Devoir de Philosophie

Quelques citations recueillies dans les œuvres de Gilles Deleuze

Publié le 14/08/2012

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deleuze

 

 

Nietzsche et la philosophie

(Bibliothèque de philosophie contemporaine - P.U.F. 9ème édition 1995)

 
  •  " Nietzsche présente le but de sa philosophie: libérer la pensée du nihilisme et de ses formes. Or cela implique une nouvelle manière de penser, un bouleversement dans le principe dont dépend la pensée, un redressement du principe généalogique lui-même, une " transmutation ". " [page 40]
  • " Tout dépend de la valeur et du sens de ce que nous pensons. Les vérités, nous avons toujours celles que nous méritons en fonction du sens de ce que nous concevons, de la valeur de ce que nous croyons. " [page 118]
  • " La philosophie sert à attrister. Une philosophie qui n’attriste personne et ne contrarie personne n’est pas une philosophie. Elle sert à nuire à la bêtise, elle fait de la bêtise quelque chose de honteux. " [page 120]
  • " Penser n’est jamais l’exercice naturelle d’une faculté. " [page 123]
  • " Une nouvelle image de la pensée signifie ceci: le vrai n’est pas l’élément de la pensée. L’élément de la pensée est le sens et la valeur. Les catégories de la pensée ne sont pas le vrai et le faux, mais le noble et le vil, le haut et le bas, d’après la nature des forces qui s’emparent de la pensée elle-même. "[page 119]
  • " Une pensée qui irait jusqu’au bout de ce que peut la vie, une pensée qui mènerait la vie jusqu’au bout de ce qu’elle peut. Au lieu d’une connaissance qui s’oppose à la vie, une pensée qui affirmerait la vie "[...] " Penser signifierait ceci: découvrir, inventer de nouvelles possibilités de vie "[page 115]

Différence et répétition

(Epiméthée - P.U.F. 8ème édition janvier 1996)

 

