Quelle est la Signification de l'avenir pour l'homme ?

« orientés vers le réel, s'adaptant sans cesse à lui et adoptant la forme « schématique ».

Un schème dans levocabulaire kantien est une méthode qui se définit dans son contact avec l'expérience, dans l'action.

Si l'avenir joueun rôle considérable dans notre vie intellectuelle, il n'a pas moins d'importance dans notre vie active.

Notre volontén'a de sens que par rapport au but qu'elle s'assigne.

L'opération même de vouloir comporte la pensée d'un tempsdans lequel notre action prendra corps.

Aussi bien je dis : Je fais telle chose dans tel but, j'ai tel ou tel projet.

Lacaractéristique de l'homme c'est précisément de jeter en avant ce qu'il veut faire, de découvrir d'abord et deréaliser ensuite.Si l'homme, d'ailleurs, peut être dit libre, c'est bien à cause de cette possibilité qu'il a de voir avant, de prévoir.Comme l'a fait remarquer Bergson, lorsque mon acte est réalisé, je puis bien avoir l'impression que tout est révolu,que j'ai obéi à telle ou telle détermination précise, que je n'ai pas eu le choix.

En fait, j'ai eu ce choix : il était cetemps qui n'était pas encore passé, ces modalités entre lesquelles j'ai pu me déterminer non arbitrairement, maispour les meilleures raisons.

Car être libre, cela ne veut pas dire agir sans motifs, mais agir le mieux possible pourréaliser tel ou tel but avec les motifs les plus rationnels possibles.

En psychologie, avenir est donc synonyme de vie,de vie consciente.

Je ne suis homme, je ne suis un être pensant que parce que l'avenir a une signification pour moi.

Mais là ne se borne point l'utilité du concept d'avenir pour l'homme.Il joue en effet un grand rôle dans notre vie morale qui sans lui n'aurait ni de sens ni de perspective.

Il n'y a d'actionmorale, de conscience morale que parce que ma faute ne m'apparaît pas irrémédiable — que parce que j'admets queje puis m'amender.Les règles morales de Kant par exemple se présentent sans doute comme rationnelles, abstraites.

Pourtant, commele fait remarquer Péguy, elles n'ont de sens que si elles entrent dans l'histoire, que si j'essaye de les rendre réelles.Le concept de construction morale n'a de sens que par l'idée d'avenir.

Je suis responsable dans la mesure ou je saisque l'avenir que j'ai gâché m'a appartenu et que j'aurais pu en faire un autre usage.L'avenir en morale prend d'ailleurs une forme encore plus précise quoi qu'abstraite et dans une certaine mesureirréelle.

Il se propose à moi comme «idéal».

Sans doute l'idéal peut devenir un prétexte pour moi à compromission.

Jepuis le choisir trop élevé, ce qui constitue par avance une excuse si je ne me conforme pas à des règles tropaustères.Mais le mot idéal peut définir aussi une orientation générale que je désire en pleine bonne foi donner à ma vie.

S'ilest trop élevé, je puis me proposer des idéaux transitoires plus accessibles et devenir meilleur tous les jours, parétapes.Comment aurai s-je en moi cette notion de progrès qui fonde la conscience morale si je ne savais pas que l'avenir,dans une certaine mesure, m'appartient ? Il va de soi cependant que je ne dois pas croire que ce progrès va seréaliser sans effort de ma part.

Mais il reste déjà important d'apercevoir que notre avenir dépend de nous, ' de notrelutte de tous les jours.« Non, l'avenir n'est à personne.

Sire, l'avenir est à Dieu.

»L'admonestation de V.

Hugo à Napoléon se justifie sur le plan historique; il ne faudrait pas lui faire signifier — ce qued'ailleurs le poète n'a jamais dit — que l'homme ne fait pas son histoire.

Toutefois, il ne peut la faire ou contribuer àl'avènement de temps meilleurs que dans la mesure où il comprend les luttes essentielles de son époque et où il s'yintègre en connaissance de cause.

L'avenir ne doit pas être étudié indépendamment des autres dimensions du temps qui sont le passé et le présent.Toutefois il faut remarquer que l'avenir a une importance particulière puisque c'est vers lui que le temps est orienté,puisque c'est à lui que préparent le passé et le présent.

D'où l'on peut tirer la conclusion que l'homme doit vivre sansdoute dans le présent mais essentiellement en vue de l'avenir.Cette dimension de l'avenir doit encore être rappelée à propos d'une science, comme l'histoire, que l'on a troptendance à considérer comme une connaissance du passé en tant que passé.

Une telle attitude d'ailleurs justifie lemépris dans lequel beaucoup de bons esprits tiennent les recherches historiques.

Mais au contraire, si l'on aprésente à l'esprit la signification de l'avenir, l'histoire reprend son vrai sens.

L'étude de telle ou telle période dupassé n'est plus superflue.

Car le présent où je vis, l'avenir que je prépare se trouvent dans une certaine mesureorientés, déterminés par les actions des hommes qui m'ont précédé.

L'essentiel pour moi sera de comprendre cequ'ils auront voulu faire et ce qu'ils ont pu faire.

L'histoire conçue comme une science de l'avenir me permettrad'utiliser au maximum mon activité, d'intégrer les problèmes qui me sont propres aux problèmes qui sont ceux de monépoque, c'est-à-dire à prendre plus amplement conscience de mon présent.. »