Devoir de Philosophie

Y a-t-il quelque chose que le langage ne puisse dire ?

Publié le 06/09/2004

Extrait du document

langage

Et c'est là précisément, on va le voir, l'idée à laquelle l'exigeante conception de Hegel s'opposait fermement.                              « Quelle est la fonction primitive du langage? C'est d'établir une communication en vue d'une coopération. Le langage transmet des ordres ou des avertissements. Il prescrit ou il décrit. Dans le premier cas, c'est l'appel à l'action immédiate; dans le second, c'est le signalement de la chose ou de quelqu'une de ses propriétés, en vue de l'action future. Mais, dans un cas comme dans l'autre, la fonction est industrielle, commerciale, militaire, toujours sociale. Les choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain. Les propriétés qu'il signale sont des appels de la chose à une activité humaine. Le mot sera donc le même, comme nous le disions, quand la démarche suggérée sera la même, et notre esprit attribuera à des choses diverses la même propriété, se les représentera, les groupera enfin sous la même idée, partout où la suggestion du même parti à tirer, de la même action à faire, suscitera le même mot.

langage

« I.

Il y a quelque chose que le langage ne peut dire (on reprendra à son compte la conception bergsoniennede l'ineffable en la formulant en fonction du libellé du sujet.

On évoquera aussi le divin, le transcendant). ¨ Bergson et le mot-étiquette. Le langage n'est-il qu'une médiation, un obstacle, entre langage et pensée, langage & réalité, ou peut-il se comporter en intermédiaire fidèle ?N ‘arrivons-nous à penser qu'en dépit des mots, que malgré le langage ? Bergson est un remarquable interprète de la thèse selon laquelle le langage fait obstacle à la pensée : sa conception des rapports entre la vie et la réalité fournit le sol propice à cettethèse ; elle sera en effet le socle de sa distinction entre langage et pensée. La vie, au sens où l'entend Bergson , est action, et s'oppose à la réalité qu'elle nous empêche de voir.

Si vivre, c'est agir, c'est choisir : c'estdonc sélectionner ce qui répond en besoin, et élaborer des choses uneconception qui dépend des besoins.

Dans l'action et pour remplir les besoinsde la vie, nous concevons les choses selon un temps spatialité alors que laréalité est pure durée.

Nous organisons la vie autour d'habitudes alors que lavraie vie est création continue d'imprévisible nouveauté.

Enfin nous larégissons à partir d'idées générales abstraites alors que la durée, la vie nepeuvent être l'objet que d'une intuition. Par conséquent, ce n'est pas seulement la vie qui nous masque la vraie réalité, c'est aussi le langage, puisque celui-ci est un des moyens par lesquels nous manquons la réalité.

Donc le langage ne fait que renforcer quelque chose d'inscrit dans les besoins dela vie, et qui nous éloigne de la réalité.

Le langage est un instrument de l'intelligence, mais il trahit à la fois la réalitéet la pensée. On comprend mieux dans ces conditions que Bergson définisse le mot comme un « voile ».

Le mot jette sur la chose un obstacle qui ne la laisse qu'à demi visible.

On ne peut plus que deviner la chose à travers le mot : lamétaphore du masquage ajoute ici l'idée d'une dissimulation volontaire.

Le langage renforce donc bien le systèmed'habitude des besoins.

En quoi maintenant le mot obscurcit-il la chose ? Le langage n'est capable de désigner quece qui est utile à l'action, donc d'une chose il ne dit que des généralités : il ne renvoie qu'au genre de la chose.

Lemot oublie les différences, il ne permet que la fixation des généralités : c'est la raison pour laquelle Bergson défend la théorie du mot-étiquette.

Le mot renvoie à une classe d'objets, mais parmi cette classe, il manque la différencespécifique de tel objet de cette classe : le langage a donc tendance à égaliser les contours de toutes choses dansune même classe, manquant par là la mobilité qui est la marque de la vraie réalité, et qui plus est nous habituant àne plus la penser.

En conséquence, la pensée et le langage deviennent hétérogènes et même ennemis : « la pensée demeure incommensurable avec le langage » : il n'y a plus entre eux de commune mesure. Le mot a de ce fait trop souvent tendance à n'être que ce que Bergson appelle un « concept rigide », incapable de saisir la souplesse de la réalité.

Les pires théories du scientisme sont donc à mettre au débit dulangage, en tant que celui-ci se fait le véhicule des conceptions les plus figeantes : le temps homogène est unevéritable idole du langage.

Le scientisme peut être compris comme un verbalisme.

Le langage, donc n'est générateurque d'idées générales, dont il faut aussi peu attendre qu'il nous montre la vraie réalité qu'il ne faut attendre debillets de banque qu'ils renvoient à un objet stable et défini.

Le langage apparaît ici comme une convention aussiraide dans son essence qu'elle est fragile dans son existence. Cependant, ce n'est pas seulement à partir du mot comme voile ou comme étiquette que Bergson rend compte des rapports du langage et de la pensée.

Le langage, dans le droit fil des définitions qui précèdent, paraîtn'être finalement plus qu'un « réflexe », et cependant il n'en a pas toujours été ainsi.

En effet, le langage dans son état originel était capable de renvoyer aux choses sans les voiler ou les étiqueter.

« Le langage même [...] est fait pour désigner des choses et rien que des choses : c'est seulement parce que le mot est mobile, parce qu'il chemined'une chose à une autre, que l'intelligence devait tôt ou tard le prendre en chemin ».

Le langage est à l'origine fait pour les choses, ce qui veut dire à la fois qu'à l'origine il ne saurait désigner des genres des genres ne s'adapteraitpas à des sentiments personnels, et que le langage n'a pas toujours été investi par l'intelligence pour être un moyenà sa discrétion : par conséquent, le langage a aussi su désigner les choses.

Mais l'intelligence a trouvé en lui un bonmoyen d'arriver à ses fins et se l'est approprié, étendant aux états de conscience ce qui ne pouvait valoir que pourles choses.

Néanmoins, le langage fait ici preuve d'autres virtualités : il est peut-être possible d'écarter le rôle del'intelligence pour redonner au langage une certaine positivité. C'est ce que l'exemple de l ‘écrivain nous permet de penser.

En effet, Bergson définit (dans « Le Rire ») l'art comme « une vision plus directe de la réalité ».

Or, il y a bien des arts, littérature, poésie, qui emploient le langage : donc le langage peut lui aussi permettre de voir la réalité et donc de penser.

La question se présente là aussi enapparence sous forme de paradoxe : le rôle de l'écrivain consiste « à nous faire oublier qu'il emploie des mots ». Ecrirait-on malgré les mots ? C'est qu'il y a dans le mot quelque chose qui transcende virtuellement l'usage quenous en faisons habituellement : c'est ce que Bergson appelle sa mobilité, c'est-à-dire son adaptivité à la chose. On peut comprendre cela de deux manières :. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles