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Punir, est-ce la même chose que se venger?

Publié le 21/01/2004

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: la chose se distingue de l'objet en ce que ce dernier est construit ; cela n'implique pas que la chose soit chose en soi ; ce qui est chose se constitue comme ce qui est maniable, ce qui est disponible ; autrement dit, l'objet se réfère à la pensée, la chose à l'action ; le monde des choses, c'est le monde qui se détermine dans la pratique, et y résiste ; à partir du sens 3, le réaliste confond volontiers la chose et l'objet (cf. DURKHEIM : « Il faut considérer les faits sociaux comme des choses »). 4. - Chosisme : attitude qui consiste à considérer la réalité comme une chose au sens 2. Punir, c'est toujours infliger une peine à quelqu'un, c'est sanctionner une action qui demande réparation. Toutefois, ce sujet nous demande d'examiner une opinion souvent très répandue, et même communément admise chez certaines personnes celle qui consiste à croire que la « peine » à laquelle un tribunal peut condamner un coupable, peine de prison, ou même, dans certains États, peine de mort, est une vengeance que la société accomplit au nom de la famille de la victime. Après que la sentence a été exécutée, il n'est pas rare d'entendre alors des phrases comme « la victime a été enfin vengée ! ». Il nous faut revenir sur une telle association d'idée, comme nous y invite la formule du sujet qui demande clairement si l'on doit considérer comme identique punition et vengeance, le fait de punir et le fait de se venger. Les deux termes sont-ils synonymes ? Dans le cas contraire, sur quels critères distinguer deux attitudes qui peuvent sembler extérieurement identiques, surtout lorsque la peine infligée par les tribunaux à un coupable est la mort ?

Par la punition, on inflige à quelqu'un un châtiment en expiation d’une faute. La punition est donc, comme la vengeance, un mal du point de vue de celui qui la subit. Pour autant, la vengeance suppose une véritable intention de nuire. Celui qui se venge ne le fait pas par sens de la justice, mais parce qu’il éprouve le besoin de voir l’autre souffrir. La punition se présente au contraire bien souvent sous l’aspect d’une loi : loi positive lorsque la punition est sanctionnée par un tribunal, loi parentale lorsqu’elle est décidée par un des deux parents. Mais pour autant, le principe même de la punition, qui consiste à faire faire à la personne coupable un acte qui lui est pénible (l’enferment carcéral, les travaux forcés, les phrases que l’écolier doit recopier cent fois…) n'est-il pas contradictoire ? Ne consiste-t-il pas à faire du mal à celui qui a fait du mal, et ainsi à se montrer soi-même coupable d’un dommage ? Celui qui punit n’entre-t-il pas finalement toujours dans le cercle vicieux de la volonté de faire le mal ? N’est-il pas toujours animé d’un désir de nuire semblable à celui du coupable, qui les met sur un même plan et fait de toute punition une vengeance motivée par les passions ? La question centrale est donc de savoir si entre punition et vengeance, il y a une différence autre que celle de l’institutionnalisation et de la justification de la première, par opposition à l’arbitraire de la seconde.


« L'analyse précédente reposait sur l'idée selon laquelle le juge ne représente pas la partie lésée, mais l'État et lasociété.

Aussi, son jugement doit-il être impartial, et son impartialité repose d'abord sur le principe qu'il estprécisément extérieur au litige ou au délit, c'est-à-dire qu'il n'appartient ni au parti de la victime ni à celui ducoupable.

Nous avions déjà signalé ce point.

Mais il faut maintenant le problématiser. L'Histoire ne nous offre-t-elle pas des exemples significatifs de situations où le droit a parfois revêtu le caractère dela vengeance, sans se présenter ouvertement comme telle ? Qu'on pense aux parodies de procès nazis, sousl'Allemagne hitlérienne, à la pseudo-justice de la dictature stalinienne, ou même bien avant, à la manière toutepartiale dont fut conduit le procès de Jeanne d'Arc, par des Anglais qui étaient, en la circonstance, bien « juge etpartie ».

D'une manière générale, on peut affirmer que lorsqu'une « justice » s'effectue sans procès, ou sans paroledonnée à la défense, comme elle peut s'exercer dans une dictature, on a en réalité affaire à une vengeance qui sefait passer pour une punition. Le philosophe allemand Hegel, dans Les Principes de la philosophie du droit, asu nous avertir contre les dangers et les illusions d'une telle confusion.

Hegelmontre en effet dans cet ouvrage que de telles situations existent et qu'unetelle justice n'est alors qu'une vengeance déguisée, car elle ne délibère pas etapplique un équilibre aveugle et injuste, qu'on retrouve souvent dans lesvengeances privées.

Cette soi-disant « justice » suscite alors, à son tour, denouvelles vengeances en inspirant chez celui qui l'a subie ou chez sesproches, un profond sentiment d'injustice qui les transforme eux aussi en «partie lésée ».

Ce processus peut se poursuivre sans fin, comme dans cesvendettas interminables que l'écrivain Prosper Mérimée nous décrivait enCorse, au XIX e siècle, dans son roman Colomba.

Vendettas qui opposentparfois des familles entières sur plusieurs générations et plusieurs siècles.

Orle droit a précisément pour fonction, en rendant la justice, de mettre fin à cecycle infernal. On comprend mieux pourquoi il ne faut jamais confondre punition etvengeance.

Sans cette distinction, la justice, qui délibère au nom de lasociété tout entière, ne pourrait jamais mettre fin au cycle de la violence quetoute violence sème autour d'elle.

Or la punition incarne une décisionrationnelle, là où la vengeance est toujours l'expression d'une haine ou d'unedétresse aveugle. CITATIONS: « On ne peut déterminer rationnellement [...] si, pour être conforme à la justice, il faut, pour un délit, infliger [...]une peine de prison de un an ou de trois cent soixante-quatre jours ou encore de un an et un, deux ou trois jours.Pourtant, [...] une semaine ou un jour de prison en trop ou en moins sont déjà une injustice.

» Hegel, Principes de la philosophie du droit, 1821. « Vous avez entendu qu'il a été dit : oeil pour oeil, et dent pour dent.

Et moi je vous dis de ne pas résister à celuiqui vous fait du mal.

Au contraire, si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre.

» Nouveau Testament, Evangile selon Matthieu. « Le châtiment a pour but de rendre meilleur celui qui châtie.

» Nietzsche, Le Gai Savoir, 1883. « Si peine et récompense disparaissaient, du même coup disparaîtraient les motifs les plus puissants quidétournent de certaines actions et poussent à certaines autres; l'intérêt de l'humanité en exige la perpétuation.

»Nietzsche, Humain, trop humain, 1878. « Le bagne, les travaux forcés ne relèvent pas le criminel; ils le punissent tout bonnement et garantissent lasociété contre les attentats qu'il pourrait encore commettre.

» Dostoïevski, Souvenirs de la maison des morts, 1862.. »

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