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En quels sens peut on dire d'autrui qu'il est à la fois le plus proche et le plus lointain ?

Publié le 29/08/2005

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IV. - LA RÉALITÉ DES FAITS.Des raisons multiples nous empêchent de nous saisir authentiquement. Outre celles déjà énoncées, de nombreux écrans comme l'orgueil, l'ambition, l'amour propre, l'égoïsme, la peur de se trouver en face de soi s'y opposent.Ensuite, il semble qu'une étude trop poussée de soi-même appauvrit davantage la connaissance de notre être psychique. Jouffroy et Alain ont bien insisté là-dessus.Il ne faut point se tromper. L'introspection, même fouillée, peut traduire quelques aspects de notre être, mais jamais, notre personnalité intégrale.De plus, quand il s'agit de nous, notre manque d'indépendance entraîne une déformation inévitable du phénomène considéré. Non seulement nous ne sommes pas le spectateur impartial et désintéressé qui voit le réel tel qu'il est, mais notre regard trouble ce que nous regardons.

On pense pouvoir rendre compte ou expliquer un comportement en le disant naturel. Une telle tentative de justification est-elle pertinente, judicieuse voire souhaitable ? Le naturel est-il normal ? Est-il susceptible de fournir des normes à notre agir ? Le caractère naturel, cad spontané d'un acte suffit-il à le rendre légitime ? Il s'agit donc de mesurer ici la pertinence de l'idée selon laquelle il faut « vivre selon la nature «, pour reprendre une expression des philosophes de l'Antiquité, en s'interrogeant à la fois sur l'essence de la norme et le rapport de l'homme à la nature.    Qu'impliquerait le fait de chercher les normes de nos actions dans la nature ? La nature est liée à une certaine forme de spontanéité, de réflexe, d'instinct – chercher par exemple dans la nature la norme de l'action exigée par la sensation de faim impliquerait que l'on mange à la moindre sensation de faim. Or, pour rester dans notre exemple, nous mangeons généralement à heures fixes, normées : nous allons chercher la norme de l'action de manger dans autre chose que la nature, en fait, dans les exigences d'une vie sociale, d'une vie en communauté.  Il s'agira d'interroger la pertinence de cette attitude qui revient à construire la norme en fonction d'exigences communautaires proprement humaines, au lieu de se contenter de suivre la nature.  Un comportement peut être dit naturel, sans pour autant être conforme aux exigences d'une morale philosophiquement légitime. La notion même de norme est étrangère à la nature. Pour l'homme, ce qui est naturel, c'est de pouvoir ne pas accepter les déterminations naturelles.

« paradoxal que cela semble, notre être reste lointain pour nous parce qu'il est précisément trop près de nous.La psychologie parle de la pluralité des « moi ».

Si étrange que cela paraisse, un même individu peut, en effet, avoirplusieurs « moi » car les différents éléments qui constituent sa personnalité né « se fondent pas toujours en unesynthèse unique ».Il existe aussi des synthèses partielles.

Il est facile d'observer simultanément ou successivement, des « moi »différents dans la vie de l'homme normal.

Dans la Synthèse Mentale, le psychologue Dwellshauwers écrit : « Lanature nous prépare intérieurement à toute espèce de destinée.

Ce sont les circonstances dans lesquelles nousnous trouvons qui décident de celle qui l'emportera, c'est-à-dire, de la personnalité prédominante.

Mais, les autresne s'anéantissent jamais entièrement.

» C'est ce qui explique que « l'homme qui passe pour le plus égal et le plusrégulier », ne manifeste pas en même temps tout ce qui le caractérise au point que, suivant les moments, onpourrait croire avoir affaire à un autre individu.

Ainsi, suivant « le rôle qu'il remplit, l'officier peut être froid, sévère etmême dur, — c'est son moi militaire —, ou bien affectueux, indulgent et même faible, — c'est son moi familial.

»Les circonstances peuvent aussi changer le caractère et donner l'impression qu'on n'est plus le même.

La colère, lamaladie, provoquent parfois des états qui font qu'on ne se reconnaît pas.L'imagination aussi joue un rôle prépondérant dans ces transformations de notre personnalité.

M.

