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Puis-je savoir si j'aime ?

Publié le 07/02/2004

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BIEN LIRE LA QUESTION

La formulation de la question est équivoque. La question : « Puis-je savoir si j'aime ? « peut en effet se comprendre de deux façons, selon que l'on considère la proposition « si j'aime « comme un complément d'objet, ou comme un complément circonstanciel de condition.

► « Si j'aime « = complément d'objet. La question signifie alors : Puis-je être certain d'aimer quelqu'un lorsque je crois l'aimer ?

► « Si j'aime « = complément circonstanciel. La question devient : Si j'aime, suis-je encore capable de savoir quelque chose en général ?

DES TERMES AUX NOTIONS

Dans les deux cas néanmoins, le sujet concerne les illusions produites par la passion amoureuse (et par extension, les illusions produites par la passion en général). II s'agit bien de savoir si, conformément au vieil adage, l'amour rend effectivement aveugle : aveugle à l'égard du véritable objet de son amour, aveugle à l'égard de toutes autres choses (suivant les deux sens de la question posée).

  • Analyse du Sujet : Une connaissance fondée sur des règles et plus ou moins systématisée est-elle compatible avec une inclination plus ou moins passionnelle ?
  • Conseils pratiques : Le sujet peut se lire dans deux sens : A) Puis-je avoir une connaissance (rationnelle) du fait que j'éprouve de l'amour ? B) Si je suis soumis à une passion amoureuse, puis-je accéder à un savoir (objectif) ? Vous pouvez jouer sur ces deux niveaux de lecture, mais ce n'est pas obligatoire.

Vous pouvez rappeler que pour Platon, le désir a un caractère créateur qui m'oriente vers la plénitude de l'Idée.

  • Bibliographie :

Platon, Banquet, Garnier-Flammarion. Lucrèce, De la Nature, Garnier-Flammarion. Spinoza, Éthique, Garnier-Flammarion. Stendhal, De l'amour, Garnier-Flammarion. Deleuze, L'Anti-Œdipe, Minuit.

  • Difficulté du sujet : **
  • Nature du sujet : Pointu

« Corrigé 1.

L'amour est une évidence et une certitude Cette partie constituerait une réponse à la question : lorsque j'aime quelqu'un, puis-je vraiment le savoir ? L'amourcomme sentiment ne peut tromper.

Sa véritable nature est immédiate et s'impose comme telle.

Le sentimentamoureux à la même évidence que le cogito cartésien.

La référence à Épicure, pour qui le critère de la science est lasensation, constituerait un bon point d'appui.

En effet, pour lui, les sensations que nous avons de notre corps et, àtravers lui, des choses du monde sont la source de toute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur,donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal, puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.

Nouspouvons désigner la pensée d'Épicure comme un sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation. 2.

Le sentiment amoureux est trompeur Cette partie et la partie suivante permettraient de répondre à la question : si j'aime, suis-je encore capable desavoir quelque chose avec objectivité ? Si l'amour ne trompe pas sur sa propre nature, en revanche il conduit às'illusionner : D'une part sur l'objet même de l'amour, qui s'embellit de beautés qu'il ne possède pas réellement.

Stendhal parlera de"cristallisation".D'autre part sur tout ce qui entoure cet objet : la jalousie est le corrélat nécessaire de l'amour, et fait de toutepersonne entourant l'être aimé une menace.Enfin, l'amour peut tromper sur ses propres motivations.

Est-on vraiment certain d'aimer par amour ? L'amour nenaît-il pas de motifs inconscients ? Ici Schopenhauer sera bien utile.

La Nature n'a d'autre sens que sa perpétuation,ce qui se traduit chez les espèces animales par le mécanisme de la reproduction.

Belle raison de vivre pour la belleâme humaine ! Si l'on savait la vérité, l'espèce humaine s'éteindrait en peu de temps.

La volonté de la Nature estdonc que l'individu soit la due de l'espèce.

D'où les illusions : le noble sentiment amoureux n'est qu'une ruse del'instinct de reproduction, selon Schopenhauer : « Ainsi chaque amant se trouve-t-il leurré après l'achèvement du grand-oeuvre, car le mirage a disparu, qui faisait de l'individu la dupe del'espèce.

» La recherche du bonheur est l'illusion suprême qui résume toutesles autres : l'individu s'imagine être une fin en soi, alors qu'il n'est qu'unmoyen de l'espèce.

Et le même auteur d'ajouter : « Il n'y a qu'une erreurinnée : celle qui consiste à croire que nous existons pour être heureux.

»Toute notre activité est soumise à cette illusion et, à travers elle, à cettevolonté rusée qui anime souterrainement notre vie consciente. Toute inclination amoureuse [...] pour éthérée que soient ses allures,prend racine uniquement dans l'instinct sexuel... La passion amoureuse est le thème éternel des romanciers, des poètes, ellejoue dans la vie de l'homme un rôle primordial.

Pourtant les philosophes, àl'exception de Platon dans Le Banquet et Phèdre, semblent, pendantlongtemps, ne s'être guère préoccupés de la question.

S'il est vrai que Kantévoque, dans Doctrine de la vertu, la tendance à ce plaisir qui s'appelle amourde la chair ou simplement volupté, c'est pour condamner aussitôt le vice quien résulte : « l'impudence », et nous rappeler que la chasteté est le devoir del'homme envers lui-même.

Bel aveu de la honte qu'éprouvait sans aucun douteKant à imaginer le plaisir sexuel et reconnaissance indirecte, avant Freud, quenotre civilisation est fondée sur la répression de la sexualité. Rompant avec le silence et loin de toute pudeur, Schopenhauer, lançant un défi à toute la philosophie allemande deson temps et à tous les spécialistes de l'université, consacre tout un chapitre des Compléments au Monde commeVolonté et comme Représentation à l'amour.

On peut y lire (trad.

Marianna Simon, Métaphysique de l'amour, coll.10/18) :« Toute inclination amoureuse [...] pour éthérée que soient ses allures, prend racine uniquement dans l'instinctsexuel, et n'est même qu'un instinct sexuel plus nettement déterminé, plus spécialisé et, rigoureusement parlant,plus individualisé.

»L'amour et le travail sont, sans aucun doute, les deux grands problèmes auxquels l'homme se trouve confronté dansson existence individuelle.

Mais si le travail prend souvent un caractère contraignant, il semble, au premier abord,que l'amour soit le plus puissant et le plus énergique ressort de la vie.

A tel point que ce dernier perturbe le mondeorganisé du travail et de la raison :« But dernier de presque chaque aspiration humaine, il acquiert une influence néfaste sur les affaires les plusimportantes, interrompt à toute heure les occupations les plus sérieuses [...] trame encore journellement les conflitsles plus inextricables et les plus graves, rompt les liens les plus solides [...] donc au total se conduit comme undémon hostile, qui s'efforce de tout mettre à l'envers, de tout embrouiller et renverser.

»Pourquoi toute cette agitation et cette fureur ? Pourquoi une chose si simple occupe-t-elle une telle place dans lavie au point de troubler la sage ordonnance des choses ? Én observateur attentif des choses humaines,. »

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