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RACINE: Andromaque, acte IV, scène 5 (commentaire)

Publié le 16/02/2011

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Acte IV, scène 5 HERMIONE. Je ne t'ai point aimé, cruel ? Qu'ai-je donc fait ? J'ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes, Je t'ai cherché moi-même au fond de tes provinces ; J'y suis encor, malgré tes infidélités, Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés. Je leur ai commandé de cacher mon injure ; J'attendais en secret le retour d'un parjure ; J'ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu, Tu me rapporterais un cœur qui m'était dû. Je t'aimais inconstant ; qu'aurais-je fait fidèle ? Et même en ce moment où ta bouche cruelle Vient si tranquillement m'annoncer le trépas, Ingrat, je doute encor si je ne t'aime pas. Mais, Seigneur, s'il le faut, si le Ciel en colère Réserve à d'autres yeux la gloire de vous plaire, Achevez votre hymen, j'y consens. Mais du moins Ne forcez pas mes yeux d'en être les témoins. Pour la dernière fois je vous parle peut-être : Différez-le d'un jour ; demain vous serez maître. Vous ne répondez point ? Perfide, je le vois, Tu comptes les moments que tu perds avec moi ! Ton cœur, impatient de revoir ta Troyenne, Ne souffre qu'à regret qu'un autre t'entretienne. Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux. Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux : Va lui jurer la foi que tu m'avais jurée, Va profaner des Dieux la majesté sacrée. Ces Dieux, ces justes Dieux n'auront pas oublié Que les mêmes serments avec moi t'ont lié. Porte aux pieds des autels ce cœur qui m'abandonne ; Va, cours. Mais crains encor d'y trouver Hermione.

 

Andromaque — IV — 6 — Vers 1356 à 1386.   

A l'affectation d'indifférence et de mépris, aux sarcasmes et aux injures avec lesquels Hermione accueille l'annonce d'une rupture qu'elle dit attendue, Pyrrhus répond par une attitude de tranquille effronterie, et feint de croire, avec une évidente mauvaise foi, qu'Hermione, libérée du joug d'officielles et pesantes fiançailles, va répondre aux avances d'Oreste, à l'égard de qui elle éprouve un penchant qu'elle dissimule sous les apparences du dédain.     

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« 1) Vers 1356-1369 — Les preuves qu'Hermione a données de son amour dans le passé et dans le présent immédiat. 2) Vers 1369-1375 — Acceptation factice d'un mariage qui, cependant, la désespère, suivie d'une demande deremise. 3) L'explosion de fureur et la malédiction. Explication littérale : « Je ne t'ai point aimé, cruel? — Qu'ai-je donc fait? » Ces paroles sont un cri d'indignation et de détresse jailli du cœur devant un aussi soutenable mensonge.

L'épithète «cruel » met l'accent sur l'attitude de Pyrrhus, tortionnaire paisible qui nie l'évidence. « J'ai dédaigné pour toi les vœux de tous [nos princes.

» Elle souligne l'hommage rendu à ses charmes et l'erreur qu'elle a commise en préférant Pyrrhus aux princes quiauraient pu la rendre heureuse.

Elle ressent douloureusement l'amertume d'un aussi cruel mécompte. « Je t'ai cherché moi-même au fond de tes provinces.

» Dans cette confession d'une poignante sincérité, Hermione montre comment, au mépris de sa dignité même, elle aorganisé une sorte de stratégie de siège, et traqué Pyrrhus au fond des retraites où, peut-être, il se dérobait. « J'y suis encor, malgré tes infidélités.

» Hermione, enchaînée par son amour, préfère à l'exil l'injure, l'affront, incessamment renouvelés.

Elle proclame, avecune sorte de fierté, la force de cet amour véritable que nulle offense ne décourage, qui impose le respect par cetteforce même.

Hermione est une femme meurtrie mais aussi une femme à qui son amour donne des droitsimprescriptibles. « Et malgré tons mes Grecs honteux de mes bontés, Je leur ai commandé de cacher mon injure.

» Par une sorte de solidarité nationale, les Grecs ressentent l'affront fait à leur princesse et la trop complaisante faiblesse avec laquelle celle-ci le supporte, comme si eux-mêmes en étaientatteints et salis. « J'attendais en secret le retour d'un parjure.

» Hermione nous fait part de son incurable optimisme, espoir non avoué mais qui ensoleille certaines régions profondesdu oœur, celles où se réfugient les pensées consolantes, et où les ténèbres du désespoir ne pénètrent pas. « J'ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu, Tu me rapporterais un cœur qui m'était dû.

» L'amour d'Hermione est si fort qu'il semble une puissance communicative qui, impérieusement, exige, attend sonheure, et se refuse à admettre l'abandon définitif, qu'elle juge impossible parce qu'il serait monstrueux et illogique. « Je l'aimais inconstant; qu'aurais-je fait fidèle? » Hermione n'ose pas mesurer l'étendue d'un amour doublé de reconnaissance.

Elle se refuse d'en envisager laplénitude, effrayante à force d'intensité.

Elle entrevoit cependant les possibilités merveilleuses d'une réciproquetendresse avec une sorte de dévorante nostalgie.

« Et même en ce moment où ta bouche cruelle Vient si tranquillement m'annoncer le trépas, Ingrat, je doute encor si je ne t'aime pas.

». »

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