Devoir de Philosophie

Les Raisons Qui Poussent Un Auteur À Raconter Sa Vie/ Les Difficultés Qu'il Rencontre.

Publié le 05/12/2010

Extrait du document

INTRODUCTION

 

Pour commencer:

 

- "Dans les années 80, on a assisté à un regain d’intérêt pour les « récits de vie «. L’édition, la télévision et la radio livrent au public des tranches de vécu : témoignages divers, biographies ou encore récits historiques répondent vraisemblablement à une attente collective, à une attention pour l’authentique et l’existentiel. Si on s’intéresse aux grands hommes du passé, on prend plaisir aussi à écouter les « muets de l’histoire «. Devant ce succès qui ne se dément pas, on peut se demander ..."

 

ou encore:

 

"Pascal disait que le moi est une "chose haïssable". Face aux " déballages " quotidiens dont les médias se font les relais, voire les instigateurs, on peut affirmer, sans courir de grands risques, que cette opinion n'est plus de mise... Aux moyens de communication traditionnels - radio, télé, papier - s'est ajouté le Web et les récits de vie, journaux intimes, confessions et règlements de compte, sans oublier l'indispensable " home page " du site personnel, nous inondent de confidences. Tout le monde se raconte, s'analyse, s'exhibe et jure de dire la vérité. Les lecteurs se cherchent, se trouvent et se perdent dans ces morceaux de vie. La faute à qui ? A Rousseau, dit-on. En 1761, le penseur met son cœur à nu et ce désir de sincérité modifie l'image de l'écrivain. Chateaubriand le lui reprochera en arguant qu'il ne faut pas parler de ses faiblesses. Voilà déjà deux conceptions différentes de l'autobiographie qui nous amènent à réfléchir sur le genre..."

 

 

DEVELOPPEMENT

 

- Quelles sont les difficultés à se peindre soi-même?

 

1. Reconstituer le souvenir ("le travail de mémoire"): il s'agit de retrouver l'état d'esprit, les circonstances, les détails du passé. Toute l'oeuvre de Proust en montre la difficulté. A la mémoire sensorielle, involontaire, succède l'effort de la conscience pour reconstruire le souvenir à partir du "kaléidoscope" des sensations.

En outre, la distance qui sépare le moment raconté et la narration introduit une autre difficulté: le "je" qui s'exprime, même honnête, n'est pas identique au "je" qui vient de vivre la réalité. 

Rousseau insiste sur l'importance capitale du souvenir dans l'élaboration de œuvre. Avec lui, naît une autre vérité : la vérité artistique est chargée de plus de poids que le réel : " De tout ce qu'on dit, de tout ce qu'on fait, de tout ce qui se passe en ma présence, je ne sens rien, je ne pénètre rien. Le signe extérieur est tout ce qui me frappe. Mais ensuite tout cela me revient : je me rappelle le lieu, le temps, le ton, le regard, le geste, la circonstance, rien ne m'échappe.".

 

2. (travail de mémoire - suite)L'autobiographe doit prendre une distance par rapport aux événements. Ceci explique qu'il raconte le plus souvent son enfance. L'adulte porte alors un regard sur son passé qui peut éclairer son présent. Il y cherche les raisons de son évolution. Cette démarche s'apparente bien sûr à la psychanalyse et rencontre les mêmes difficultés. Il faut se connaître, retrouver les événements enfouis ou occultés par l'inconscient, parfois mettre à jour les parties les plus sombres de sa personnalité. L'auto-analyse est une entreprise difficile puisqu'on se heurte à ces barrages inconscients et que l'on peut avoir tendance, pour les contourner, à se complaire dans la "bonne conscience", la justification, l'admiration de soi ou au contraire, la haine et le mépris dirigé contre soi.

Roman de l'enfance, de l'apprentissage, le genre s'inscrit dans l'autobiographie quand il est écrit à la première personne et que l'on peut réunir auteur, narrateur et héros en une seule personne. 

 

Deux trames se mêlent alors: le passé de l'enfant et le présent de l'auteur qui commente le récit.

 

a. Le cadre de l'enfance: l'auteur-narateur-héros est à la quête de ses origines; il cherche qui il est en évoquant ses parents et les relations qu'il entretenait avec eux. (Sido, Colette)

b. Les apprentissages: à l'école, il apprend à connaître les réalités de la vie; les mystères de la nature, les mécanismes de la vie sociale, l'expérience de l'amour (voir L'enfant de J. Vallès).

c. L'action: les différentes épreuves subies le préparent à sa vie d'adulte. Parfois, le héros découvre sa vocation littéraire et le roman participe à la construction de sa personnalité. Sartre, dans "Les Mots", raconte comment orphelin de père, il a été élévé par son grand-père et sa mère. Enfant prodige pour leur plaire, il trouve sa vérité dans l'écriture.