  • " Ce qui est premier dans la pensée, c’est l’effraction, la violence, c’est l’ennemi, et rien ne suppose la philosophie, tout part d’une misosophie. "[page 181]
  • " Les condition d’une véritable critique et d’une véritable création sont les mêmes: destruction de l’image d’une pensée qui se présuppose elle-même, genèse de l’acte de penser dans la pensée même "[page 182]
  • " La lâcheté, la cruauté, la bassesse, la bêtise ne sont pas simplement des puissances corporelles, ou des faits de caractère de société, mais des structures de la pensée comme telle. "[page 196]
  • " Les problème sont des épreuves et des sélections. L’essentiel est que, au sein des problèmes, se fait une genèse de la vérité, une production du vrai dans la pensée. Le problème c’est l’élément différentiel dans la pensée, l’élément génétique dans le vrai. "[page 210]
  • " Dès lors apparaissent mieux les conditions d’une philosophie qui serait sans présupposés d’aucune sorte: au lieu de s’appuyer sur l’Image morale de la pensée, elle prendrait son point de départ dans une critique radicale de l’Image et des " postulats " qu’elle implique. Elle trouverait sa différence ou son vrai commencement, non pas dans une entente avec l’Image préphilosophique, mais dans une lutte rigoureuse contre l’Image, dénoncée comme non-philosophie? Par là même, elle trouverait sa répétition authentique dans une pensée sans Image, fût ce au prix des plus grandes destructions, des plus grandes démoralisations, et d’un entêtement de la philosophie qui n’aurait plus pour allié que le paradoxe et devrait renoncer à la forme de la représentation comme à l’élément du sens commun. "[page 172-173]
  • " La pensée qui naît dans la pensée, l’acte de penser engendré dans sa génitalité, ni donné dans l’innéité ni supposé dans la réminiscence, est la pensée sans image. "[page 217]
  • " La théorie de la pensée est comme la peinture, elle a besoin de cette révolution qui la fait passer de la représentation à l’art abstrait; tel est l’objet d’une théorie de la pensée sans image. "[page 354]
  • " Un monde d’individuation impersonnelles, et de singularités pré-individuelles, tel est le monde du ON, ou du " ils ", qui ne se ramène pas à la banalité quotidienne, monde au contraire où s’établissent les rencontres et les résonances, dernier visage de Dionysos, vraie nature du profond et du sans fond qui déborde la représentation et fait advenir les simulacres. "[page 355]
  • " La tâche de la philosophie moderne a été définie: renversement du platonisme. "[page 82]
  • " Le sens et le but de la division, c’est la sélection des rivaux, l’épreuve des prétendants - non pas l’antiphasis mais l’amphisbétésis. "[page 84]
  • " La Différence n’est pas le négatif, c’est au contraire le non-être qui est la Différence: éteron, non pas énantion. C’est pourquoi le non-être devrait plutôt s’écrire (non-être), ou mieux encore ?-être. "[page 89]
  • " Renverser le platonisme signifie ceci: dénier le primat d’un original sur la copie, d’un modèle sur l’image. Glorifier le règne des simulacres et des reflets. "[page 92]
  • " Tout le platonisme est construit sur cette volonté de chasser les phantasmes ou simulacres, identifiés au sophiste lui-même ce diable, cet insinuateur ou ce simulant, ce faux prétendant toujours déguisé et déplacé. C’est pourquoi il nous semblait que, avec Platon, une décision philosophique était prise, de la plus grande importance: celle de subordonner la différence aux puissances du Même et du Semblable supposées initiales, celle de déclarer la différence impensable en elle-même, et de la renvoyer, elle et les simulacres, à l’océan sans fond. "[page 166]
  • " Mais qui peut croire que le destin de la pensée s’y joue, et que nous pensions, quand nous reconnaissons? "[page 176]
  • " Car le propre du nouveau, c’est-à-dire la différence, et de solliciter dans la pensée des forces qui ne sont pas celle de la récognition, ni aujourd’hui ni demain, des puissances d’un tout autre modèle, dans une terra incognita jamais reconnue ni reconnaissable. "[page 177]
  • " Ce qui est rencontré, ce sont les démons, puissance du saut, de l’intervalle, de l’intempestif ou de l’instant, et qui ne comblent la différence qu’avec du différent; ils sont des portes-signes. "[page 189]
  • " Penser, c’est créer, il n’y a pas d’autre création, mais créer, c’est d’abord engendrer " penser " dans la pensée. "[page 192]
  • " Le problème de la pensée n’est pas lié à l’essence, mais à l’évaluation de ce qui a de l’importance et de ce qui n’en a pas, à la répartition du singulier, du remarquable et de l’ordinaire, qui se fait tout entière dans l’innessentiel ou dans la description d’une multiplicité, par rapport aux événements idéaux qui constituent les conditions d’un " problème ". "[page 245]
  • Le structuralisme appelle à un nouveau théâtre non aristotélicien: " théâtre des multiplicités, qui à tous égards au théâtre de la représentation, qui ne laisse plus subsister l’identité d’une chose représentée, ni d’un auteur, ni d’un spectateur, ni d’un personnage sur scène, nulle représentation qui puisse à travers les péripéties de la pièce faire l’objet d’une récognition finale ou d’un recueillement du savoir, mais théâtre de problèmes et de questions toujours ouvertes, entraînant le spectateur, la scène et les personnages dans le mouvement réel d’un apprentissage de tout l’inconscient dont les derniers éléments sont encore les problèmes eux-mêmes. "[page 248]
  • " La manifestation de la philosophie n’est pas le bon sens, mais le paradoxe. Le paradoxe est le pathos ou la passion de la philosophie. "[page 293]
  • " Les qualités et les étendues, les formes et les matières, les espèces et les parties ne sont pas premières; elles sont emprisonnées dans les individus comme dans des cristaux. Et c’est le monde entier, comme dans une boule de cristal, qui se lit dans la profondeur mouvante des différences individuantes ou différences d’intensité. "[page 318]
  • " Ce qui est condamné dans le simulacre, c’est l’état des différences libres océaniques, des distributions nomades, des anarchies couronnées, toute cette malignité qui conteste et la notion de modèle et celle de copie. "[page 341]
  • " L’histoire ne passe pas par la négation, et la négation de la négation, mais par la décision des problème et l’affirmation des différences. "[page 344] 

Logique du sens

(Les éditions de minuit - Collection " critique " - 1969)

