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Le réel peut-il être beau ?

Publié le 27/02/2008

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Le réel peut-il être beau ?

« inexacte du réel qui n'est pas beau.

Pourtant il semble bien que nous faisions l'expérience du beau devant unepeinture imitative : la beauté ressentie ne provient-elle pas de la beauté du paysage réel et de la conformité de sareproduction artistique ? Et ce n'est pas ce beau réel, quel peut en être l'origine ? Comme l'explique Hegel dans lasection III de son introduction aux leçons d'esthétique , ce que l'homme trouve beau dans l'art imitatif, ce n'est pas tant la conformité avec la nature que son pouvoir d'agir.

Ainsi ce que l'on nous trouverions beau dans toute peinturequ'elle soit imitative ou non, c'est la liberté d'action humaine._ L'art imitatif consacre la servitude de l'homme devant la nature en lui faisant croire que le beau s'y trouve déjà.Alors que le réel n'est pas beau en lui-même, c'est seulement l'art qui est beau, jamais le réel.

Ainsi selon Hegel« l'homme peut être plus fier d'avoir inventé le marteau que son habileté à imiter ».

En effet contrairement à l'illusionde l'art imitatif, l'homme sait par l'invention technique qu'il n'y a rien de beau que ce que l'homme y a mis puisquecette dernière s'oppose au réel et le transforme.

Aussi c'est l'art lui-même qui produit le beau par opposition auréel : le beau est justement la destruction de la matérialité du réel que l'art a pour tâche de reconduire dans lespirituel.

Le spirituel est la caractéristique du beau produit par l'art de l'homme : « tout ce qui est spirituel estsupérieur à ce que produit la nature ».

En effet le beau n'est pas réel, mais Idéal, c'est à dire la réalité retirée dudomaine des contingences.

Si l'on prend l'exemple de la peinture hollandaise qui représente la vie quotidienne, onpourrait croire qu'il se confond avec un art imitatif.

En vérité, la peinture hollandaise nous montre la nature sensibledétruite et dépassée dans la spiritualité : « la prose du monde fait transpirer dans l'intimité du sensible la créationde l'esprit ».

L'idéal est par conséquent la destruction du réel dans l'arrachement à l'éphémère : par exemple, lesourire d'un modèle ne devient beau que parce qu'il est immortalisé sur la toile._ Le réel ne peut être beau en lui-même, il le devient par l'intermédiaire de l'art qui le dénaturalise et le déréalise.

LeBeau, dans la théorie romantique de l'art, coïncide avec l'idéal et s'oppose au réel grâce à l'imagination, « la reinedes facultés » selon Baudelaire, dans ses Salons de 1859 .

L'imagination produit une beauté propre à l'art qui ne se trouve plus dans le réel et même s'y oppose absolument : c'est la raison pour laquelle la peinture de Jérôme Boschest encensée par le poète pour sa fantaisie ou celle de Goya pour sa ressemblance avec des songes ou deshallucinations.

Corollairement, la haine de Baudelaire contre la photographie procède de cette conception du Beauidéal par essence, ce nouveau moyen technique ne pouvant qu'amener à une nouvelle idolâtrie devant la nature.

Eton pourrait dire que ce qui s'oppose le plus à la photographie dans l'esprit de Baudelaire est le maquillage.

Si laphotographie nous conduit à penser le réel comme beau, le maquillage implique que le beau n'advient que par l'irréel,ou plus exactement par la dénaturation.

Par le maquillage dont le poète fait l'éloge, la femme perd sa naturebiologique et rejoint l'idéal.

Par conséquent le réel ne peut être beau puisque seul l'idéal produit par l'imagination quis'oppose au réel est beau.Cependant l'art, plus que de nous éloigner du réel, semble parfois nous y ramener comme lorsque nous voyons pourla première fois ce que nous avions depuis toujours sous les yeux sans jamais l'avoir vu à cause d'un tableau ou d'unpoème.

Aussi si l'expérience esthétique nous ramène au réel, n'est-il pas possible par là de penser une beautépropre au réel ? III Le beau produit par l'art est le réel lui-même _ Dans notre expérience esthétique du beau, le beau nous éloigne t-il du réel ? Si l'œuvre d'art nous permet deressentir la beauté que dans l'éloignement du réel, c'est que le réel ne peut pas et ne sera jamais beau.

Mais si aucontraire l'œuvre d'art en nous faisant ressentir la beauté nous ramène au réel, alors c'est que le réel coïncide avecle beau.

Or il est évident que l'art nous éloigne du réel.

En effet pour appréhender le beau, nous avons déjà montréqu'il fallait une certaine distance permettant la contemplation.

Par la contemplation, nous nous désintéressons duréel tel qu'il est pour diriger toute notre attention vers l'œuvre.

Le réel est l'ensemble des choses existantes et nouspassons notre vie au milieu du réel à collecter les moyens de notre survie.

Aussi nous ne pouvons jamais percevoir lebeau tant que nous sommes intéressés aux moyens de notre survie.

Par conséquent, ce n'est que par ledésintéressement qui coïncide avec notre éloignement du réel que nous accédons au beau.

En ce sens le beaus'opposerait au réel.

Néanmoins le réel ne se réduit peut-être pas à cette définition pauvre de monde des choses etde l'intérêt.

En effet par delà l'intérêt de la survie, l'art nous fait parfois voir un réel que le réel vulgaire nous masqueen réduisant à notre perception à un schème utilitaire.

La vie exige que nous appréhendions la monde avec lesœillères nécessaires à l'action.

Notre perception en ne recevant que des impressions utiles à notre survie, estrecouverte par le voile utilitaire du besoin et de la nécessité vitale.

Ce schème utilitaire qui s'interpose entre nous etle monde procède par réduction sélective, simplification pratique et classification systématique qui nous cache touteindividualité.

Ainsi si le réel vulgaire gouverné par l'intérêt nous fournit des œillères, il ne s'agit pas de les confondreavec le réel lui-même.

Nous pouvons alors affirmer qu'il y a deux sens du mot réel : le réel vulgaire, et le réel qui secache sous la perception utilitaire.

Or des deux c'est ce que nous prenons pour le réel qui est une constructionseconde et fictive._ Si le réel se cache sous la perception utilitaire, l'art est justement ce qui vient transgresser le monde de l'utilitaireen se servant des mots par exemple pour leur faire dire ce pour quoi ils ne sont pas fait.

Ainsi la poésie se définitimmédiatement comme une transgression du langage comme instrument de communication utile.

Il s'agit par cettetransgression de retrouver sous la perception utilitaire le réel oublié, qui lui ne se réduit pas à une construction denotre esprit.

Comme l'écrit Bergson au chapitre III du Rire « l'art n'est qu'une vision plus directe de la réalité ».

En effet par la perception ordinaire, nous percevons indirectement la réalité tandis que l'art nous reconduit directementà sa source.

Pourquoi affirmions-nous alors que l'art nous éloignait du réel ? C'est parce que nous ne pensions le réelque dans son acception vulgaire avec laquelle il s'agit de rompre dans la contemplation nécessaire pourl'appréhension du beau.

Néanmoins, à présent que nous avons montré qu'il existe un réel non utilitaire qui ne seconfond pas avec l'ensemble des choses existantes, mais qui serait bien plutôt la réalité de dernière instance, on nepeut plus dire que l'art nous permet d'appréhender le beau qu'en nous éloignant du réel._ Si l'art n'est qu'une vision plus directe de la réalité, alors l'art nous éloigne effectivement du réel utilitaire pour. »

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