Proust confesse,dans le Temps Retrouvé, « Je n'étais pas un seul homme, mais le défilé, heure par heure, d'une armée compacte oùil y avait, selon le moment, des passionnés, des indifférents, des jaloux.

» Dans son Journal Intime, Amiel, l'a mieuxmis en relief que personne.

« Il y a dix hommes en moi, suivant les temps, les lieux, l'entourage et l'occasion; jem'échappe dans ma diversité mobile.

Je me sens caméléon, caléidoscope, protée, muable et polarisable de toutesfaçons, fluide, virtuel, par conséquent, latent même dans mes manifestations, absent même dans mareprésentation.

»Nous laissons de côté les changements de personnalité dûs aux narcotiques comme l'opium ou le haschich et mêmel'alcool fort.

La psychologie pathologique insiste sur les phénomènes d'autoscopie ou d'héautoscopie qui ne sontautres que la vision de soi-même, durant lesquels on assiste à un étrange dédoublement de la personnalité humaine.L'individu se voit lui-même devant soi.

Les courts vers de Musset, extraits de la Nuit de Décembre, le suggèrent bien:"Devant ma table vint s'asseoir Un étranger vêtu de noirQui me ressemblait comme un frère."G.

de Maupassant aussi, au cours de la maladie qui devait l'emporter, vit c" entrer sa propre personne » qui s'assiten face de lui et lui dicta ce qu'il devait écrire. IV.

— LA RÉALITÉ DES FAITS. Des raisons multiples nous empêchent de nous saisir authentiquement.

Outre celles déjà énoncées, de nombreuxécrans comme l'orgueil, l'ambition, l'amour propre, l'égoïsme, la peur de se trouver en face de soi s'y opposent.Ensuite, il semble qu'une étude trop poussée de soi-même appauvrit davantage la connaissance de notre êtrepsychique.

Jouffroy et Alain ont bien insisté là-dessus.Il ne faut point se tromper.

L'introspection, même fouillée, peut traduire quelques aspects de notre être, maisjamais, notre personnalité intégrale.De plus, quand il s'agit de nous, notre manque d'indépendance entraîne une déformation inévitable du phénomèneconsidéré.

Non seulement nous ne sommes pas le spectateur impartial et désintéressé qui voit le réel tel qu'il est,mais notre regard trouble ce que nous regardons.

Inversement, ce que nous regardons altère la sûreté de notreregard.

On ne peut pas vivre et, en même temps, se regarder vivre.Il n'en est pas de même quand il s'agit d'autrui, surtout si autrui ne se sait pas observé.

Ses actions, paroles,changements de conduite sont assez révélateurs de sa personnalité psychique.

Dans ce cas, il est possible quenous connaissions les autres mieux que nous-mêmes.Au surplus, une autre source d'illusions dans la connaissance de soi-même résulte du manque de distinction entre leréel et l'imaginaire.

Lorsqu'un autre me parle de lui, je distingue facilement ce qu'il est en réalité, ses projetsd'avenir, ce qu'il croit être et ce qu'il s'efforce de paraître.Bien entendu, je vis plus intensément que personne ce dont je rêve, ce que j'imagine de moi.

Tout cela m'est siintime et si proche que la réalité véritable s'éloigne de moi et me devient étrangère.Enfin, il y a dans la connaissance de soi-même une sorte de manque d'objet.

Je suis un objet pour les autres etceux-ci sont des objets pour moi.

De là vient qu'ils me connaissent mieux que je me connais et que je les connaismieux qu'ils se connaissent.

Quand je parle de moi, quand je prétends m'observer pour me connaître, ce que jeprends pour ma personne n'est pas mon être réel mais, plutôt l'idée que je m'en forge.

Tout cela me maintient bienloin de moi.

L.

Lavelle écrit : c" Il n'y a rien qui nous soit plus inconnu que l'être que nous sommes.

» V.

— CONCLUSION. En réalité, il n'y a aucune contradiction à affirmer que l'homme est à la fois, pour lui-même, l'être le plus proche et leplus lointain.

»Quand il s'agit d'expérience vécue, rien n'est plus proche de l'homme que lui-même.

Mais, sur le plan del'introspection pure, l'homme reste assez loin de lui-même.. »

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