 
  •  " Car il y a une grande différence entre détruire pour conserver et perpétuer l’ordre établi des représentations, des modèles et des copies, et détruire les modèles et les copie pour instaurer le chaos qui crée, qui fait marcher les simulacres et lever un phantasme. La plus innocente de toutes les destructions, celle du platonisme. "[page 307]
  • " Il est donc agréable que résonne aujourd’hui la bonne nouvelle: le sens n’est jamais principe ou origine, il est produit. Il n’est pas à découvrir, à restaurer ni à ré-employer, il est à produire par de nouvelles machineries. Il n’appartient à aucune hauteur, il n’est dans aucune profondeur, mais effet de surface, inséparable de la surface comme de sa dimension propre. "[page 89-90]
  • " L’intempestif s’établit par rapport au plus lointain passé, dans le renversement du platonisme, par rapport au présent, dans le simulacre conçu comme le point de cette modernité critique, par rapport au futur, dans le phantasme de l’éternel retour comme croyance de l’avenir. "[page 306-307]
  • " Faire circuler la case vide, et faire parler les singularités pré-individuelles et non personnelles, bref produire le sens, est la tâche aujourd’hui. "[page 91]
  • " Renverser le platonisme signifie dés lors: faire monter les simulacres, affirmer leurs droits entre les icônes ou les copies. "[...] " Il s’agit de mettre la subversion dans ce monde, " Crépuscule des idoles ". "[page 302]
  • " Il suffit que nous nous dissipions un peu, que nous sachions être à la surface, que nous tendions notre peau comme un tambour, pour que la " grande politique " commence " [...] "  Faire circuler la case vide, et faire parler les singularités pré-individuelles et non personnelles, bref produire le sens, est la tâche aujourd’hui. "[page 91]
  • " L’idéalisme est la maladie congénitale de la philosophie platonicienne et, avec son train d’ascension et de chutes, la forme maniaco-dépressive de la philosophie même. "[page 152]
  • " Ou bien la morale n’a aucun sens, ou bien c’est cela qu’elle veut dire, elle n’a rien d’autre à dire: ne pas être indigne de ce qui nous arrive. Au contraire, saisir ce qui arrive comme injuste et non mérité (c’est toujours la faute de quelqu’un), voilà ce qui rend nos plaie répugnantes, le ressentiment en personne, le ressentiment contre l’événement. Il n’y a pas d’autre volonté mauvaise. Ce qui est vraiment immoral, c’est toute l’utilisation des notions morales, juste, injuste, mérite, faute. "[page 174]
  • Joe Bousquet: " Deviens l’homme de tes malheurs, apprends à en incarner la perfection et l’éclat. " " On ne peut rien dire de plus, jamais on n’a rien dit de plus: devenir digne de ce qui nous arrive, donc en vouloir et en dégager l’événement, devenir le fils de ses propres événements, et par là renaître se refaire une naissance, rompre avec sa naissance de chair. "[page 175]
  • " Et ce qui fait un destin au niveau des événements, ce qui fait qu’un événement en répète un autre malgré toute sa différence, ce qui fait qu’une vie est composée d’un seul et même Evénement malgré toute la variété de ce qui lui arrive, qu’elle est traversée d’une seule et même fêlure, qu’elle joue un seul et même air sur tous les tons possibles avec toutes les paroles possibles, ce ne sont pas des rapports de cause à effet, mais un ensemble de correspondances non causales, formant un système d’échos, de reprises et de résonances, un système de signes, bref une quasi-causalité expressive, non pas du tout une causalité nécessitante. "[page 199]
  • " Que tout soit si " compliqué ", que je soit un autre, que quelque chose d’autre pense en nous dans une agression qui est celle de la pensée, dans une multiplication qui est celle du corps, dans une violence qui est celle du langage, c’est là le joyeux message. "[in Klossowski ou le corps-langage - page 346] 

Le pli - Leibniz et le baroque

(Les éditions de minuit - collection " critique " - 1988)

 
  • " C’est avec Leibniz que surgit en philosophie le problème qui ne cessera de hanter Whitehead et Bergson: non pas comment atteindre à l’éternel, mais à quelles conditions le monde objectif permet-il une production subjective de nouveauté, c’est-à-dire une création? " " Le meilleur des mondes n’est pas celui qui reproduit l’éternel mais celui où se produit le nouveau, celui qui a une capacité de nouveauté, de cruauté: conversion téléologique de la philosophie. "[page 107]

A quoi reconnaît-on le structuralisme?

(La philosophie au 20ème siècle sous la direction de François Châtelet. Edition Marabout 1979.)

