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Qui est le je ?

Publié le 20/02/2005

Extrait du document

Qui est le je ?   Ce sujet pose la question de l'identité du "je" lorsque nous l'utilisons dans un énoncé. Grammaticalement, "je" est un pronom personnel sujet. En posant la question "qui", nous sommes invités à répondre en assimilant le je à une personne. Nous verrons en quoi cela est discutable.   1) "Je", c'est moi.   Descartes, seconde méditation : "je suis une chose qui pense"   Le "je" renvoie à un "moi". "J'ai faim", "je suis né à Königsberg", le je désigne l'individu qui s'exprime. Je, sujet d'un énoncé, renvoie vers un référent tenu pour évident : la personne qui parle ou qui écrit. Tout énoncé ayant je pour sujet dit quelque chose de la personne qui s'exprime, sensations, émotions, pensées.

« devant (ob) moi.

Ce processus nous autorise alors à dire que «par là, il est une personne» qui se distingue de tousles changements perçus, grâce à l'idée de l'unité et de la permanence de son moi. Ce à quoi s'oppose cet extrait: Kant s'oppose ici à tous ceux qui prêtent, tel le philosophe Condillac au 18e siècle, une conscience et des penséessecrètes aux animaux.

Qui nous dit, demandait Condillac, que les insectes (les fourmis, par exemple, si prévoyanteset organisées) ne discutent pas dans une langue inconnue des hommes ? Et déjà, au 17e siècle, Montaigne évoquaitdans les Essais l'histoire de cet éléphant amoureux d'une jeune fleuriste...L'analyse de Kant pose que les spéculations de ce genre sont vaines.

L'homme, et lui seul, peut se penser comme«une seule et même personne» et ne se confond pas avec la multiplicité des sensations qu'il reçoit.

Cette pensée leplace à un rang bien différent de celui des animaux, qui ne possèdent pas la conscience de soi.Mais qu'en est-il de l'enfant, voire du nourrisson, qui ne peut pas encore prononcer ce mot «Je» et qui ne reconnaîtmême pas son image dans un miroir ? En un certain sens, tant qu'il n'a pas encore atteint cette conscience de soique rend possible la représentation de l'unité du « Je », l'enfant n'a pas encore pleinement réalisé son étatd'humanité.

Humain potentiel, il ne sedémarquera définitivement de l'animal que par cette conscience même.Il faut remarquer, nous précise Kant, que l'enfant sait déjà parler assez correctement avant d'avoir pleinementatteint ce stade, puisque ce n'est qu'assez tard («peut-être un an après») qu'il commence à dire «Je ».Auparavant, il parlait de lui à la troisième personne, reprenant les formules du discours de la mère (« Pierre a faim?»), sans pouvoir les rapporter à la conscience de son moi.D'une certaine manière, il ne se distingue pas encore du monde extérieur, il n'est pas face au monde, phénomèneque les psychologues du 20e siècle qualifieront, bien après l'analyse de Kant, de phase du « moi-tout» ou du «moi-univers», par opposition au «moi-je».

Dans cette phase d'indistinction, l'enfant ne se pense pas encore, il se «sent»dans la présence des sensations qui l'assaillent, mais sans s'en distinguer comme sujet.

Le moment décisif, celui dupassage à son humanité effective, coïncide bien avec cette possibilité, articulée à la parole, de se désigner lui-même en disant « Je».

3) "je" est un autre.

Freud : "le moi n'est pas maître dans sa propre maison" Creusant encore cette dissociation entre notre conscience et notre être individuel, Rimbaud, par exemple, dans unelettre à Demeny, affirme :"j'assiste à l'éclosion de ma pensée".

En posant l'impuissance de la volonté consciente à maîtriser pensées etactions, il ouvre la voie à la pensée de Nietzsche comme à la psychanalyse.

Pour Freud comme pour Nietzsche, laprétention de la conscience à résumer l'individu est totalement infondée et se voit démentie par les actes manqués,les rêves ou encore les symptômes névrotiques.

Le "je" de la pensée consciente n'est jamais qu'un point de vue surnous-mêmes, qui est loin de tout savoir et de toute maîtriser, et qui est en particulier incapable d'accéder auxcontenus inconscients, pourtant ceux qui nous animent réellement, selon Nietzsche et Freud.

Le "je" qui pense n'estdonc pas nous-mêmes à proprement parler, non pas que nous soyons aliénés par notre inconscient, mais bien parnotre conscience ! Le je de la pensée consciente est partial et nous donne une illusion de personnalité. Freud va être amené à concevoir que bon nombre de maladies, mais aussi d'actes quotidiens s'expliquent si l'on admet l'hypothèse de l'inconscient.

Il yaurait en nous u « réservoir » de forces et de désirs (ou pulsions) dont nous n'aurions pas conscience, mais qui agiraient sur nous..

Pour le direbrutalement, en ce sens, l'homme n'agirait pas (ne choisirait pas ses actes etoute connaissance de cause, dans la clarté), mais serait agi (c'est-à-diresubirait, malgré lui, des forces le contraignant à agir) : il ne serait pas« maître dans sa propre maison », il ne serait pas maître de lui. Empruntons à Freud un exemple simple.

Un président de séance, à l'ouverture dit « Je déclare la séance fermée » au lieu de dire « Je déclare la séance ouverte ».

Personne ne peut se méprendre sur ses sentiments ; il préférerait ne pas être là.

Mais ce désir (ne pas assister au colloque) ne peut s'exprimerdirectement, car il heurterait la politesse, les obligations sociales,professionnelles, morales du sujet.

Notre président subit donc deux forcescontraires : l'une parfaitement en accord avec les obligations conscientes,l'autre qui ne l'est pas et qui ne peut s'exprimer directement, ouvertement.Il y a donc conflit, au sein du même homme, entre un désir conscient,conforme aux normes morales et un autre désir plus « gênant ».

Or, dans notre exemple, ce second désir, malgré la volonté de politesse du président,parvient à s'exprimer, mais de façon détournée, anodine : on dira que « sa langue a fourché ». Ici, l'exemple est simple dans la mesure où le président a sans doute parfaitement conscience qu'il ne veut pas être. »

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