 

3. Il est impossible de raconter toute une vie. Il faut donc choisir, trier et ordonner les événements. Les critères sont forcément subjectifs et répondent à une thèse implicite.Chez J.J. Rousseau, l'obsession de la transparence (présente dans l'épitaphe : "intus et in cute" (intérieurement et sous la peau))s'exprime par la volonté de tout dire: se dévoiler pour lui, c'est échapper aux corruptions de la société. 

 

4. Cette thèse s'adresse nécessairement à quelqu'un. L'auteur doit déterminer qui sera son destinataire: lui-même (journal intime), son entourage, ses contemporains ou encore la postérité (Rousseau). L'image qu'il donnera de lui dépendra étroitement de ce choix.

 

5. La principale difficulté reste certainement la mise en forme des souvenirs. En effet, l'écriture qui s'intercale introduit une distance, une différence. Elle transforme la réalité, aussi honnête soit-on. Ainsi en est-il des mots qui toujours altèrent, déforment ou embellissent les sentiments. Rousseau avoue ses difficultés à écrire: "Mes manuscrits raturés, barbouillés, mêlés, indéchiffrables, attestent la peine qu'ils m'ont coûtée. Il n'y en a pas un qu'il ne m'ait fallu transcrire quatre ou cinq fois avant de le donner à la presse." Non seulement, Rousseau ne pratique pas l'écriture spontanée, mais il se contraint à un travail considérable du style.

On peut chercher ce que l'on ignore sur soi mais s'il est rare qu'on trouve ce manque, il est encore plus rare qu'on parvienne à le traduire avec des mots et des figures de langage.

 

- Pourquoi écrire sur soi?

 

* Pour "abréger" ou "allonger" le temps, disait Rousseau: on bannit les mauvais moments pour ne garder que les plus heureux

* Pour témoigner. On peut envisager ici le "devoir de mémoire" que s'est imposé Primo Levi, par exemple mais aussi toutes les autobiographies qui témoignent d'une époque, d'une classe sociale et de ses moeurs; d'une lutte personnelle contre la maladie, la toxicomanie ou encore l'inceste.

* Pour exorciser un passé douloureux: Pr. Levi, G. Pérec poursuivent cet objectif.

*Pour persuader le lecteur, pour se réhabiliter, se justifier: ainsi, Rousseau qui écrit pour un lecteur posthume.

*Pour "donner corps à l'indicible", écrit Annie Ernaux: forme particulière d'autobiographie au "croisement de la sociologie et de l'histoire". Elle parle alors de la "nécessité absolue d'écrire".

 

- Les scrupules de l'autobiographe:

 

"Vous me direz que cela ne vous regarde pas, que s'il me plaît de poursuivre ma conversation avec l'enfant que je fus, cette touchante scène de famille vous laisse de glace, que vous vous fichez complètement de ce marmot. C'est votre droit."

 

I.Le lecteur s’intéresse à « cette touchante scène de famille « car

 

1. d'une façon générale, les hommes rencontrent toujours les mêmes difficultés, se posent les mêmes questions à chaque grande étape de la vie, quelle que soit la génération. Les souvenirs d'un enfant renvoient donc aux nôtres.

Exemple : Cohen portait à sa mère et il raconte le naufrage de son enfance après qu'il l'eut perdue.

 

2. Le lecteur approche d’une façon concrète une époque, une vie quotidienne ; il retrouve ses propres racines, son « héritage culturel «, ce qu’il cherche à fuir ou à découvrir.

Exemple : S. de Beauvoir / Pérec

 

3. Il peut acquérir une connaissance de la psychologie : témoignage sur la complexité de l’homme, sur ses faiblesses et sa grandeur

Exemple : "Les Confessions"

 

II.Cependant, aujourd’hui, nous assistons à une inflation de récits de vie :

 

1. la banalité a des limites: elle peut susciter l'ennui. Si tout le monde se met à raconter une vie ordinaire, le récit de vie perdra vite tout intérêt.(voir "Misadventures" de Sylvia Smith)

 

2. Ce qu'on dit sur un divan n'intéresse en principe que le névrosé qui se soulage. A moins que le public se fasse voyeur et aime l’exhibitionnisme : curiosité, malsaine peut-être, ou besoin pathétique de se retrouver en l'autre, de se sentir moins seul, de s'assurer de sa "normalité". (phénomène de la "télé-réalité" - voir article ci-dessous, dans "thèmes associés")

 

III.Synthèse : le récit de vie ("les scènes de famille") est intéressant s'il permet au lecteur de s'enrichir, de progresser dans la connaissance de soi et des autres, de découvrir un destin unique à une époque où tout le monde cherche à se ressembler. Il suscite alors le rêve, éveille la curiosité, élargit l'ouverture d'esprit.

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