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A quelle condition peut-on contester la loi ?

Publié le 09/08/2005

Extrait du document

 b)    La loi n'est pas immuable, elle doit donc pouvoir être contestée... ... mais uniquement en parole. Texte : Spinoza, Traité théologico-politique, livre 20, traduction Charles Appuhn. « Par exemple, en cas qu'un homme montre qu'une loi contredit la Raison, et qu'il exprime l'avis qu'elle doit être abrogée, si, en même temps, il soumet son opinion au jugement du souverain (à qui seul il appartient de faire et d'abroger des lois) et qu'il s'abstienne, en attendant, de toute action contraire à ce qui est prescrit par cette loi, certes il mérite bien de l'État et agit comme le meilleur des citoyens ; au contraire, s'il le fait pour accuser le magistrat d'iniquité et le rendre odieux, ou tente séditieusement d'abroger cette loi malgré le magistrat, il est du tout un perturbateur et un rebelle. Nous voyons donc suivant quelle règle chacun, sans danger pour le droit et l'autorité du souverain c'est-à-dire pour la paix de l'État, peut dire et enseigner ce qu'il pense ; c'est à la condition qu'il laisse au souverain le soin de décréter sur toutes actions, et s'abstienne d'en accomplir aucune contre ce décret, même s'il lui faut souvent agir en opposition avec ce qu'il juge et professe qui est bon. Et il peut le faire sans péril pour la justice et la piété ; je dis plus, il doit le faire, s'il veut se montrer juste et pieux ; car nous l'avons montré, la justice dépend du seul décret du souverain, et, par suite, nul ne peut être juste s'il ne vit pas selon les décrets rendus par le souverain. Quant à la piété, la plus haute sorte en est (...) celle qui s'exerce en vue de la paix et de la tranquillité de l'État ; or elle ne peut se maintenir si chacun doit vivre selon le jugement particulier de sa pensée. Il est donc impie de faire quelque chose selon son jugement propre contre le décret du souverain de qui l'on est sujet, puisque, si tout le monde se le permettait, la ruine de l'État s'ensuivrait.

Analyse du sujet :

l        On peut commencer par remarquer le singulier de la question « à quelle condition ? «. Il semblerait donc que l'on nous demande de trouver une condition unique. Il faudra voir si cela est possible.

l        Le sujet suppose donc qu'il y a une condition (et une seule, comme nous venons de le faire remarquer) sous laquelle nous pouvons contester la loi.

l        On remarquera également le singulier « la loi «.

l        Reste à savoir ce qu'est la loi. S'agit-il de la loi d'un État (le terme loi au singulier serait alors un collectif pour désigner toutes les lois), c'est-à-dire du droit positif, de la loi morale, etc. ?

l        « Peut-on ? « peut signifier deux choses :

1.      A-t-on le droit ?

2.      A-t-on les moyens, la possibilité matérielle de le faire, c'est-à-dire sommes nous capables de le faire ?

Problématisation :

La loi est ce à quoi nous devons obéir. Pourtant, elle ne nous plaît pas toujours, nous ne la trouvons pas toujours juste. Nous sommes alors tentés de vouloir la contester, mais pouvoir librement contester la loi, n'est-ce pas lui faire perdre toute sa valeur ? Il y a deux manières, qui posent des problèmes très différents, de contester la loi :

1.      La contester quand on tombe sous le coup de la loi (c'est-à-dire contester une décision de justice).

2.      La contester en amont, pour la faire modifier.

Nous nous demanderons donc à quelle condition nous sommes, dans chacun de ces deux cas, fondés à contester une loi que nous trouvons injuste.

 

« (...) Leur répondrons-nous plutôt [aux Lois] : ‘C'est un fait que la Cité a commis envers nous une injustice etque la décision de justice est contraire au bon droit' ? Les Lois – Socrate, est-ce de cela aussi que nous étions convenus, toi et nous ? ou bien est-ce de tapromesse de respecter les jugements qui auront été rendus par la justice de l'État ? (...) Serais-tu sageau point de ne pas te rendre compte que, (...) plus qu'à l'égard d'un père, il faut, quand la patrie sefâche contre vous, lui céder, lui donner des marques de soumission ? qu'on doit, ou bien la convaincre, oubien alors faire ce qu'elle aura ordonné et subir, sans tergiverser, tel traitement qu'elle a prescrit de subir,que ce soit d'être frappé de verges ou chargé de chaînes, que ce soit d'aller à la guerre pour y trouverblessures ou mort ? Oui, tout cela on doit le faire, et c'est en une telle conduite que réside le droit : nepas céder le terrain, ne pas reculer non plus, pas davantage lâcher son rang, mais, à la guerre comme autribunal, comme partout, faire ce qu'auront ordonné la Cité, la patrie ; sinon la convaincre de la naturevéritable du droit ! N'est-ce pas une impiété de faire violence, ou à son père, ou à sa mère : serait-ellemoindre, quand c'est la patrie qui en est la victime ? (...) Et bien donc, Socrate ! si nous disons la vérité,considère l'injustice qu'il y a à entreprendre d'agir à notre égard comme tu entreprends de le faire.

