Récit de voyage par le paysan du Danube
Publié le 16/02/2012
Extrait du document
A son retour en Germanie, le député des villes danubiennes raconte son voyage à Rome. Il dit ses impressions sur le Sénat, sur la vie et la puissance romaines. Il conseille la soumission et il en donne les motifs.
Vers le commencement du printemps de l'an 179, trois Germains de haute stature arrivaient sur le Danube, en un point occupé aujourd'hui par la ville de Ratisbonne. Ils venaient de Rome, où les Marcomans, leurs compatriotes, les avaient députés pour porter au Sénat des plaintes contre les exactions des préteurs, ....
«
que ce soient les ordres qu'ils ant recus de vous; nous les tenons pour des
criminels qui offensent vos dieux et attirent sur votre vine la vengeance
des Inunortels.
« En vain nous travaillons pour payer les impOts dont ils nous accablent :
Jew.
harleuse avarice n'est jamais assouvie.
Desesperes, nous abandonnons nos villes, pour vivre ou mieux pour mourir avec nos femmes et nos
enfants dans les affreus es retraites de nos montagnes.
La, du moins, nous
n'aurons point sous les yeux l'exemple de la corruption.
Senateurs, rappelez
a vous ces infames qui dehonorent leurs fonctions.
« A dire vrai, je n'espere point que vous me rendiez justice : mes mains
sont vides de presents et l'on m'assure que tout s'achete a Rome.
J'en
appelle a Cesar! » - « A ces mots, je me couche sur le sol, attendant dans le calme que
l'on punisse de mort ma plainte trop sincere.
On me fait relever et sortir
pendant que l'on delibere sur mon sort.
Je pensais alors a vous tous, parents
et amis, et, persuade que mon audace allait me coilter la vie, je vous envoyais
mon dernier souvenir.
Mais je ne regrettais pas d'avoir accompli mon
devoir.
« A l'appel du consul, je rentrai au Senat pour y entendre, non ma
condamnation que j'attendais, mais celle de nos preteurs.
Les Romains
faisaient droit a vos plaintes, rappelaient ceux qui nous torturent, et corn-
blaient d'honneurs le barbare qui leur avait si audacieusement reproche
leur durete.
Les preteurs coupables vont etre remplaces par d'autres ma-
gistrats plus humains; et moi, cree patrice, je serai votre defenseur contre
toute nouvelle injustice 1.
« Faut-il croire aux promesses de Rome ou tenter, par un supreme effort,
de reconquerir notre liberte? Je ne vous conseille point ce dernier parti.
Rome est trop forte et nous trop amoindris pour que la lutte ne nous soit
pas fatale.
Ne nous faisons pas illusion : Pamour de la patrie ne suffit pas
pour vaincre un puissant ennemi.
Les legions romaines sont nombreuses
et disciplinees; les generaux habiles sont excites par l'appat du butin, le
desir du triomphe et l'ambition des hautes charges publiques 2.
Croyez-moi;
renoncons pour l'instant a la lutte, d'autant que, si j'ai bien vu, les vices
de Rome nous deviendrons bientot, pour la vaincre, les plus utiles des
auxiliaires.
« L'esclavage, qui a déjà fait courir a Rome de graves perils, lui en
reserve de formidables.
Et comment en serait-il autrement? De riches citoyens occupent jusqu'a cinq mille de ces infortunes arraches a leur
pays et livres sans merci aux caprices de maitres corrompus.
Je les ai vus
exposés an marche comme de vils animaux; on les fait courir, danser,
porter des fardeaux, pour que l'acheteur juge de leurs aptitudes.
La somme
versee, l'esclave est envoye a la maison de vile ou a la maison des champs.
Jeune, son existence est encore supportable; mais, malade ou vieilli, quelles
tortures lui sont reservees! Les verges, les batons, les fourches, les aiguillons,
les entraves, les chaines, la mort, voila ce gull pent esperer.
Les dieux ne
vengeront-ils pas sur les tyrans la mort de tant d'infortunes?
« Les palais somptueux de Rome, le luxe et les vices qu'ils abritont me
font esperer une prompte dissolution de l'Empire qui nous opprime.
Autour de la grande place publique, nommee Forum, les Cesars ont edifie des
temples, des tribunaux et c'est la que se traitent les affaires de la cite 3.
Sur
(1) Les decisions du Senat, ou senatus-consultes, etaient ordinairement formulees h peu
pres en ces termes :
Julianus Rufus, consul, a consulte le Senat dans la Curia Julia, le de l'an 929.
Considerant que...
que
que
it a ete arrete que
(Les senatus-consultes etalent souvent graves sur des tables de pierre.
- Julianus Rufus
etait consul en Pan 178 de Pere chretienne, 929 de l'ere romaine.)
2.
Le nombre des legions romaines a beaucoup yank' selon les epoques; leur mode de
recrutement a suivi les changements de la constitution politique.
Jusqu'it l'epoque de
Marius, Parmee se compose de citoyens astreints au service militaire; plus tard, elle n'est
plus formee que de volontaires : d'ou les deux castes souvent rivales, l'armee et la nation.
