Devoir de Philosophie

Quelles raisons ont poussé Molière à écrire "Les Femmes Savantes" ?

Publié le 07/03/2011

Extrait du document

   Dans le premier volume du Mercure Galant (mars 1672), en tête d'un article où de Visé rend compte de la première représentation des Femmes Savantes, on trouve un renseignement assez précieux : « Jamais, dit-il, dans une seule année l'on ne vit tant de belles pièces de théâtre et le fameux Molière ne nous a point trompés dans l'espérance qu'il nous avait donnée, il y a tantôt quatre ans, de faire représenter au Palais-Royal une pièce comique de sa façon qui fût tout à fait achevée «.    Ce serait donc en 1668, sans doute après l'Avare, que Molière aurait promis cette comédie « tout à fait achevée «, c'est-à-dire écrite en vers, comme le souhaitaient alors les bons juges, et plus soignée dans le détail que les pièces qu'il était obligé de composer trop rapidement pour le roi.

« leur savoir.

Il a pu être ainsi conduit à voir surtout dans la passion récente pour l'étude une envie de briller, assezrépandue chez les femmes, une source d'agitation stérile. Il a craint que cette mode, inoffensive dans les hautes classes, ne se répandit dans la bourgeoisie et n'y troublâtplus d'un ménage en détournant les épouses et les mères de leurs devoirs naturels. Enfin il est probable qu'il y a eu et qu'on lui a signalé des exagérations et des affectations, comme celles de cettefâcheuse Mme du Buisson que Mlle de Scudéry avait ridiculisée sous le nom de Damophile ou de cette Phylippote queFuretière nous a montrée trônant dans une académie bourgeoise, affectant « de paraître savante avec unepédanterie insupportable » et qui, comme la plupart des personnages du Roman Bourgeois, a dû être dessinée sur unmodèle réel.

Et cela était du domaine de la comédie et particulièrement de celui de Molière, puisqu'il faisaitprofession d'attaquer tout ce qui sortait de l'ordre et de la mesure. En tournant en ridicule de telles prétentions, en se moquant du pédantisme, défaut offensant pour les autres, et dupédantisme chez les femmes, plus déplaisant encore, parce qu'il est en contradiction avec leur vrai caractère,Molière pouvait se sentir soutenu par une longue tradition classique.

Juvénal, Martial, Montaigne, Balzac, pour neciter que ceux-là, en avaient tracé des images peu flatteuses.

Tout récemment, Mlle de Scudéry, dans le dixièmetome du Grand Cyrus, avait dressé, comme un épouvantail, la figure désagréable de Damophile. Mais il se sentait bien plus soutenu encore par l'idée qu'il se trouverait d'accord avec la quasi-unanimité de sescontemporains et de ses contemporaines.

Un auteur comique ne peut guère songer à remonter le courant del'opinion ; Molière, en tout cas, ne s'y est jamais risqué.

Lorsqu'il a joué les Précieuses, elles étaient tout à faitdiscréditées. Lorsqu'il a composé les Femmes Savantes, depuis plus d'un demi-siècle les lois strictes de la bienséance imposaientaux dames qui voulaient pousser un peu loin leurs études l'obligation de dissimuler leur savoir. Chapelain, lui-même, que, sur la foi de Boileau, on se représente volontiers comme un pédant, Chapelain n'a jamaismanqué de condamner la pédanterie, « qui se trouve aussi bien, dit-il, parmi les femmes que parmi les hommes ».Mlle de Scudéry répétait qu'il était aussi fâcheux pour une dame « d'être incommode par une suffisance impertinenteque par une stupidité ennuyeuse ».

Saint-Evremond écrira plus tard : « La science peut s'acquérir avec les savantsde profession, le bon usage de la science ne s'acquiert que dans le monde ».

Dans le groupe des femmes instruitesla consigne était d'être modeste. L'abbé Perrin félicite la comtesse d'Esche de « borner son étude aux belles-lettres, par les raisons de bienséance dusexe, contre son inclination vive et curieuse qui la porterait autrement aux sciences les plus subtiles et les plusrelevées ».

Mlle de Villenne est moins louée par une amie de sa connaissance de l'italien et du latin que de ladiscrétion avec laquelle elle cache ces talents précieux.

Mlle de li Vigne, la philosophe, n'ose donner aux vers latinsde l'abbé Fléchier que des « approbations fort secrètes » ; elle se félicite, dans une pièce de vers, de n'avoir « d'unvieux docteur ni l'air ni la façon ».

Mlle de Rochechouart, fille du duc de Vivonne, est surprise par Huet, aux eaux deBourbon, en train de lire en cachette, dans un petit bois, le Criton de Platon dans le texte grec.

Bussy-Rabutin écrità Conrart, en 1669, qu'à Sainte-Reine il a découvert un trésor : c'est Mlle Dupré, fille d'un rare mérite, qu'il admiresurtout parce que, « sachant infiniment de choses, elle ne se fait fête de rien ».

La même année, le chevalier deMéré, considéré longtemps comme le juge le plus délicat des convenances, note dans ses Conversations : « L'espritest toujours de bon commerce et même les femmes selon mon sens n'en sauraient trop avoir, mais la plupart dumonde n'approuve pas qu'elles soient si savantes, ou du moins que cela paraisse ». Il serait aisé de multiplier ces témoignages : il était assez normal, à cette époque, de faire suivre tout complimentqu'on faisait à une dame sur ses connaissances d'un second compliment sur sa modestie. Ce consentement presque universel prouve évidemment que les femmes qui étaient en train de s'instruire auraientpu se passer de l'avertissement que Molière allait leur donner : la société elle-même, qui avait imposé la règle, avaitle moyen de réprimer les écarts. Il montre aussi que Molière n'avait pas à craindre d'être désapprouvé sur ce point par les gens du monde. Pour les bourgeois du parterre, dont il ne dédaignait certes pas les suffrages, il était plus certain encore de lescontenter en ridiculisant sur le théâtre des ambitions qui leur paraissaient assurément très déraisonnables. * * * Il est probable que Molière a eu une autre raison, plus personnelle et peut-être plus forte, d'écrire sa comédie desFemmes Savantes.

Il est permis de croire qu'en en dessinant dans sa pensée la première esquisse il songeait déjà ày encadrer Trissotin. Ce qu'il avait pu savoir des jugements portes sur lui par une partie de l'aristocratie féminine l'avait, nous l'avons vu,fort mal disposé à son égard.

Mais c'étaient les auteurs préférés de ces dames, leurs galants versificateurs qui lesavaient excitées contre lui : plusieurs, semblables au M.

Lysidas de la Critique de l'Ecole des Femmes, l'avaient. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles