repart pour aller plus loin.

On ramène le progrèsintellectuel à celui des sciences qui peut être continu, dans les mêmes conditions que le progrès matériel.

Et onextrapole des sciences aux arts (idée des Modernes dans la « Querelle des Anciens et des Modernes », à la fin duXVIIe s.).

Quant au progrès moral, il est difficile à définir : il y a des arguments pour l'aligner sur le progrès matériel,d'autres pour penser qu'il ne le suit pas.

Les matérialistes ont évidemment tendance à ne voir que les bons côtés,les poètes, comme Baudelaire, les imperfections. b) Exemples de recul : 1 matériel : le Moyen Age sur l'Antiquité; 1940-1945 sur l'entre-deux guerres; 2 intellectuel :recul des sciences, de la culture lors des invasions barbares ; variations dans les arts : médiocrité littéraire du XVIIesiècle anglais et espagnol après les siècles d'or; 3 moral : époques de barbarie succédant à des époques plus. »

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