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En quoi le sentiment esthétique se distingue-t-il du sentiment religieux ?

Publié le 16/02/2004

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On définit souvent le sentiment esthétique à tort comme une délectation, plus proche du sentiment de l’agréable que du beau. Or la nature même du sentiment esthétique appelle une tout autre définition. Le sentiment esthétique, de ce point de vue, s’il veut être expliqué dans sa globalité oblige à penser et à théoriser l’origine de ce sentiment, quel est l’origine de cet intelligible présent dans le sensible. En ramenant cet intelligible au divin, on a rapidement assimilé le sentiment esthétique au sentiment religieux. Aussi, ces sentiments paraissent bien proches au point que d’être de simples différences de dénomination pour un même sentiment, dont le premier n’est peut être qu’un chemin détourné vers l’autre.

« enlève le sacré de l'œuvre d'art, c'est « l'ici et le maintenant » de la véritable présence de l'œuvre d'art.

Il se fait souvent un silence quasi religieux face à une œuvre d'art digne de ce nom .

A l'exemple du romantisme qui a voulu rénover le sentiment religieux, la peinture de Caspar David Friedrich, Le retable de Tetschen , peinture de paysage représentant un Christ sur une montagne éclairée par le soleil Une œuvre d'art ne mérite pas un discours mais uneprière car la contemplation d'une peinture élève notre âme vers Dieu.

La contemplation esthétique est uneexpérience intime d'union avec l'esprit du Créateur.

Cette pensée qu'on pourrait appliquée au Retable exprime ce désir d'union de la nature, de l'art et de la religion en vue d'une certaine totalité.

La beauté a un sens mystérieuxcar elle est capable d'exprimer le divin dans l'art et la nature, la beauté est le signe du divin.

Il n'y a pas vraiment demots pour décrire une œuvre d'art, la beauté invite inexplicablement au silence, l' « aura » d'une œuvre d'art n'estpas quelque chose de véritablement humaine.

L'art n'est pas que l'expression du divin mais aussi de la beauté, del'intelligible que tout le monde n'assimile pas au divin. 3) Le sentiment esthétique est un sentiment divin . Le peintre allemand Caspar David Friedrich (1774-1840) (voir Le promeneur au-dessus de la mer de nuage ) à l'instar du philosophe Schelling ou Runge, pense que les phénomènes perçus et tangibles ne sont que lamanifestation d'un invisible.

Les paysages de Friedrich ne sont que la représentation d'un royaume rêvé de l'au-delàtoujours lointains et caché par les brumes.

C'est à l'homme de retrouver le chemin vers Dieu, de faire le vide en luien contemplant la nature, de tout ce qui est terrestre pour retrouver ce qu'il y a d'originel en lui.

La contemplationde la beauté d'un paysage naturel a un caractère mystique, car tout y est comme animé d'une même vie, lemacrocosme comme le microcosme.

Face à l'immensité de la nature, l'homme prend conscience de sa petitesse etressent ainsi la présence de Dieu en toute chose.

On aura compris que la seule voie du salut pour l'homme, poursortir de sa condition mortelle et faible, sera la perte de sa conscience dans l'infini.

Tout est lié dans cette penséepicturale, l'atmosphère onirique créée par les brumes nous fait toucher à l'inconscient et l'inconscient au divin.

Lestréfonds de la Création sont le divin que ce soit pour l'âme ou la nature.

L'inconscient dans son essence profonde seconfond avec le devenir éternel et incessant du divin selon Carus).

Les paysages déserts de Friedrich ou de Carusne sont là que pour laisser place au moi et à ses forces profondes et ainsi y projeter la subjectivité.

Un paysage quiillustrerait une scène de la vie paysanne n'aurait pu donner à l'esprit une liberté totale et aurait orienté sonattention. Ce sentiment se ressent particulièrement en regardant la toile Moine au bord de la mer de 1810.

Cette œuvre qualifiée de « merveilleuse » par Von Kleist exprime bien cette fascination de l'infini et l'effroi qu'elle suscite.

Cettetoile très abstraite pour l'époque met en scène deux espaces horizontaux : la plage et le ciel pour traduirel'opposition des dimensions célestes et terrestres.

L'absence de zone intermédiaire montre bien la dialectique qu'ilpeut exister entre la Nature- Dieu et l'homme.

La bande de terre sur laquelle se trouve le moine paraît bien mincepar rapport à l'immensité du ciel.

L'intensité de ce dernier renforce cette impression d'immensité immatérielle.

Laméditation du moine ressemble bien à une réflexion face à la mort.

Cette apparente description d'un lieu cache enfait une véritable métaphysique.

Friedrich fait se confronter directement le moi et son inconscient à une natureimmense et sublime.

Il cherche à provoquer la méditation entre l'homme et Dieu grâce à des ambiances irréellescapables de nous faire atteindre le divin.

Friedrich tente en cela d'atteindre le divin par l'entremise d'un infini qui nepeut que se communiquer que par une nouvelle vision de la beauté.

Ceci ne sera pas sans incidence sur laconception même qu'il se fait de Dieu, puisque cet infini se présente dans la nature même et non plus dans unetranscendance.

Carus écrit dans la lettre IV « Il faut un certain degré de formation philosophique pour voir, ou du moins pressentir, que toute dimension de la nature est la révélation d'une divinité unique, infiniment sublime, quel'homme ne saurait isoler et à laquelle nos sens ne saurait accéder.

» Dans la lettre II il ajoute : « Une unité éternelle, suprême et infinie est sous- jacente à tout ce que nous sentons et pensons, à tout ce qui est et à toutce que nous sommes.

Une conscience intérieure profonde nous en donne la ferme conviction, tantôt claire, tantôtplus obscure…Le langage nous suggère cet incommensurable sous le nom de Dieu.

» Friedrich ajoutera à cela uneprofession de foi : « Dieu est partout, dans le moindre grain de sable.

Par exemple ici, dans les roseaux.

» La penséede l'infini est intiment liée à celle de Dieu.

L'infini de la nature nous renvoie à ce qui est présent en elle, c'est-à-direau divin. Conclusion. Dans sa définition même, le sentiment esthétique se rapproche du sentiment religieux.

Avant Kant, on ne pouvaitparler de sentiment esthétique, en faisant entrer l'esthétique dans le domaine de la subjectivité, et définissant lesentiment esthétique en comparaison avec le sentiment de l'agréable, Kant ouvre le domaine de l'esthétique à uneinterprétation de ce sentiment et de son essence, et du caractère divin du sentiment esthétique.

D'où vient eneffet, ce supplément d'âme du sentiment esthétique, cet intelligible sans nom.

Les artistes romantiques y verront lapossibilité de renouer avec le divin par cet intermédiaire, non par un rapport frontal entre le divin et la nature, maispar un rapport personnel et subjectif entre le moi et l'immensité de la nature comme signe du divin.. »

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