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LA QUERELLE D'Andromaque.

Publié le 30/04/2011

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andromaque

Andromaque fut jouée à la cour, dans l'appartement de la reine le 17 novembre 1667. La Gazette et la Gazette de Robinet nous permettent de tenir la date pour certaine. Nous ignorons, mais cela importe peu, s'il y eut, quelques jours auparavant, une représentation « à la ville «. Le succès fut sans aucun doute très grand. Racine écrit dans sa première Préface : «le public m'a été trop favorable pour m'embarrasser du chagrin particulier de deux ou trois personnes... «. En lui-même le témoignage serait insuffisant. Il est fréquent que les préfaces des pièces, le plus souvent imprimées après l'achèvement de premières représentations, grossissent un succès moyen ou même médiocre.

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« accepté la critique de Subligny en remplaçant ces quatre vers par ceux-ci : Quittez, Seigneur, quittez ce funeste langage.A des soins plus pressants la Grèce vous engage.Que parlez-vous du Scythe et de mes cruautés ?Songez à tous ces rois que vous représentez...Dans la même scène Oreste disait d'abord à Hermione :Ainsi donc, il ne me reste rienQu'à venir prendre ici la place du Troyen.Nous sommes ennemie lui des Grecs, moi le vôtre.Pyrrhus protège l'un ; et je vous livre l'autre. « Galimatias » dit un des personnages de la Folle querelle.

Et il faut convenir que ce propos d'Oreste est à peu prèsinexplicable.

Hermione vient de dire à Oreste qu'il n'est pas venu en Epire pour lui parler d'elle et lui tenir des proposd'amour gémissant, mais pour exécuter la grave mission dont les Grecs l'ont chargé.

«Je n'ai plus de mission, répliqueOreste ; Pyrrhus refuse de livrer Astyanax ».

« L'infidèle ! » crie Hermione.

Nos quatre vers signifient sans doute : «Revenons à mon amour.

Les Grecs haïssent le troyen Astyanax ; mais Pyrrhus le protège et il leur échappe ; mais ily a un autre ennemi qu'on hait, que vous haïssez, qui est moi ; et celui-là il n'échappe pas, je vous le livre ».

Il fautconvenir que c'est pour le moins du galimatias simple et Racine n'a pas eu tort de corriger :Ainsi donc, tout prêt à le quitter Sur mon propre destin je viens vous consulter.

Déjà même je crois entendre laréponse Qu'en secret contre moi votre haine prononce.Assurément toutes les critiques de style de Subligny ne sont pas aussi pertinentes.

Elles sont souvent des chicanes.Mais critiques justifiées ou chicanes confirment ce que nous avons dit plus haut : en fuyant le galimatias, enrecherchant la clarté et la justesse, Racine ne fait que suivre ce qui commence à être l'exigence de tout son temps.Les préfaces de Racine répondent à une autre objection qui est également un beau sujet de discussions pour lesdoctes : c'est celle de la vérité ou de la vraisemblance historique.

Racine a toujours eu, à cet égard, des scrupules.Il se vante dans la première préface d'avoir rendu ses personnages « tels que les anciens poètes nous les ontdonnés ».

Il insiste dans la seconde en justifiant la hardiesse qu'il a eue de « faire vivre Astyanax un peu plus qu'iln'a vécu », en alléguant les libertés d'Euripide, d'Homère, de Sophocle : « il ne faut point s'amuser à chicaner lespoètes pour quelques changements qu'ils ont pu faire dans la fable ».

Les préfaces de Britannicus, de Bajazet, deMithridate, d'Iphigénie, de Phèdre présenteront de semblables justifications.

Nous penserions aujourd'hui que lesraisons de Racine comme les objections de ses critiques sont vaines et que le poète n'a qu'une obligation, celle dene pas heurter trop directement ce qu'il y a de plus connu dans les légendes antiques.Plus intéressante est la discussion qui s'engagea sur le caractère de Pyrrhus et dont la première préface se faitl'écho : « Encore s'est-il trouvé des gens qui se sont plaints qu'il s'emportât contre Andromaque et qu'il voulûtépouser cette captive à quelque prix que ce fût.

