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Puis-je attendre d'autrui qu'il m'apporte une vérité sur moi-même ?

Publié le 24/03/2004

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            La perspective de Descartes, dans les Méditations Métaphysiques, consiste à révoquer en doute, par un doute méthodologique, toutes les connaissances afin de les fonder sur une base certaine. Il apparaît alors que lorsque je doute, il n'y a qu'une chose dont je ne puisse douter, qui est, précisément, le fait que je doute : si je doute, c'est que je pense, et donc que je suis. La vérité première et essentielle sur moi-même est donc une connaissance immédiate et directe de mon existence comme substance pensante, c'est-à-dire comme âme qui produit des pensées. Or, autrui ne m'apparaît que comme un corps, qui, comme mon propre corps, peut être objet de doute, car rien ne me prouve qu'il existe et n'est pas une hallucination ou le produit d'un rêve. Pour m'assurer qu'autrui existe, il faut déjà prouver que Dieu existe, car c'est Dieu qui, ne voulant pas me tromper, garantit que je ne me trompe pas en pensant qu'autrui est bien une autre personne. Contrairement à la vérité sur moi-même, ma relation à autrui n'est donc pas immédiate et directe, elle passe par la garantie divine. Dans ce parcours des Méditations Métaphysiques, comme la découverte de ma propre conscience et de la vérité sur moi-même qui affirme que j'existe comme âme pensante est antérieure à la découverte d'autrui, autrui ne peut donc participer à me donner une vérité sur moi-même.               2° Ma relation avec autrui est constitutive de ma conscience et de mon humanité Cependant, la perspective des Méditations Métaphysiques est une perspective solipsiste, c'est-à-dire qu'elle envisage la conscience et la connaissance de soi-même comme solitaires. Ne peut-on au contraire penser que l'homme est un être qui se construit par l'intersubjectivité, c'est-à-dire dans sa relation à l'autre ? C'est ce que soutient Hegel : la conscience immédiate de moi-même n'est pas une conscience de moi comme homme, mais seulement la conscience immédiate d'être une chose en vie.

« l'homme est un être qui se construit par l'intersubjectivité, c'est-à-dire dans sa relation à l'autre ? C'est ce quesoutient Hegel : la conscience immédiate de moi-même n'est pas une conscience de moi comme homme, maisseulement la conscience immédiate d'être une chose en vie.

C'est ma relation avec autrui qui m'apporte la véritéque j'existe comme être humain.

Cette relation se caractérise par une lutte avec autrui, où chacun veut êtrereconnu par l'autre comme conscience.

Hegel nomme dialectique du maître et de l'esclave le fait que l'un, le maître,risque sa vie et prouve ainsi sa liberté, ce qui lui vaut d'être reconnu par l'autre comme sujet, à la différence del'esclave, qui renonce à être reconnu pour ne pas risquer sa vie dans la lutte.

La relation à autrui m'apporte doncune vérité sur moi-même, celle de me constituer comme véritable être humain reconnu comme tel par les autres :cette relation est constitutive de ma conscience, donc de ma manière de me percevoir. Qu'autrui existe semble être pour la pensée contemporaine une évidence.

Pourtant, l'idée d'un isolement de la conscience a longtempspersisté.

C ‘est, sans doute, parce que l'esprit des philosophes était obsédépar le problème de la recherche de la vérité.

D'où l'opposition entre, d'uncôté, le sujet connaissant et, de l'autre, le monde à connaître.

Dans cetteconfrontation, la présence d'un tiers, à l'exception de Dieu, était exclue. Le thème de l'altérité apparaît chez Kant dans ses considérations sur la moralité, mais surtout chez Hegel dans « La phénoménologie de l'esprit ».

C'est dans cet ouvrage – où Hegel décrit le mouvement dialectique de la conscience, depuis la naïveté première de la « certitude sensible » jusqu'à l'universalité du « savoir absolu », ultime moment où la conscience prend conscience de sa liberté – que se trouve la fameusedialectique du maître & de l'esclave.

On peut y lire : « La conscience de soi est certaine de soi-même, seulement par la suppression de cet Autre qui seprésente à elle comme vie indépendante ; elle est désir. » La conscience, dans son rapport immédiat avec elle-même, n'est que l'identité vide du Je = Je, une tautologie sans contenu.

Toute consciencerencontre autrui, l'Autre, une autre conscience de soi.

Il n'y a, en fait, devéritable conscience de soi que moyennant le retour à soi à partir de cet « être-autre ».

Autrement dit, la conscience de soi serait impossible dans un monde où autrui n'existerait pas. Si la conscience est mouvement et retour à soi-même à partir de l'être autre, elle ne peut d'abord l'être que par la négation de l'autre.

Autrement dit, la relation à autrui se présente d'emblée comme une affaire de conflit.

Le« moi » de l'enfant, par exemple, ne se forme-t-il pas en s'opposant au non-moi ? N'est-ce pas dans l'opposition à ses parents que l'enfant forge sa personnalité ? Toute conscience est désir de reconnaissance de soi et lasatisfaction de ce désir ne peut advenir que moyennant la suppression de l'autre, en tant qu'être indépendant. Le premier mouvement du désir serait de détruire et de consommer l'objet.

mais, dans cette expérience, je découvre que mon désir est conditionné par cet objet et que je suis donc dépendant de cet objet que j'avais,pourtant nié : « Le désir et la certitude de soi atteinte dans la satisfaction du désir sont conditionnés par l'objet ; en effet la satisfaction a lieu par la suppression de cet autre.

Pour que cette suppression soit, cet autre aussi doitêtre. » Loin d'atteindre la satisfaction complète et définitive, je découvre que, la satisfaction obtenue, le désir renaît, marquant toujours davantage ma dépendance à l'égard de l'objet, de cet Autre que j'avais annihilé : « La conscience de soi ne peut donc pas supprimer l'objet par son rapport négatif à lui ; par là elle le reproduit plutôtcomme elle reproduit le désir.

» Dans ce cercle infini et infernal du désir, c'est-à-dire de « ce retour alterné et monotone du désir et de sa satisfaction par laquelle le sujet retombe sans cesse en lui-même et sans supprimer la contradiction », la conscience découvre qu'elle ne peut se ressaisir que dans une autre conscience de soi.

La dialectique même du désir le conduità son propre dépassement : de la pure consommation de l'objet à l'intersubjectivité.

Le désir n'est plus seulementrapport égoïste de soi à soi, mais position de l'autre comme être indépendant et libre.

Je ne peux me reconnaîtreque si je reconnais l'autre et réciproquement : « L'opération est donc à double sens, non pas seulement en tant qu'elle est aussi bien une opération sur soi que sur l'autre, mais aussi en tant qu'elle est, dans son indivisibilité, aussibien l'opération de l'une des consciences de soi que de l'autre. » Ce mouvement de la conscience de soi trouve une illustration dans la fameuse dialectique du Maître & de l'Esclave – dialectique qui peut se lire comme une reconstitution, sans caractère historique, du déroulement del'histoire réelle des hommes. Le point de départ de cette dialectique, c'est que toute conscience est désir de reconnaissance, désir qui passe d'abord par la négation de l'autre.

toute conscience poursuit la mort de l'autre, afin de se faire reconnaître etde se reconnaître elle-même au risque de sa propre vie, comme libre et indépendante de toute attache sensible :« C'est seulement par le risque de sa vie qu'on conserve la liberté, qu'on prouve que l'essence de la conscience desoi […] n'est pas le mode immédiat dans lequel la conscience de soi surgit d'abord, n'est pas son enfoncement dans. »

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