(...)Mais en revanche, celui d'entre vous qui sera resté ici, expérience faite de la façon dont sont rendus lesjugements de notre justice et dont, par ailleurs, est administré l'État, de celui-là désormais nousaffirmons qu'il s'est en fait mis d'accord avec nous pour faire ce que nous pourrions lui ordonner ; et celuiqui n'obéit pas, nous affirmons qu'il est trois fois coupable de ne pas nous obéir, et puisque c'est nous quil'avons engendré, et puisque c'est nous qui l'avons nourri puisqu'enfin, ayant convenu qu'il nous obéirait,il ne se laisse pas convaincre par nos avis et ne nous convainc pas non plus, à supposer que nous soyonsen quelque point fautives (...).

» Transition : Il semblerait donc qu'on doive toujours se conformer à la loi, qu'elle soit positive ou morale.

Pourtant, n'avons pasparfois la possibilité de contester la loi, à condition de la trouver injuste ? 2.

Pourtant, n'avons-nous pas la possibilité de contester la loi lorsque, du moins, nous la trouvonsinjuste ? a) Il est parfois possible de fuir le verdict de la loi. Socrate pourrait, en effet, comme le lui suggère son disciple Criton, fuir les lois d'Athènes en quittant lesol athénien.

Sa condamnation est en effet parfaitement injuste.

Il a donc à la fois la possibilitématérielle, mais aussi, nous semble-t-il la légitimité à se soustraire à la loi si elle est injuste. Reste malgré tout que ce n'est pas la décision que prend Socrate, et ce pour de très bonnes raisons.Mais, en revanche, il conteste en parole cette condamnation injuste lors de son procès (raconté parPlaton dans l' Apologie de Socrate --- texte bref et très utile). b) La loi n'est pas immuable, elle doit donc pouvoir être contestée... ...

mais uniquement en parole. Texte : Spinoza, Traité théologico-politique , livre 20, traduction Charles Appuhn. « Par exemple, en cas qu'un homme montre qu'une loi contredit la Raison, et qu'il exprime l'avis qu'elledoit être abrogée, si, en même temps, il soumet son opinion au jugement du souverain (à qui seul ilappartient de faire et d'abroger des lois) et qu'il s'abstienne, en attendant, de toute action contraire à cequi est prescrit par cette loi, certes il mérite bien de l'État et agit comme le meilleur des citoyens ; aucontraire, s'il le fait pour accuser le magistrat d'iniquité et le rendre odieux, ou tente séditieusementd'abroger cette loi malgré le magistrat, il est du tout un perturbateur et un rebelle.

Nous voyons doncsuivant quelle règle chacun, sans danger pour le droit et l'autorité du souverain c'est-à-dire pour la paixde l'État, peut dire et enseigner ce qu'il pense ; c'est à la condition qu'il laisse au souverain le soin dedécréter sur toutes actions, et s'abstienne d'en accomplir aucune contre ce décret, même s'il lui fautsouvent agir en opposition avec ce qu'il juge et professe qui est bon.

Et il peut le faire sans péril pour lajustice et la piété ; je dis plus, il doit le faire, s'il veut se montrer juste et pieux ; car nous l'avonsmontré, la justice dépend du seul décret du souverain, et, par suite, nul ne peut être juste s'il ne vit passelon les décrets rendus par le souverain.

Quant à la piété, la plus haute sorte en est (...) celle quis'exerce en vue de la paix et de la tranquillité de l'État ; or elle ne peut se maintenir si chacun doit vivreselon le jugement particulier de sa pensée.

Il est donc impie de faire quelque chose selon son jugementpropre contre le décret du souverain de qui l'on est sujet, puisque, si tout le monde se le permettait, laruine de l'État s'ensuivrait.

» Transition : N'existe-t-il cependant aucun cas dans lequel nous serions fondés en droit à agir contre une loi ? Mais de quel droit. »

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