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La recherche du bonheur nous aliène-t-elle ?

Publié le 28/01/2004

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La prudence est une vertu à caractère humain et, à ce titre, elle ne peut prétendre l'emporter sur une sagesse à caractère divin. « Il est absurde en effet de penser que la prudence soit la forme la plus élevée de savoir, s'il est vrai que l'homme n'est pas ce qu'il y a de plus excellent dans le monde. » (1141a20). De par son aspect humain trop humain, la prudence ne saurait rivaliser avec la sagesse. Elle serait toutefois la vertu par excellence de l'homme à défaut d'être l'excellence dans la vertu. L'homme se trouve ainsi pris dans le feu croisé d'une pluralité d'objets. Que faut-il viser, la sagesse ou la « phronésis » ? Cruel dilemme, car désirer la sagesse, n'est-ce pas en définitive se condamner au désespoir ? Il n'est pas permis à tous d'être un Anaxagore ou un Thalès et d'acquérir un savoir divin, mais inutile à l'homme. Désira-t-on alors la prudence ?

« parcimonie).Une telle sagesse pratique unit étroitement l'aspiration au bonheur et la vertu.

Prendre comme fin suprême uneamélioration de soi, viser des actions les meilleures possibles, n'exige pas le renoncement à tous les plaisirs. A première vue, l'existence d'un objet suprêmement désirable qui serait la cause finale des activités humaines ne faitpas de doute.

Tous les hommes désirent être heureux , constate Aristote dans l' « Ethique à Micomaque ».

Lebonheur constitue le souverain bien, car il est recherché comme une fin absolue et non relative.

Chaque activitéparticulière tend vers quelque bien : la médecine vers la santé, l'art militaire vers la victoire, l'art financier vers larichesse.

Ces biens, cependant, ne sont pas poursuivis pour eux-mêmes, mais seulement comme des moyens en vued'une fin plus haute qui est le bonheur.

Toutes les fins particulières se subordonnent à cette fin suprême unique quin'est plus un moyen en vue d'une fin ultérieure, mais qui est recherché en elle-même et pour elle-même.

Nousdésirons être heureux pour être heureux.Toutefois, constate Aristote, s'il y a convergence sur le nom de ce bien suprêmement désirable, il y a divergenceconcernant sa nature.

Quel est cet objet mystérieux qui appelle tous nos vœux ? Le stagirite recense les objetspossibles et définit sur cette base trois grands types de vie : la vie de jouissance, plus particulièrement propre à lafoule, la vie politique, à laquelle aspirent surtout les gens cultivés soucieux de l'honneur, et la vie contemplativeprisée par les sagesIl examine d'abord la vie de jouissance et s'interroge sur la question de savoir si le désir tend au plaisir comme à safin ultime.

Aristote ne rejette pas l'hédonisme, car il concède que toute activité sensible ou intelligible s'accompagnede plaisir lorsqu'elle s'exerce dans des conditions favorables, mais il ne saurait consentir à l'assimiler au bien suprêmepour plusieurs raisons.

La foule qui aspire à une vie de jouissance ne vise pas les plaisirs raffinés de l'intellect, maisles débauches grossières et les ripailles d'un Sardanapale.

Or, chaque être vivant a une « hexis », une vertu propre,et l'excellence pour chacun consiste à remplir au mieux la fonction qui convient à sa nature.

Une vie de plaisirrevient à développer et à porter à son degré maximal la partie sensitive ne nous distingue en rien des bêtes quiéprouvent comme nous des sensations de plaisir et de peine.

Grossière et partielle, la satisfaction hédoniste nesaurait convenir à un animal raisonnable.Le plaisir, par ailleurs, n'est jamais la fin dernière de nos activités, mais une fin surajoutée qui les couronnelorsqu'elles sont menées à bien.

Ainsi l'acte de voir, lorsqu'il unit une vue parfaite et un objet parfait, produit unejouissance esthétique.

Mais l'acte pourrait se réaliser sans plaisir, car la but de la vision est la perception de l'objet.Le plaisir n'est donc pas la cause finale de l'acte, mais il résulte d'une bonne adaptation de la faculté à son objet.

Ilapparaît donc comme un luxe, une fin qui s'ajoute à l'acte, qui le perfectionne et le rend plus désirable.

