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Quel concept de Dieu après Auschwitz ?

Publié le 18/04/2005

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dieu

 

Un étrange abîme se creuse lorsque l'homme tente de questionner ses idéaux au regard de l'histoire, des évènements, des faits. Le fait que l'horreur idéologique – qui a engendré l'existence des camps de la mort et a appelé de ses souhaits la mort du peuple juif – ait pu se concrétiser sur terre, pose un problème radical à notre croyance en un Dieu :

« Comment a-t-il pu laisser une telle chose se produire ? «, demandera le sens commun. Et c'est bien là tout l'édifice religieux qui se voit ébranler dans ses fondements, ceux-ci reflétant tous la même idée-principe que Dieu est amour et bienveillance. C'est alors à la philosophie que revient le rôle de poser la question du rapport possible entre l'idéal et le réel, le fait.

De fait, s'interrogera-t-elle : après la reconnaissance de l'existence de la Shoa dans l'histoire de l'humanité, est-il encore possible de croire en Dieu ?

  • Autrement dit, les évènements sombrent qui émaillent l'histoire de l'humanité ne tendent-ils pas à faire s'effondrer toute croyance en un Dieu bon et juste, particulièrement l'existence avérée des camps de la mort ?

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Mais n'est-ce pas, cependant, l'espoir et plus radicalement l'espérance qui permettent à l'homme de se prémunir du péché et, ainsi, de se bonifier ?

dieu

« d'ailleurs reprises et détournées de leur sens par le nazisme (et notamment sa sœur), s'était déjà posée cettequestion du mal dans la perspective de la foi : Nietzsche, dont les paroles dans Le Gai Savoir , nous donnent à penser le poids de notre responsabilité à l'égard de l'idée de Dieu : « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers desmeurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sousnotre couteau.

— Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations,quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ?Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignesd'eux » (§ 125, « L'insensé ») Ce que Nietzsche sous-entend, c'est moins la mort d'un Dieu – au demeurant éminemment improbable selon l'auteur– que le vacillement des valeurs admises par notre religion judéo-chrétienne.

Ces idéaux forgés par les anciens nesont pas représentatifs de la nature humaine véritable.

Mais cette nature se corrompt elle-même dans le« nihilisme », cette négation des valeurs pleine du ressentiment des « faibles », qui pousse l'homme à nier même lesvaleurs les plus simples et les plus vraies : la vie, l'ivresse, la joie, le destin...

Le nazisme, que Nietzsche n'a pasconnu dans sa pleine mesure, est l'exemple même d'un nihilisme de toutes les valeurs vitales, d'une folie et d'uneperversion fondamentales de la volonté.

C'est justement, nous dirait probablement Nietzsche, cette faiblesse decertains, cette impuissance à devenir dieu, qui pousse ces « faibles » à engendrer pareille abomination, parfrustration et jalousie. II) Une vallée de larmes éclairées « Quel Dieu a pu laisser faire cela, et se taire ? Comment croire en Dieu après Auschwitz ? Cette question qui, à samanière, relance celle de Job devant le mal radical, ébranle en profondeur la légitimité du discours théologique etl'expérience de la foi.

Faut-il alors congédier le Dieu « Seigneur de l'histoire » et s'en remettre à la seuleimpuissance d'un Dieu soucieux, en devenir et solidaire ? Mais la foi n'est-elle pas toujours, et nécessairement, unerévolte contre la fatalité, une résistance contre le désenchantement, une quête d'infini au cœur même de lafinitude humaine ? » C'est par ces mots que commença l'Allocution adressée au Mémorial de Caen lors des cérémonies commémorativesdes 60 ans du débarquement allié.

Celle-ci nous propose donc de réformer, au regard de l'histoire, notre conceptiond'un Dieu « Seigneur de l'histoire » sans pour autant abandonner toute foi ou toute action pour lutter contrel'existence du mal.

Si chaque situation humaine reste singulière et si chaque souffrance liée à un drame vécu ne supporte aucune comparaison, la question du sens de la vie et de la foi en Dieu devant le mal et la souffrance necesse de se reposer à nous.

Kant déjà insistait sur la dimension proprement indéchiffrable, « inscrutable » du mal.Arendt, par exemple, nous invite à nous responsabiliser dans un agir révolté reposant sur notre capacité à regarderl'histoire et les faits avec une lucidité sans faille.

Le théologien protestant Dietrich Bonhoeffer, pendu par les Nazis,écrivait dans une lettre de prison datée du 16 juillet 1944 et recueillie après sa mort dans le livre Résistance et soumission : « Devant Dieu et avec Dieu, nous vivons sans Dieu.

Dieu se laisse déloger du monde et clouer sur la croix.

Dieu estimpuissant et faible dans le monde, et ainsi seulement il est avec nous et nous aide 8.

», plus loin « Seul un Dieufaible peut nous venir en aide ». Nombreux sont les penseurs qui tentèrent de concilier foi et fait, en justifiant de la possibilité du mal sur terre pardes arguments favorisant une approche stricte, voire sombre, de l'idée de Dieu.

Mais Arendt va plus loin endéveloppant magnifiquement, dans le texte suivant, la perspective d'une foi toute nouvelle : avoir foi dans lesvertus d'un « miracle » naturel : « Le miracle qui sauve le monde, le domaine des affaires humaines, de la ruine normale, naturelle, c'est finalementle fait de la natalité, dans lequel s'enracine ontologiquement la faculté d'agir.

En d'autres termes : c'est lanaissance d'hommes nouveaux, le fait qu'ils commencent à nouveau, l'action dont ils sont capables par droit denaissance.

Seule l'expérience totale de cette capacité peut octroyer aux affaires humaines la foi et l'espérance,ces deux caractéristiques essentielles de l'existence que l'antiquité grecque a complètement méconnues, écartantla foi jurée où elle voyait une vertu fort rare et négligeable, et rangeant l'espérance au nombre des illusionspernicieuses de la boîte de Pandore.

C'est cette espérance et cette foi dans le monde qui ont trouvé sans douteleur expression la plus succincte, la plus glorieuse dans la petite phrase des évangiles annonçant leur bonnenouvelle : Un enfant nous est né 13. » La condition de l'homme moderne Conclusion Les camps de la mort ont sans doute, plus qu'aucun autre événement, porté un coup radical à notre. »

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