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Ce qui est vrai est il flagrant ?

Publié le 01/04/2005

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■ Il est commun d'entendre dire aujourd'hui, pour assurer de la vérité d'un fait ou d'une idée, que «c'est flagrant«. Il convient sans doute de s'interroger sur cette expression et de se demander s'il est «si flagrant que ça« que ce qui est vrai soit «flagrant«.

■ «Flagrant« est d'abord un terme de droit, qui désigne ce «qui est commis sous les yeux mêmes de celui qui le constate« (Petit Robert) ; on parle ainsi de «flagrant délit«. Par suite est «flagrant« ce qui «éclate aux yeux, de tous, qui n'est pas niable« (idi). «Flagrant« est ainsi synonyme d'«évident«, terme plus philosophique que nous lui préférons. Nous pouvons donc reformuler la question de la manière suivante : «Ce qui est vrai est-il évident«, ce qui revient à poser la question de savoir si l'évidence est bien le même critère du vrai.

« soutiens être plus certaine et plus évidente que toutes celles que j'ai eues auparavant. Descartes change ici les règles de l'écriture philosophique : le titre de l'ouvrage, les « méditations », en esttrès révélateur.

Il s'agit, à l'image des exercices spirituels de saint Ignace, que l'auteur a découverts au collègede La Flèche, de faire un effort intérieur et personnel pour explorer toutes les implications d'une idée.

Ainsi,pour comprendre Descartes, il faut impérativement accomplir en soi-même l'expérience qu'il présente : le « je »du texte doit être le mien.Cette page commence par un certain volontarisme : « Je me persuade », « je crois » ; je dois faire preuved'une audace inouïe : nier que mes sensations, mes souvenirs, mes idées correspondent à une réalité.Comment peut-on aller jusque-là? Ne trouve-t-on pas ici un exemple de la fantaisie risible du philosophe quidoute de tout...

et qui revient à lui sous les coups de bâtons ?Non : le doute doit être pris au sérieux.

Nombreuses sont en effet les situations courantes qui ébranlent noscertitudes : l'illusion d'optique qui nous fait croire à l'existence d'une statue là où il n'y a qu'une peinture, à laprésence d'une flaque d'eau là où il n'y a que la route ; les troubles dits psychosomatiques qui font souffrir d'unmembre en parfaite santé.

Ces expériences manifestent que la sensation, l'image, voire l'idée que l'on a àl'esprit ne coïncident pas nécessairement avec leur objet.

Cela nous enseigne deux choses : d'une part, laforce d'une sensation n'est pas un critère de vérité; d'autre part, il est possible d'avoir des représentations dechoses qui n'existent pas.

Le doute consiste précisément à se méfier de ses propres représentations, às'abstenir d'en tirer des conclusions : douter c'est suspendre son jugement...

rien n'y échappe : je peux isolertoutes mes idées et mes sensations, les considérer indépendamment de leur objet.

Que peut bien montrer cedoute? « Peut-être rien autre chose sinon qu'il n'y a rien au monde certain.

» Nous serions condamné au doutesceptique, un doute indépassable.Pourtant j'ai douté de tout pour saisir une vérité qui y résiste : il faut reprendre l'analyse des idées les plusindubitables pour les tester à nouveau.

L'idée de Dieu semble ici ne pas résister : je n'ai nul besoin de poserson existence à ce niveau de l'analyse, puisque je fais l'expérience que je peux produire par moi-même mesidées.

L'idée de corps doit être écartée également : puisque je peux douter de mes sensations, je peux aussidouter que j'ai un corps.

Que reste-t-il donc? II y a quelque chose qui échappe à ce jeu d'élimination : je suiscertain que j'existe dans la mesure où je pense; en effet, il m'est absolument impossible de séparer l'idée « jesuis » de son objet, comme j'ai pu le faire pour toutes les autres idées : ici le fait de penser me montre quej'existe au moins assez pour penser; en conséquence, si je pouvais séparer l'idée « j'existe » de son objet, monexistence réelle, je ne serais pas là pour dire « j'existe ».L'épreuve dramatique du doute nous met donc en présence d'une certitude, d'une vérité qui est à elle-mêmeson propre critère : en stricte rigueur, il est légitime de dire à propos de l'affirmation : « je suis » qu'elle estvraie parce que je la dis.

C'est le fait de la penser ou de l'énoncer qui la prouve : si je ne la pensais pas, ellen'aurait pas d'objet ; un magnétophone qui prononcerait « je pense donc je suis » émettrait un énoncé sansvérité.Cette découverte fondamentale ne doit pas être prise pour la découverte du moi profond, de typepsychologique : je sais que je suis, mais je ne sais pas ce que je suis...

je ne sais pas par exemple si j'ai uncorps : la certitude de mon existence de chose pensante coexiste avec le doute sur mes sensations.Si donc j'ai découvert qu'il existe au moins une affirmation qui n'a pas besoin du secours de la foi, de l'autoritéou de l'habitude pour être tenue pour vraie, je dois rester prudent et garder mon exigence : n'admettre pourvrai que ce qui est indubitable. Mais l'argument du rêve n'ébranle pas les idées claires et distinctes, en particulier les évidences mathématiques.Que je dorme ou que je veille, un carré a toujours quatre côtés, deux et trois joints ensemble font toujours cinq,etc.

Je ne puis naturellement douter de telles évidences.

Mais tant que j'ignore l'origine de ma faculté de connaître,j'en ignore la valeur.

Qui sait si je n'ai pas été créé par un Dieu trompeur ? Ainsi, il se pourrait que je me trompechaque fois que je fais une addition ou que je dénombre les côtés d'un carré.

Cette hypothèse métaphysique duDieu trompeur suffit à me faire douter de la valeur de ma faculté de connaître et donc de ma capacité d'atteindreles évidences.J'ai avancé toutes ces raisons de douter, mais l'instant d'après je risque de les oublier et, le naturel revenant augalop, de considérer à nouveau comme vrai ce qui n'est que probable.

Une seule solution pour contrebalancer cettetendance naturelle : me mettre dans l'esprit l'idée qu'il y a un malin génie qui me trompe toujours et partout danstous mes jugements.

Me voilà obsédé, assiégé par cette idée.

Que reste-t-il de ce que je croyais savoir auparavant? Rien, sinon que pendant que je pense que tout cela est faux, il faut bien que, moi qui le pense, je sois quelquechose pour le penser.

Et le malin génie peut bien me tromper tant qu'il voudra, il faut bien que je sois pour pouvoirêtre trompé.

La proposition « Je suis, j'existe » est une évidence, au moment où je la conçois.

Mais que suis-je ?Une « chose pensante ».

Le cogito (je pense), voilà donc une évidence qui résiste à tous les efforts du doute mêmele plus extravagant.

Voilà le modèle métaphysique de toute vérité. Cette phrase (« Je pense donc je suis ») apparaît au début de la quatrième partie du « Discours de la méthode », qui présente rapidement la métaphysique de Descartes .

On a donc tort de dire « Cogito ergo sum », puisque ce texte est le premier ouvrage philosophique important écrit en français. Pour bien comprendre cette citation, il est nécessaire de restituer le contexte dans lequel elle s'insère.

Le« Discours de la méthode » présente l'autobiographie intellectuelle de Descartes , qui se fait le porte-parole de sa génération.

Descartes y décrit une véritable crise de l'éducation, laquelle ne tient pas ses promesses ; faire « acquérir une connaissance claire & assurée de tout ce qui est utile à la vie ».. »

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