Raison et Sentiment : DIDEROT

Vie : 1° La jeunesse et les études à Langres (1713-1729). 2° Les années de travail et de bohème à Paris (1729-1744). 3° La bataille philosophique : l'Encyclopédie (1745-1772). , 4° Conseiller des « Despotes éclairés « : Voyage en Russie ( 1773-1774). Œuvres : Comme Voltaire, Diderot est un polygraphe qui tente tous les genres (à l'exception de la poésie). Il est : • Philosophe : Lettre sur les Aveugles; l'Encyclopédie; le Rêve de d'Alembert. • Romancier : Le Neveu de Rameau; Jacques le Fataliste. • Dramaturge : Le Père de Famille; le Fils naturel. • Critique littéraire : Entretiens sur le Fils naturel : Dorval et Moi ; Discours sur la poésie dramatique; Paradoxe sur le Comédien. • Critique d'art : Les Salons. • Epistolier : Lettres à Sophie Volland. Le Neveu de Rameau ; le Paradoxe sur le Comédien. Consultez : Faguet (le XVIII* siècle), % Thomas (L'Humanisme de Diderot), A. Billy (Diderot).  

La tête d'un Langrois est sur ses épaules comme un coq d'église au haut d'un clocher... Avec une rapidité surprenante dans les mouvements, dans les désirs, dans les projets, dans les fantaisies, dans les idées, ils ont le parler lent. Pour moi, je suis de mon pays ; seulement, le séjour de la capitale et l'application assidue m'ont un peu corrigé. Le tempérament de Diderot était un complexe de sensibilité et de raison qui ne trouvait son expression complète que dans les dialogues, où les interlocuteurs représentent les tendances opposées de l'écrivain. Il redoutait les élans de son imagination et, après lui avoir lâché la bride, il soumettait ses créations à une critique attentive. D'où le mépris à l'égard du neveu de Rameau qui n'a pas su contrôler son imagination et travailler, et sa préférence pour le comédien qui étudie son rôle, au détriment de l'acteur qui joue d'inspiration. LE PHILOSOPHE Diderot est matérialiste; il a devancé Darwin et Lamarck, annonçant la théorie de l'évolution : La conformation originelle s'altère ou se perfectionne par la nécessité et les fonctions habituelles... Tout est en flux perpétuel... Les espèces ne sont que des tendances à un terme commun... Naître, vivre et penser, c'est changer de formes... (Rêve de d'Alembert.) Toutefois, ce matérialisme est tempéré par la sensibilité débordante de Diderot. Devant une action vertueuse, un spectacle émouvant ou une belle œuvre d'art, Diderot s'exalte, le sentiment l'emporte sur la raison et il devient lyrique. C'est ai psi 'que, dans le Salon de 1765, nous le voyons s'insurger contre les absurdes rigoristes, qui voudraient abolir les fêtes religieuses : ils n'ont jamais vu notre adoration de la Croix au Vendredi Saint, l'enthousiasme de la multitude à La procession de la Fête-Dieu, enthousiasme qui me gagne moi-même quelquefois... Je n'ai jamais entendu ce chant grave et pathétique donné par les prêtres, et répondu affectueusement par une infinité de voix d'hommes, de femmes, de jeunes filles et d'enfants, sans que mes entrailles ne s'en soient émues, n'en aient tressailli, et que les larmes ne m'en soient venues aux yeux...  

Aussi l'athéisme ne le conduit pas à concevoir une société sans âme; au contraire, il verrait volontiers un principe sensible commun à la matière et à l'homme. Il est convaincu de la bienfaisance de l'ordre social et de la solidarité, philosophie qui semble annoncer les philosophes utilitaristes de l'Angleterre du XIXe siècle.