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Le réel est-il à la fois un et multiple ?

Publié le 05/03/2004

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On pourra développer cette thèse avec Protagoras: « L'homme est la mesure de toute choses » formule qu'Anatole France interprétait ainsi : « L'homme ne connaîtra de l'univers que ce qui s'humanisera pour entrer en lui, il ne connaîtra jamais que l'humanité des choses. » Toute affirmation sur l'univers est relative à celui qui affirme. Socrate résume la thèse de Protagoras : « N'arrive-t-il pas parfois qu'au souffle du même vent l'un de nous frissonne et non l'autre ? Or que dirons-nous alors de ce souffle de vent envisagé tout seul et par rapport à lui-même ? Qu'il est froid ou qu'il n'est pas froid ? Ou bien en croirons-nous Protagoras : qu'il est froid pour qui frisonne et ne l'est pas pour qui ne frisonne pas ? » (« Théétète », 152b). L'affirmation sur un même objet diffère non seulement d'un individu à un autre mais chez le même individu selon les moments (le monde ne m'apparaît pas de la même façon quand je suis gai ou triste) et même selon les perspectives d'observation (une tour vue carrée de près paraît ronde de loin). Pour les sceptiques il n'y a pas de vérités objectives mais seulement des opinions subjectives toutes différentes.     Le sophiste Protagoras, écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait faire deux discours exactement contraires, et il usa de cette méthode ».

« Le sophiste Protagoras , écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait faire deux discours exactement contraires, et il usa de cette méthode ». Selon Protagoras , « l'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont en tant qu'elles sont, de celles qui ne sont pas en tant qu'elles ne sont pas » Comment doit-on comprendre cette affirmation ? Non pas, semble-t-il, par référence à un sujet humain universel, semblable en un sens au sujet cartésien ou kantien, mais dans le sens individuel du mot homme, « ce qui revient à dire que ce qui paraît à chacun est la réalité même » ( Aristote , « Métaphysique », k,6) ou encore que « telles m'apparaissent à moi les choses en chaque cas, telles elles existent pour moi ; telles elles t'apparaissent à toi, telles pour toielles existent » (Platon , « Théétète », 152,a). Peut-on soutenir une telle thèse, qui revient à dire que tout est vrai ? Affirmer l'égale vérité des opinions individuelles portantsur un même objet et ce malgré leur diversité, revient à poser que « la même chose peut, à la fois, être et n'être pas » (Aristote ).

C'est donc contredire le fondement même de toute pensée logique : le principe de non-contradiction., selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en même temps, au même sujet et sous le mêmerapport ».

Or, un tel principe en ce qu'il est premier est inconditionné et donc non démontrable.

En effet, d'une part, s'il était démontrable, il dépendrait d'un autre principe, mais un tel principe supposerait implicitement le rejet du principe contraire et sefonderait alors sur la conséquence qu'il était sensé démontrer ; on se livrerait donc à une pétition de principe ; et d'autre part,réclamer la démonstration de toute chose, et donc de ce principe aussi, c'est faire preuve d'une « grossière ignorance », puisqu'alors « on irait à l'infini, de telle sorte que, même ainsi, il n'y aurait pas démonstration ».

C'est dire qu' « il est absolument impossible de tout démontrer », et c ‘est dire aussi qu'on ne peut opposer, à ceux qui nient le principe de contradiction, une démonstration qui le fonderait, au sens fort du terme. Mais si une telle démonstration est exclue, on peut cependant « établir par réfutation l'impossibilité que la même chose soit et ne soit pas, pourvu que l'adversaire dise seulement quelque chose ».

Le point de départ, c'est donc le langage, en tant qu'il est porteur d'une signification déterminée pour celui qui parle et pour son interlocuteur.

Or, précisément, affirmer l'identiquevérité de propositions contradictoires, c'est renoncer au langage.

Si dire « ceci est blanc », alors « blanc » ne signifie plus rien de déterminé.

Le négateur du principe de contradiction semble parler, mais e fait il « ne dit pas ce qu'il dit » et de ce fait ruine « tout échange de pensée entre les hommes, et, en vérité, avec soi-même ».

En niant ce principe, il nie corrélativement sa propre négation ; il rend identiques non pas seulement les opposés, mais toutes choses, et les sons qu'il émet, n'ayant plusde sens définis, ne sont que des bruits.

« Un tel homme, en tant que tel, est dès lors semblable à un végétal. " Si la négation du principe de contradiction ruine la possibilité de toute communication par le langage, elle détruit aussicorrélativement la stabilité des choses, des êtres singuliers.

Si le blanc est aussi non-blanc, l'homme non-homme, alors iln'existe plus aucune différence entre les êtres ; toutes choses sot confondues et « par suite rien n'existe réellement ».

Aucune chose n'est ce qu'elle est, puisque rien ne possède une nature définie, et « de toute façon, le mot être est à éliminer » (Platon ). La réfutation des philosophes qui, comme Protagoras , nient le principe de contradiction a donc permis la mise en évidence du substrat requis par l'idée de vérité.

Celle-ci suppose qu'il existe des êtres possédant une nature définie ; et c'est cette stabilitéontologique qui fonde en définitive le principe de contradiction dans la sphère de la pensée.

C'est donc l'être qui est mesure etcondition du vrai, et non l'opinion singulière.

« Ce n'est pas parce que nous pensons d'une manière vraie que tu es blanc que tu es blanc, mais c'est parce que tu es blanc qu'en disant que tu l'es nous disons la vérité » (Aristote ). Puisque, s'il est vrai que tout est vrai, le contraire de cette affirmation ne saurait être faux, le relativisme trouve sa vérité dansle scepticisme.

Dire que tout est vrai, c'est dire tout aussi bien que tout est incertain et que rien ne peut être dit vrai. Il apparaît que le scepticisme comme le relativisme est une position intenable.

Dès qu'il se dit il se contredit. Les Idées doivent être multiplesDes propositions vraies, en quantité innombrable, aussi bien affirmatives que négatives, peuvent être faites au sujet de n'importequelle idée.

Il ne faut donc pas dire que le réel est Un, mais qu'il est multiple, tant au niveau du sensible (les choses) qu'au niveaude l'intelligible (les idées des choses). Le réel est une poussière d'êtresLe réel est une apparence qui, sans cesse, nous échappe.

L'unité n'existe pas, c'est uniquement par leur multitude que les chosessont différentes les unes des autres et donc multiples.

Chacune d'elles a l'apparence de l'unité, mais chacune est essentiellementmultiple et, finalement, nous ne pouvons pas en dire grand-chose.

La question sous-jacente à toute j la problématique du Parménide est celle de savoir s'il est possible d'établir avec certitudel'existence d'une vérité.

Or, le dialogue nous présente un dilemme sans issue: ou l'on peut tout affirmer de tout, et alors rien n'estvrai parce que n'importe quoi est vrai; ou l'on ne peut rien dire de rien, et alors, encore une fois, rien n'est vrai.

Platon refusera ledilemme: ou tout est vrai ou rien n'est vrai, qui nous condamne au scepticisme.

Dans Le Sophiste (que l'on peut considérer avecJean Brun comme la suite logique du Parménide), Platon montrera qu'il y a un moyen terme qui est de dire: il y a des idées qu'onpeut déduire les unes des autres, et d'autres qui ne peuvent pas se combiner entre elles.

Il existe donc un discours vrai, quiassemble ce qui doit l'être, et un discours faux, qui mélange les genres qui ne peuvent pas l'être.. »

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