La legion (6.000 hommes) comprend 10 cohortes ou 30 manipules ou 60 centuries; elle est
commandee par un lieutenant du general, par des tribuns des soldats et par des centu-
rions.
3.
Un forum keit une place, entouree de portiques, de basiliques, d'abris divers.
Il y
que ee soient les ordres qu'ils ont reçus de vous; nous les tenons pour des criminels qui offensent vos dieux et attirent sur votre ville la vengeance
des Immortels.
« En vain nous travaillons pour payer les impôts dont ils nous accablent : leur furieuse avarice n'est jamais assouvie. Désespérés, nous abandonnons
nos villes, pour vivre ou mieux pour mourir avec nos femmes et nos
enfants dans les affreuses retraites de nos montagnes.
Là, du moins, nous
n'aurons point
sous les yeux l'exemple de la corruption. Sénateurs, rappelez à vous ces infâmes qui déhonorent leurs fonctions.
« A dire vrai, je n'espère point que vous me rendiez justice : mes mains
sont vides de présents et l'on m'assure que tout s'achète à Rome.
J'en
appelle à César! » — « A ces mots, je me couche sur le sol, attendant dans le calme que
l'on punisse de mort ma plainte trop sincère. On me fait relever et sortir
pendant que l'on délibère sur mon sort.
Je pensais alors à vous tous, parents
et amis, et, persuadé que mon audace allait me coûter la vie, je vous envoyais
mon dernier souvenir.
Mais je ne regrettais pas d'avoir accompli mon devoir.
« A l'appel du consul, je rentrai au Sénat pour y entendre, non ma
condamnation que j'attendais, mais celle de nos préteurs. Les Romains
faisaient droit à vos plaintes, rappelaient ceux oui nous torturent, et com
blaient d'honneurs le barbare qui leur avait si audacieusement
reproché leur dureté. Les préteurs coupables vont être remplacés par d'autres ma
gistrats plus humains; et moi, créé patrice, je serai votre défenseur contre toute nouvelle injustice 1.
« Faut-il croire aux promesses de Rome ou tenter, par un suprême effort,
de reconquérir notre liberté? Je ne vous conseille point ce dernier parti.
Rome est trop forte et nous trop amoindris pour que la lutte ne nous soit
pas fatale.
Ne nous faisons pas illusion : l'amour de la patrie ne suffit pas
pour vaincre un puissant ennemi.
Les
légions romaines sont nombreuses
et disciplinées; les généraux habiles sont excités par l'appât du butin, le désir du triomphe et l'ambition des hautes charges publiques2.
Croyez-moi; renonçons pour l'instant à la lutte, d'autant que, si j'ai bien vu, les vices
de Rome nous deviendrons bientôt, pour la vaincre, les plus utiles des auxiliaires.
« L'esclavage, qui a déjà fait courir à Rome de graves périls, lui en réserve de formidables.
Et comment en serait-il autrement? De riches
citoyens occupent jusqu'à cinq mille de ces infortunés arrachés à leur
pays et livrés sans merci aux caprices de maîtres corrompus.
Je les ai vus exposés au marché comme de vils animaux; on les fait courir, danser,
porter des fardeaux, pour que l'acheteur juge de leurs aptitudes.
La somme
versée, l'esclave est envoyé à la maison de ville ou à la maison des champs.
Jeune, son existence est encore supportable; mais, malade ou vieilli, quelles
tortures lui sont réservées ! Les verges, les bâtons, les fourches, les aiguillons,
les entraves, les chaînes, la mort, voilà ce qu'il peut espérer. Les dieux ne
vengeront-ils pas sur les tyrans la mort de tant d'infortunés?
« Les palais somptueux de Rome, le luxe et les vices qu'ils abritent me font espérer une prompte dissolution de l'Empire qui nous opprime.
Autour
de la grande place publique, nommée Forum, les Césars ont édifié des
temples, des tribunaux et c'est là que se traitent les affaires de la cité3. Sur
(1) Les
décisions du Sénat, ou sénatus-consultes, étaient ordinairement formulées à peu près en ces termes : Julianus Rufus, consul, a consulté le Sénat dans la Curia Julia, le de Tan 929.
Considérant que...
que
que
il a été arrêté que.....
(Les sénatus-consultes étaient souvent gravés sur des tables de pierre.
— Julianus Rufus était consul en l'an 178 de Père chrétienne, 929 de Père romaine.)
2.
Le nombre des légions romaines a beaucoup varié selon les époques; leur mode de
recrutement a suivi les changements de la constitution politique. Jusqu'à l'époque de Marius, l'armée se compose de citoyens astreints au service militaire; plus tard, elle n'est plus formée que de volontaires : d'où les deux castes souvent rivales, l'armée et la nation.
La légion (6.000 hommes) comprend 10 cohortes ou 30 manipules ou 60 centuries; elle est commandée par un lieutenant du général, par des tribuns des soldats et par des centu rions.
3.
Un forum était une place, entourée de portiques, de basiliques, d'abris divers.
Il y.
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