 
  •  " Aucun livre contre quoi que ce soit n’a jamais d’importance; seuls comptent les livres " pour " quelque chose de nouveau, et qui savent le produire. "[page 328 (dernière phrase)] 

Mille Plateaux

(En collaboration avec Félix GUATTARI - Les éditions de minuit - collection " Critique " - 1980)

 
  • "  Non pas en arriver au point où l’on ne dit plus je, mais au point où ça n’a plus aucune importance de dire ou de ne pas dire je. " [...] " Nous avons été aidés, aspiré, multipliés. "[page 9]
  • " En vérité, il ne suffit pas de dire Vive le multiple, bien que se cri soit difficile à pousser. " [...] " Le multiple, il faut le faire, non pas en ajoutant toujours une dimension supérieure, mais au contraire le plus simplement, à force de sobriété, au niveau des dimensions dont on dispose, toujours n -1 (c’est seulement ainsi que l’on fait partie du multiple, en étant toujours soustrait). " [...] " Un tel système pourrait être nommé rhizome. "[page 13]
  • " Nous sommes fatigués de l’arbre. " [...] " Beaucoup de gens ont un arbre planté dans la tête, mais le cerveau lui-même est une herbe beaucoup plus qu’un arbre. "[page 24]
  • " L’arbre ou la racine inspirent une triste image de la pensée qui ne cesse d’imiter le multiple à partir d’une unité supérieure, de centre ou de segment. "[page 25]
  • " Arriver à la formule magique que nous cherchons tous: PLURALISME = MONISME, en passant par tous les dualismes qui sont l’ennemi tout à fait nécessaire, le meuble que nous cessons de déplacer. "[page 31] 

Qu’est-ce que la philosophie?

(En collaboration avec Félix GUATTARI - Les éditions de Minuit - collection " Critique " - 1991)

 
  • " Les concepts ne nous attendent pas tout faits, comme des corps célestes. Il n’y a pas de ciel pour les concepts. Ils doivent être inventés, fabriqués ou plutôt crées, et ne seraient rien sans la signature de ceux qui les créent. "[page 11]
  • " Car suivant le verdict nietzschéen, vous ne connaîtrez rien par concepts si vous ne les avez pas d’abord crées, c’est-à-dire construits dans une intuition qui leur est propre: un champs, un plan, un sol, qui ne se confond pas avec eux, mais qui abrite leurs germes et les personnages qui les cultivent. Le constructivisme exige que toute création soit une construction sur un plan qui lui donne une existence autonome. "[page 12]
  • " Les concepts philosophiques sont des tous fragmentaires qui ne s’ajustent pas les uns les autres, puisque leurs bords ne coïncident pas. Ils naissent de coups de dés plutôt qu’ils ne composent un puzzle. "[page 38]
  • " La philosophie est un constructivisme, et le constructivisme a deux aspects complémentaires qui diffèrent en nature: créer des concepts et tracer un plan. Les concept sont comme les vagues multiples qui montent et qui s’abaissent, mais le plan d’immanence est la vague unique qui les enroule et les déroule "[page 38]
  • " Le plan d’immanence n’est pas un concept pensée ni pensable, mais l’image de la pensée, l’image qu’elle se donne de ce que signifie penser, faire usage de la pensée, s’orienter dans la pensée... "[page 39]
  • " Ce que la pensée revendique en droit, ce qu’elle sélectionne, c’est le mouvement infini ou le mouvement de l’infini. C’est lui qui constitue l’image de la pensée. "[page 40]
  • " La philosophie est devenir, non pas histoire; elle est coexistence de plans, non pas succession de systèmes. "[page 59]
  • " Toute pensée est un FIAT, émet un coup de dés: constructivisme. "[page 73]
  • " Tracer, inventer, créer, c’est la trinité philosophique. Traits diagrammatiques, personalistiques et intensifs. "[page 74]
  • " La philosophie ne consiste pas à savoir, et ce n’est pas la vérité qui inspire la philosophie, mais des catégories comme celles d’Intéressant, de Remarquable ou d’Important qui décident de la réussite ou de l’échec. Or on ne peut pas savoir avant d’avoir construit. "[page 80]
  • " Bref, le chaos a trois filles suivant le plan qui le recoupe: ce sont les chaoïdes, l’art, la science et la philosophie, comme formes de la pensée ou de la création. On appelle chaoïdes les réalités produites sur des plans qui recoupent le chaos. "[page 196]

Empirisme et subjectivité

(Epiméthée - P.U.F. - mai 1993)

  • " Le fond de l’esprit est délire, ou, ce qui revient au même à d’autres points de vue, hasard, indifférence. "[page 4]
  • " L’esprit est identique à l’idée dans l’esprit. "[page 93]
  • " L’habitude est la racine constitutive du sujet, et ce que le sujet est dans sa racine, c’est la synthèse du temps, la synthèse du présent et du passé en vue de l’avenir.[page 101]

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