« Le plaisirachève l'acte non pas comme le ferait une disposition immanente au sujet, mais comme une sorte de fin survenuepar surcroît, de même qu'aux hommes dans la force de l'âge vient s'ajouter la fleur de la jeunesse.

» Le plaisir estune sorte de surplus gracieux qui parachève le but.Outre les raisons développées par le stagirite, il faut remarquer que le plaisir ne peut constituer le suprême désirableen vertu de sa nature ponctuelle et éphémère.

L'homme après le coït est un animal triste, disent les théologiens.Sans vouloir réduire comme Pascal la besogne à un éternuement, il faut reconnaître que le chatouillement du plaisirsensuel est locale et fugace… Il comporte des risques d'aliénation dans la mesure où une partie du corps peutdevenir centre de tout et se développer au détriment des autres.L'idéal timocratique, en revanche, paraît plus relevé dans la mesure où il convient davantage à cet animal politiquequ'est l'homme.

L'honneur est le nerf de l'activité politique et s'avère le bien prisé par les gens cultivés soucieux desaffaires de la cité.

Néanmoins, Aristote confesse que « l'honneur apparaît une chose trop superficielle pour êtrerecherchée » (I,3) Il est en effet bien fragile et périssable dans la mesure où il met l'homme à la merci de l'opinioninconstante de la foule qui adore aujourd'hui ce qu'elle brûlera demain.

Un bien qui ne dépend pas de nous et quipeut être ravi selon les caprices de la fortune n'est pas un bien véritable.L'objet véritable du désir serait-il alors théorétique ?C'est ce que prétendent les amis de la sagesse qui, à l'instar de Platon, voient dans la contemplation des idées dumonde intelligible la source d'une félicité sans pareille et sans réserve.

La vision de l'idée du bien comble l'âme dansla mesure où l'homme atteint le principe de toute chose et ne saurait par définition aspirer à un au-delà.

Quoiqu'ilrécuse l'existence d'un monde intelligible dont la monde sensible serait la copie dégradée, Aristote souscrit à l'idéeplatonicienne selon laquelle la contemplation est la fin suprême de l'existence humaine.

Les hommes désirent lasagesse, car elle constitue ce qu'il y a de plus excellent.

C'est pourquoi seule la philosophie est à même de satisfaireles désirs humains et de procurer la vie heureuse.

L'objet de nos vœux demeure néanmoins énigmatique, car quefaut-il entendre par « sagesse » ? Aristote la définit plus précisément au chapitre VII de l' « Ethique à Nicomaque »: « La sagesse sera la plus achevée des formes du savoir.

Le sage doit donc non seulement connaître lesconclusions découlant des principes, mais encore posséder la vérité sur les principes eux-mêmes.

La sagesse seraainsi à la fois raison intuitive et science, science munie en quelque sorte d'une tête et portant sur les réalités lesplus hautes ».

La sagesse ne s'identifie pas à la science qui, au fond, manque de tête.

En effet, la science pourAristote est un ensemble de connaissances destinées à expliquer les phénomènes en les rattachant à leurs causeset fondées sur des démonstrations.

Or, une démonstration consiste à tirer des conclusions à partir de principesadmis et indémontrables.

Elle est imparfaite, car elle repose sur des principes dont on ne rend pas raison.La philosophie, elle, s'attache aux fondements des principes et s'efforce de contempler les causes premières.

Ellesera donc science, car elle s'appuie elle aussi sur des démonstrations, et raison intuitive, car elle les asseoit surl'intuition des principes.

Elle ne se contente pas de l'hypothétique, mais veut l'anhypothétique.

Les autres sciencessont des corps sans tête, car les fondements ne sont pas solidement posés, mais présupposé.

La philosophie est lascience maîtresse, car sur le corps qu'est la démonstration, elle posera la tête qui est l'intuition des principes.

Ens'interrogeant sur les fondements, elle découvre que ce qui premier et commun à toutes les choses, c'est l'être.Avant d'être ceci ou cela et de se spécifier, elles ont l'être.

C'est pourquoi la philosophie s'identifiera à lamétaphysique, définie comme « science de l'être en tant qu'être ».

Contrairement aux autres sciences qui n'étudient. »

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