J'avoue qu'il n'est pas assez résigné à la volonté de sa maîtresseet que Céladon a mieux connu que lui le parfait amour.

Mais que faire ? Pyrrhus n'avait pas lu nos romans.

II étaitviolent de son naturel.

Et tous les héros ne sont pas faits pour être des Céladons ».

Ces gens étaient peut-être legrand Condé (nous avons dit que l'anecdote est suspecte), c'était assurément Subligny qui reproche à Pyrrhus dene pas se conduire « en honnête homme ».

Par contre, si l'on en croit l'épigramme de Racine, Créqui aurait reprochéà Pyrrhus d'« aimer trop sa maîtresse ». Nous serions plutôt d'accord avec Créqui ; et nous dirions non pas qu'il aime trop sa maîtresse mais qu'il lui exprimeparfois son amour en « termes galants ».

Créqui avait raison de s'étonner.Toutes ces critiques ont, en elles-mêmes, peu d'importance.

D'abord parce qu'elles n'intéressent que des détails.

Etpuis parce qu'elles n'ont eu aucune influence sur Racine : Il continuera à prendre, en apportant ses raisons, deslibertés avec l'histoire.

Il continuera, de bonne foi, à nous présenter des jeunes premiers héroïques qu'il croira n'êtrepas des Céladons et qui parleront d'amour comme s'ils étaient des lecteurs du Grand Cyrus ou de la Clèlie.

CommePyrrhus, Achille, Xipharès, Hippolyte et même Britannicus ou Antiochus seront non pas insuffisamment maisbeaucoup trop des amants « honnêtes gens ».

Par contre, on oppose à Andromaque une critique beaucoup plusessentielle et dont l'action sur Racine a été considérable.

On la trouve dans les lettres de Saint-Evremond, chezMme de Sévigné ou, dispersée, dans la Folle Querelle : « A peine, écrit Saint-Evremond, ai-je eu le loisir de jeter lesyeux sur Andromaque et sur Attila ; cependant il me paraît qu'Andromaque a bien de l'air des belles choses ; il nes'en faut presque rien qu'il y ait du grand.

Ceux qui n'entreront pas assez dans les choses l'admireront ; ceux quiveulent des beautés pleines y chercheront je ne sais quoi qui les empêchera d'être tout à fait contents...Mais, à tout prendre, c'est une belle pièce et qui est fort au-dessus du médiocre, quoiqu'un peu au- dessous dugrand », ou encore : « Ceux qui m'ont envoyé Andromaque m'ont demandé mon sentiment.

Comme je vous l'ai dit,elle m'a semblé très belle ; mais je crois qu'on peut aller plus loin dans les passions et qu'il y a encore quelque chosede plus profond dans les sentiments que ce qui s'y trouve ; ce qui doit y être tendre n'y est que doux et ce qui doitexciter de la pitié ne donne que de la tendresse.

Cependant, à tout prendre, Racine doit avoir plus de réputationqu'aucun autre, après Corneille ».

Les derniers mots éclairent les deux jugements.

Saint-Evremond compareAndromaque aux pièces de Corneille et il préfère Corneille.

Les « beautés pleines », le véritable « grand » c'est latragédie des « grands intérêts », des volontés forcenées mises au service d'une ambition héroïque, celle del'honneur, du salut de la patrie, du salut éternel mais aussi bien de la conquête ou de la conservation du pouvoir,c'est le Cid, Horace, Cinna (peut-être Polyeucte) mais aussi bien la Mort de Pompée, Rodogune, Sphonisbe, Othon,Attila.

Ne nous étonnons pas de voir Saint-Evremond reprocher à Racine de n'être pas allé assez loin dans les. »

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