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LES RÈGLES DE LA COMÉDIE

Publié le 06/04/2011

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La comédie étant ainsi définie, quelles règles peut-on lui donner? Les théoriciens du grand siècle, qui voulaient édicter partout des préceptes, et qui songeaient surtout à distinguer la comédie de la bouffonnerie grossière, ont adopté une attitude curieuse. Faute de trouver pour la comédie des règles valables, ils ont laissé entendre que les règles tragiques valaient également ici. Est-ce bien sûr? Reprenons cette question avec méthode. LES UNITÉS

Étant une œuvre d'art, la comédie exige évidemment un minimum d'unité : dans le sujet d'abord, il faut un personnage essentiel et une intrigue centrale; dans le temps aussi, il faut une condensation de la matière; le « Misanthrope « serait évidemment moins drôle si Alceste n'était pas assailli à la fois par tant de contrariétés; unité de ton également, qui se confond avec la distinction des genres, et l'on peut retenir ce jugement de Boileau : Le comique, ennemi des soupirs et des pleurs, N'admet point en son sein de tragiques douleurs.

« 4° Nous en dirons autant de l'unité de caractère. Un personnage que nous devons connaître à fond en deux heures de spectacle ne peut pas être trop complexe,sous peine de nous dérouter; une relative unité du caractère est indispensable au théâtre.

Mais la comédie vit decontrastes et quand ce contraste affecte les sentiments d'un individu, il aboutit, au moins en apparence, à unecertaine dualité du caractère (Alceste, apôtre de la franchise, est amoureux de Célimène; Tartuffe estredoutablement maître de lui, sauf devant les charmes d'Elmire). 5° De même enfin pour l'unité de ton ; la pièce, sans doute, doit être exclusivement comique, mais peut-onmélanger la farce, la bouffonnerie et la comédie de caractère? Boileau déplorait, par exemple, que Molière ait tropsouvent cédé à l'inspiration des Fourberies de Scapin.

Ce jugement paraît bien étroit : une œuvre est d'autant plusdrôle qu'elle produit une plus forte détente, elle gagne donc à s'en prendre aux plus grands sujets (comédie decaractères) mais à utiliser aussi les moyens les plus efficaces de ridiculiser, c'est-à-dire les procédés de la farce.

Dumoins faut-il en user avec discernement; une comédie de caractères n'est pas une simple suite de bouffonneries;celles-ci doivent nous révéler la nature du personnage ridicule, n'être que des moyens; mais la farce sur ce pointest d'une vigueur sans égale.

Ce qui fait le sel de Molière, c'est qu'il était l'héritier des farceurs. Concluons donc que l'unité de ton est nécessaire à la comédie comme à toute œuvre littéraire, que celle-ci doits'imposer les autres unités dans la mesure où le théâtre l'exige, mais qu'il faut éviter aussi une rigueur incompatibleavec la détente et la fantaisie comiques. L'ESPRIT DU THEATRE Si les différents niveaux du comique conviennent au théâtre, il n'en va pas de même pour les diverses présentations: le ridicule, l'esprit et l'humour.

On trouve sans doute, dans les comédies, des hommes d'esprit comme Figaro ouMaître Pathelin, et des pères qui, comme chez Marivaux, ne manquent pas d'humour envers leurs enfants; mais dansl'ensemble, l'humour et l'esprit réussissent moins au théâtre que le ridicule, parce que ce sont des moyens indirectsde faire valoir le comique. L'homme d'esprit, en effet, décèle et commente le ridicule des autres et ceux-ci se bornent à lui fournir l'occasionde briller; c'est lui qui leur donne leur sel comique, en quoi il finit par être le porte-parole de l'auteur; tout se passecomme si cet auteur, au lieu de nous montrer directement les ridicules, nous les faisait expliquer par cetintermédiaire qu'est l'homme d'esprit; or le privilège du théâtre est de nous présenter directement les hommes, et desupprimer entre eux et nous ces relais que sont les commentaires de l'auteur.

Aussi, dans les œuvres de Molière, leshommes d'esprit sont-ils rares, ou plutôt, ils sont atténués jusqu'à n'être plus que des hommes de bon sens, qu'ils'agisse des raisonneurs ou des servantes, ou même des personnages de premier plan quand il leur arrive d'avoir lebeau rôle.

Il est aisé de constater d'ailleurs que les œuvres où l'esprit domine : Contes de Voltaire, LettresPersanes, ne sont pas des œuvres de théâtre.

Ce qui convient le mieux à la scène, c'est le spectacle direct desridicules. La comédie se propose de nous détendre et de nous délasser; aussi n'est-il guère possible de lui édicter des règlesrigoureuses; qu'il s'agisse des unités ou des façons de présenter le comique, les exigences de la comédie se bornentaux exigences de l'œuvre d'art en général et du théâtre en particulier, tant il est vrai que l'inspiration comique, parnature, convient admirablement au théâtre. QUAND APPARAIT LA COMEDIE ? Le comique est un besoin si vital de l'esprit, qu'il se manifeste à peu près à chaque époque ; sous forme d'une scèneamusante, d'un mot drôle, d'un caractère un peu outré, il est presque partout dans les livres.

Il est pourtant despériodes assez nettement définies, où l'inspiration comique se cristallise en grandes comédies, répondant à unbesoin largement répandu dans le public, et traduisant une maturité littéraire.

Étant œuvre de théâtre, la comédie,comme la tragédie, ne peut guère apparaître avec quelque chance de succès qu'aux époques classiques et pour lesmêmes raisons ; l'art dramatique est le plus difficile à manier qui soit, il exige une longue expérience littéraire.

Voilàpourquoi tragédie et comédie sont en gros contemporaines. Mais l'esprit comique étant une réaction contre une attitude adoratrice, ne peut se manifester qu'après unelittérature sérieuse dont elle vient ridiculiser le prestige.

Au Moyen Age par exemple, alors que les chansons degeste connaissent toute leur gloire, on voit apparaître des épopées burlesques qui s'adressent non plus au publicaristocratique, mais aux bourgeois des villes.

Don Quichotte ne pouvait naître qu'après la grande vogue des romansde chevalerie ; et il a fallu l'ascétisme du XVe siècle pour provoquer, par réaction, le livre de Rabelais.

De la mêmemanière, la comédie proprement dite n'est pas absolument contemporaine de la tragédie, elle lui est un peupostérieure, elle prolonge l'époque classique alors que la tragédie commence à péricliter.

La Grèce a vu naîtreAristophane en même temps qu'Euripide, or avec Euripide, la tragédie, rongée de soucis philosophiques, a déjàdépassé la pureté classique que Sophocle lui avait conférée.

Au Moyen Age français, le théâtre religieux apparaît aumilieu du XIIe siècle, le théâtre comique au milieu du XIIIe.

Au XVIIe siècle, Rotrou, Mairet.

Corneille ont déjà donnédes tragédies authentiques quand la comédie n'est encore qu'une farce de tréteaux.

Molière vient après Corneille; et. »

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