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Ce qui est naturel est-il normal ?

Publié le 04/02/2004

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Calliclès confond le fait et le droit : la nature atteste de ce qui est, pas de ce qui doit être. Quand il s'agit des lois de la cité, son invocation est donc nulle par principe. D'autre part il confond l'universalité des lois de la nature qui est absolue ou a priori (si on ne la pose pas l'idée même de nature n'a aucun sens, et avec elle la simple éventualité du savoir) et celle des lois de la cité qui est relative ou réflexive (c'est le rapport du peuple à lui-même). Autrement dit il confond la réalité où s'effectue la nécessité des lois de la nature avec la représentation où s'effectue celle des lois de la cité.La culture n'a pas de répondant et c'est précisément en cela qu'elle s'oppose à la nature : l'arbitraire n'est pas sa faiblesse mais sa force, puisqu'on peut seulement contester ce qui se présente comme fondé. On n'obéit donc pas à la loi parce qu'elle est utile, mais simplement parce que c'est la loi. Voulant fonder la loi dans la réalité, Calliclès l'abolit donc : il n'y aurait plus que la nature. Mais il réfute lui-même la thèse que cela pourrait constituer en prônant le droit du plus fort en déplorant un pouvoir que les faibles exercent... pour la seule raison qu'ils sont momentanément les plus forts. On comprend ainsi que ce n'est pas du tout de la nature qu'il parle : devant être imposée d'une manière volontaire et non par la seule immanence de sa nécessité, cette " nature " est en réalité purement idéologique, comme à chaque fois qu'on veut y voir un modèle.

« vue des faibles que la loi décrète ce qui est digne d'éloge ou au contraire blâmable.

La notion d'égalité dans lajustice obéit au même principe : la même loi pour tous, en établissant une égalité par le bas.

Quiconque n'agit pascomme le fait et le veut la multitude est puni par la loi.

Au contraire, la nature montre qu'il est juste que le supérieurl'emporte sur l'inférieur, et le plus capable sur le moins capable.

La nature est le siège d'une lutte de forces, où laplus puissante est destinée à l'emporter et à dominer.

Les bâtisseurs d'Empires n'ont pas autrement agi, en pillant,massacrant, pour s'approprier et dominer.

La soumission à la justice égalitaire est donc le fait des faibles, quicraignent les puissants et sont incapables de dominer. Pourtant, l'humanité s'est construite contre la nature, par « la voix de la conscience » (Bataille, l'Érotisme).

N'est-ilpas en ce cas contradictoire d'ériger en norme ce avec quoi l'homme doit rompre pour devenir un homme? II.

Le naturel ne peut être normatif. L'avènement de l'humanité par l'institution, la technique et le langage, implique le renoncement au naturel.

Hobbesillustre cette thèse dans le registre politique.

Si l'homme était resté à l'état de nature, c'est-à-dire dans la conditionprécédant toute forme de vie collective régulée par des lois, il n'aurait pas survécu longtemps.

Sa vie et ses biensauraient été en permanence menacés, et il n'y aurait eu aucune justice.

Le naturel n'est donc pas une norme maisce qu'il faut fuir, pour vivre en harmonie avec ses semblables.

Lorsque l'on revendique le naturel, il faut en outre s'assurer qu'on ne leconfond pas avec l'artificiel ou l'acquis.

L'acte de manger, par exemple, estnaturel : il est nécessaire à la préservation de l'être vivant.

Mais utiliser descouverts et préparer tel plat plutôt que tel autre, est culturel.

Merleau-Pontyen conclut qu'«Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme, comme onvoudra dire, en ce sens qu'il n'est pas un mot, pas une conduite, qui ne doivequelque chose à l'être simplement biologique.» Phénoménologie de laperception (1945).

L'idée d'une âme qui place l'homme à part de la nature apour soubassement une conception religieuse de l'homme.

Si l'on veutconserver l'idée que l'homme malgré tout n'échappe pas à la nature, tout enconservant sa spécificité absolue, on peut dire avec Merleau-Ponty que, enl'homme, le naturel et le culturel se confondent: il n'y a aucun acte humainqui ne puisse être rapporté à du biologique.

Mais, de l'autre côté, le sens deces actes, même les plus primitifs, est toujours culturel.

Tout est naturel enl'homme, mais pour l'homme, tout est culturel. III.

Le naturel comme référence La diversité des usages du terme naturel manifeste au moins une constante :il sert de référence ou de modèle.

Rousseau illustre cette idée dans leDiscours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.

Il yprécise que l'état de nature, sur lequel il réfléchit pour penser l'homme actuel,désigne un état idéal, qui n'a jamais existé et n'existera jamais.

C'est une « hypothèse de travail », qui doitpermettre de faire ressortir les caractéristiques de la nature humaine.

Le naturel est ici « normal » au sens où ildésigne les attributs possédés par tout homme, indépendamment de la société : la pitié et l'amour de soi.

Il a unsens théorique.La réflexion sur la sociabilité de l'homme conduit Rousseau à insister sur le rôle des sentiments.

Ainsi, le sentimentnaturel de la pitié pour nos semblables (Discours sur l'origine de l'inégalité), qui nous pousse à nous identifier à celuiqui souffre, est une manière de nous unir aux autres par affection plutôt que par intérêt.

La pitié est à l'origine desvertus sociales.Le sentiment n'est pas limité au caractère sociable de l'homme.

Il est aussi bien ce qui nous révèle notre spiritualité,la foi naturelle en une intelligence divine à laquelle invite l'ordre de l'univers, que ce qui nous permet de décider dubien ou du mal, du vrai et du faux.

Ainsi, les connaissances évidentes sont, pour Rousseau, celles auxquelles, dansla sincérité de mon coeur, je ne peux refuser mon consentement (Profession de foi du vicaire savoyard). On peut aller plus loin en faisant du naturel un idéal régulateur pour la conduite.

S'il désigne l'ensemble descaractéristiques de l'homme, alors il doit en effet servir de modèle pour une vie humaine digne.

Si l'homme est parnature doué de raison, alors l'impératif pratique du naturel devient de cultiver cette raison en soi et de la respecteren autrui (Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs). Lorsqu'on affirme que le naturel est normal, il faut donc se garder de ne pas légitimer des conduites et des penséesen réalité condamnables par l'être raisonnable.

C'est uniquement lorsqu'il est assumé et porteur de valeurscommunicables que le naturel peut servir de référence à l'homme. SUPPLEMENT: Le discours de Calliclès. "Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j'en suis sûr.

C'est donc en fonction d'eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu'ils attribuent des louanges, qu'ils répartissent des. »

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