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Quel sont les rapports qu'entretiennent la Poésie et la Réalité ?

Publié le 15/01/2011

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Le corpus présente cinq poèmes publiés dans les recueils de poètes de la seconde moitié du XIXème et du XXème siècle. Ainsi sont présents ici « A une passante « et « Une charogne «, de Charles Baudelaire tout deux issus des Fleurs du mal. Mais aussi « Aube «, une des Illuminations de Rimbaud, « Le Pain «, Parti pris des choses par Francis Ponge, et « La pluie «, Connaissance de l'est de Paul Claudel.  Nous remarquerons que tous les sujets de ces poèmes sont des éléments du quotidien ancrés dans le réel. Alors, quel est le rapport entre la poésie et la réalité ?    Que serait le poète sans la réalité, sa muse, et sa femme aimée ? Il serait désemparé car il aime le Monde, dans son intégralité. Et c'est cet amour qui va donner aux poètes l'envie de faire entrer en poésie les oubliés, négligés ou humiliés de cette parfois cruelle réalité, pour leur rendre leur dignité. Les accueillir, les chérir, les dévoiler à la face de l'humanité sous leurs jours les plus beaux, voilà l'acte poétique !  Quand Baudelaire nous dresse cette charogne pourrissante, mangée de baisers par les vers, c'est une déclaration d'amour des plus puissantes ! Il lui redonne le souffle de vie perdu dans l'indifférence. Lorsqu'au milieu de la rue oppressante, il est foudroyé par la beauté envoutante d'une passante, il donne un nom à l'anonyme, une silhouette à l'invisible, un sentiment à l'inconnu. Rimbaud, dans son poème « Aube «, Hymne à la nature exaltante, nous apprend, le sourire aux lèvres, à embrasser les petits bonheurs. Comme celui de regarder le soleil paresseusement se lever. Mais il saisit aussi l'insaisissable, et cristallise dans la roche minérale l'instant d'Illumination. Et Ponge, quand il effleure des ses ailes ses pics et ses caps éructant, entre dans une relation épidermique avec le pain, qu'il remet à la table du Christique. Dans « La Pluie «, Paul Claudel distille un orage de moisson pour en tirer l'élixir le plus pur : la goutte d'encre inspiratrice, fruit de l'acte d'amour entre le poète et le cosmos, qui essaye d'accueillir dans sa poésie toutes les parts, même les plus négligées de la réalité.  Pour sortir ces éléments de la fange où l'humanité les a placés, le poète se fait mineur et plonge dans les profondeurs abyssales pour ramener le charbon, matière à travailler, à façonner, pour la magnifier. La Charogne Baudelairienne, représentation symbolique des plus heurtantes, appartenant au domaine de l'horrible, est accueillie par le Fleuriste malicieux dans ses « Spleens et Idéals « et rendue sous un jour tout à fait soutenable et même agréable, la mort, grâce au poète, n'a plus rien d'effrayant. La rue, envahissante et obsédante est, en un éclair, changée en petit cocon romantique pour le poète et la passante, un locus amoenus au milieu de la foule parisienne. Rimbaud, parvient, dans une union divine entre anthropos et cosmos, à rendre l'évanescent, l'aérien, le sublime, plus humain que le mensonge. Et, Francis Ponge parvient à un exploit que seule la langue poétique permet : rendre le banal merveilleux ! Comme Claudel d'ailleurs qui fait rentrer la pluie, phénomène naturel déprécié, en poésie, où elle viendra donner au macrocosme, la volupté des larmes.  Mais pour transcender une réalité d'apparence horrible, banale, ou fugace, il est nécessaire de la transfigurer, et ceci par des opérations de langage.  Donner un autre visage à la réalité passe par la métaphore et la comparaison, qui sont les outils du modelage poétique. Grâce à ces dernières, c'est tout un monde de perspectives qui s'ouvre ; dans lequel s'engouffrent allègrement les poètes qui, comme les dieux du mont Olympe, prennent une multitude d'apparences pour nous séduire. Baudelaire, fait de sa charogne un corps vivant et s'agrandissant aux dimensions du monde, qui devient tour à tour, femme, mère enfantant, mer se déchaînant, fleur s'épanouissant, toile d'artiste, musique du vent et ruisseau grossissant ! La passante, elle, devient statue, monument gravé dans le marbre du sonnet, ciel s'assombrissant. L' «Aube « aux doigts de rose, est, grâce à Rimbaud, Déesse, fleur parlante, femme, et surtout, Désir ! « Le Pain « dont Ponge explore la géologie, est relief montagneux, tapis de feuilles mortes, mais aussi, et c'est sa fonction première, objet de consommation. Pour finir, « La Pluie «, est transfigurée par Paul Claudel en déesse, « merveilleuse rasade « donc source de vie, et d'étanchement de la soif, en musique pieuse rythmant les psaumes récités par Claudel et en goutte d'encre défiant les nuages noirs de la monotonie.    Finalement, le poète fait la réalité à son image et comme elle lui plait. Mais où sont les frontières entre poésie et réalité ? La poésie ne fait-elle pas que raconter le monde qui nous entoure, pour mieux nous le faire découvrir et que nous puissions mieux y vivre ? La réalité serait-elle supportable sans la poésie et la poésie sans la réalité ? Toutes deux sont entrelacées, entortillées autour de nos existences pour nous réconforter, nous tenir chaud au coeur, et permettre aux esprits de divaguer. L'effervescence des poésies sont les bulles auxquelles nous nous accrochons pour nous évaporer des lourds nuages gris qui nous accablent.  El Bullicante. 

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