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Est-ce au réel que les mathématiques ont affaire ?

Publié le 10/07/2004

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Une des plus importantes peut sans doute se formuler ainsi : Euclide a construit sa géométrie en se guidant sur les propriétés des corps solides telles que son intuition les lui livrait. Mais il a aussi, du même coup, bâti un système conceptuel axiomatisable, sinon complètement axiomatisé. D'où vient donc que les propriétés intuitives des corps solides constituent précisément un tel système ? Il va de soi que la réponse n'appartient pas au mathématicien, et pourtant, s'il n'en avait pas été ainsi, l'apparition d'une géométrie rationnelle, à une époque quelconque de l'histoire, eût été inconcevable. Plus profondément, c'est le problème des rapports entre raison et expérience, entre intelligence et sensibilité, c'est-à-dire le problème même de la connaissance, qui se trouve posé ici. Il n'y a certes pas de réponse décisive à une question aussi vaste. Mentionnons simplement, à titre d'hypothèse, la solution proposée par Piaget. A ses yeux, le point capital consiste en ce que l'expérience que nous faisons de la réalité physique n'est pas passive mais essentiellement active. Elle ne se réduit donc pas à une simple « donnée « brute, perceptive ou sensorielle, considérée comme radicalement hétérogène à la pensée, ce qui rendrait d'emblée insoluble le problème que nous posons ici. « La raison en est qu'il est impossible de constater ou d'enregistrer un fait, si élémentaire soit-il, sans un cadre de référence logico-mathématique, si élémentaire soit-il, lui aussi : classification, mise en « relations «, en « correspondances «, mesures, etc.

« Ce qui fait la réalité d'une chose est ce qui ne change pas en elle, c'est-à-dire son essence.

Pour s'en convaincre, imaginons un objet blanc placé sous différents éclairages : il apparaîtra rouge sous une lumière rouge,bleu sous lumière bleue, etc.

Ces couleurs sous lesquelles il nous apparaît varient en fonction des conditions.

On ne peut pas affirmer quelle est la couleur réelle de l'objet, puisque nous n'y avons accès que par les sens qui peuventêtre trompés, comme notre exemple le montre.

Ce qui fait la réalité de l'objet, c'est au contraire ce qu'on peut entoute objectivité dire de lui, ce à quoi nous n'accédons que par le raisonnement. Nous disposons ave Platon d'une définition du réel : ce qui est réel est ce qui est essentiel dans le monde qui nousentoure.

Encore faut-il montrer que les mathématiques ont affaire à des entités qui relèvent des essences. II – Les entités mathématiques se retrouvent-elles dans ce qui fait la réalité des choses ? Référence : René Descartes, Les Principes de la Philosophie (I - Des principes de la connaissance humaine) « 53.

Que chaque substance a un attribut principal, et que celui de l'âme est la pensée, comme l'extension est celui du corps .

Mais encore que chaque attribut soit suffisant pour faire connaître la substance, il y en a toutefois un en chacunequi constitue sa nature et son essence, et de qui tous les autres dépendent.

A savoir, l'étendue en longueur,largeur et profondeur, constitue la nature de la substance corporelle ; et la pensée constitue la nature de lasubstance qui pense.

Car tout ce que d'ailleurs on peut attribuer au corps présuppose de l'étendue, et n'est qu'unedépendance de ce qui est étendu ; de même, toutes les propriétés que nous trouvons en la chose qui pense nesont que des façons différentes de penser.

Ainsi nous ne saurions concevoir, par exemple, de figure, si ce n'est enune chose étendue, ni de mouvement qu'en un espace qui est étendu ; ainsi l'imagination, le sentiment et la volontédépendent tellement d'une chose qui pense que nous ne les pouvons concevoir sans elle.

Mais, au contraire, nouspouvons concevoir l'étendue sans figure ou sans mouvement ; et la chose qui pense sans imagination ou sanssentiment, et ainsi du reste.

» L'essence de la réalité d'une chose est selon Descartes son étendue : la réalité est donc d'essence géométrique.

Cette perspective cartésienne nous invite à fournir une réponse radicale à la question de notre sujet.Nous recherchions en effet dans le réel des entités mathématiques.

Descartes montre que toute chose doit avoirune figure, autrement dit, que l'essence de toute chose est une entité mathématique (géométrique pour êtreprécis).

Les mathématiques ont donc bien affaire au réel par le biais de la figure. La figure toutefois, n'est qu'une entité mathématique parmi d'autres, ce qui ne nous permet pas d'affirmer que lesmathématiques n'ont affaire qu'au réel.

Nous n'avons par exemple rien dit du nombre. Il semble même que l'on puisse mettre en cause la thèse de Descartes elle-même : prenons l'exemple d'une pierre.C'est une chose bien réelle, Descartes dira par conséquent que sa réalité consiste dans de l'étendue (l'entitémathématique décrivant cet étendue étant la figure).

Observons maintenant cette pierre avec un microscopepuissant : verrons-nous l'étendue sous une figure tridimensionnelle continue ou bien un réseau d'atomes sans unitéet en mouvement permanent ? Comment dès lors affirmer que l'étendue est essentielle aux choses réelles ? III – Les mathématiques ont affaire à une réalité construite Référence : Bergson, La pensée et le mouvant « Que deviendrait la table sur laquelle j'écris en ce moment si ma perception, et par conséquent mon action, étaitfaite pour l'ordre de grandeur auquel correspondent les éléments, ou plutôt les événements, constitutifs de samatérialité ? Mon action serait dissoute ; ma perception embrasserait, à l'endroit où je vois ma table et dans lecourt moment où je la regarde, un univers immense et une non moins interminable histoire.

Il me serait impossible decomprendre comment cette immensité mouvante peut devenir, pour que j'agisse sur elle, un simple rectangle, immo-bile et solide.

Il en serait de même pour toutes choses et pour tous événements : le monde où nous vivons, avecles actions et réactions de ses parties les unes sur les autres, est ce qu'il est en vertu d'un certain choix dansl'échelle des grandeurs, choix déterminé lui-même par notre puissance d'agir.

» La figure d'une chose apparaît dans cette nouvelle perspective ne pas être essentielle à la chose, mais résulter d'un choix dans l'échelle des grandeur déterminé lui-même en fonction des commodités d'action qu'il offre.Ce que nous appelons chose est également une construction. Ici se dévoile le rôle particulier des mathématiques.

Comme Platon ou Descartes l'avait remarqué, elles jouissent d'unprivilège : la force de la démonstration.

A partir du moment ou nous acceptons les postulats d'une théoriemathématique, tout ce qui en découle ne peut-être que vrai.

L'erreur de ces philosophes est d'avoir pensé quecette vérité assurée par la démonstration mathématique permettrait l'accès à des essences. A l'inverse, la perspective bergsonienne reconnaît la force des mathématiques, dans le sens précis où ellespermettent une construction commode de la réalité pour notre action. Conclusion. »

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