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Le règne de la technique coïncide-t-il avec un déclin des arts ?

Publié le 29/03/2004

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Il irait aujourd'hui de déconvenue en déconvenue, et le rythme de notre vie quotidienne, la pression des relations humaines imposées, rendent difficile à l'artiste, au Chatterton du XXe siècle, la solitude qu'il recherche spontanément. Chateaubriand lui-même, sur son rocher, n'est pas à l'abri des curiosités d'une foule à qui les progrès techniques donnent tous les droits. L'artiste le plus modeste d'autrefois, cet artisan de village dont on se dispute aujourd'hui les poteries, travaillerait désormais à la chaîne dans une usine. Et l'on plébiscite partout les oeuvres d'art, comme si la voix de la majorité avait seule qualité pour les juger. La disparition de la beauté Tout un monde a disparu au XIXe siècle, et la nature même en a été profondément modifiée. Les paysages du Nord sont encore couverts de ces usines austères, de ces corons monotones que l'on a édifiés avec un but précis d'utilité, sans souci de la beauté. L'homme aussi a changé : c'en est fini des gestes traditionnels qui inspirèrent tant de poètes, le « geste auguste du semeur » ne sera bientôt plus qu'un souvenir, la machine s'étant substituée à la main. Le décor des siècles passés s'est en grande partie effacé : une architecture nouvelle est née, dont les lignes hardies déconcertent beaucoup de nos contemporains. Nous vivons désormais dans un univers artificiel - et, malgré la parenté étymologique, nous sommes bien loin de l'art. II.
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« un nombre croissant de visiteurs, les expositions attirent la foule des amateurs.

Une évolution se dessine parmi lesindustriels, et certains cherchent à présenter des oeuvres d'art à l'intérieur même de l'usine.

Une vive curiosité semanifeste pour le théâtre, la musique, les maisons de la culture.

Or tout cela est lié au progrès technique, auxfacilités de transport, aux loisirs, aux moyens d'information.

Bien sûr les disques multiplient l'audition des rengaines ;les « chromos » des calendriers, les prétendus motifs « Picasso » des tissus d'ameublement répandent des goûtsdétestables.

Mais la vraie musique est désormais à la portée de tous ses amateurs, et les reproductions detableaux, pour imparfaites qu'elles soient, familiarisent le grand public avec l'Art.

La technique aide donc les artisteset favorise la vulgarisation — au bon sens du terme — de leurs oeuvres. III.

UN ART NOUVEAU Son rôle n'est pas seulement négatif il est vrai, et il serait excessif de dire que la technique aide indirectement àcréer la beauté.

En fait, elle peut être en elle-même source de beauté.Les poètes de la seconde moitié du XIXe siècle se sont détournés, pour la plupart, de leur siècle de fer, et seréfugiaient, comme Leconte de Lisle, dans un rêve d'exotisme ou d'antiquité, dans quelque « Paradis artificiel ».Pourtant Zola a su écrire dans Germinal l'épopée de la mine, et donner à la tâche ingrate des Flamands son poids degrandeur humaine.

Apollinaire, quelques années plus tard, cherchait des thèmes nouveaux, et n'excluait pasl'inspiration fournie par la vie quotidienne.

Mais avant lui déjà d'authentiques poètes avaient saisi la valeuresthétique des nouveaux paysages créés par la technique.

Les Romances sans paroles de Verlaine, les Villestentaculaires de Verhaeren évoquent le charme prenant de cette réalité déconcertante.Si les vieux quartiers des cités attirent toujours les visiteurs, leurs centres modernes offrent aussi un spectacleséduisant, celui qu'évoquait Apollinaire à la fin de la Chanson du Mal Aimé : Soirs de Paris ivre du ginFlambant de l'électricitéLes tramways feux verts sur l'échinéMusiquent au long des portéesDe rails leur folie de machines. Tous les arts, en fait, connaissent un renouveau.

L'architecture suscite des recherches passionnées, en France etaux États-Unis particulièrement ; l'enseignement de Le Corbusier a un retentissement mondial ; on peut détester leslignes rigides des bâtiments qui ceinturent désormais les villes, on ne peut nier leur grandeur.

Cette esthétiquenouvelle est plus originale que les copies de l'antique multipliées au début du XIXe siècle. La musique elle-même évolue, assimile des influences contradictoires, celle des thèmes folkloriques, celle du jazz,sans se détourner du réel : on songe à la locomotive évoquée par Honegger dans Pacific 231 ; plus précisémentencore la musique concrète s'inspire directement de la technique.Une nouvelle branche de l'esthétique est née : consacrée à l'industrie, elle étudie la forme des objets fabriquéscomme l'art de les présenter.

On ne construit plus comme usines des bâtisses aveugles, on recherche l'harmonie deslignes, l'aménagement des espaces verts ; on vend jusque dans les magasins à prix unique des articles utilitaires deformes originales ; on n'accumule plus dans une vitrine des marchandises disparates, et le métier d'étalagiste estenseigné dans les écoles des Beaux-Arts.Un principe s'est même dégagé peu à peu à notre époque, selon lequel l'adaptation parfaite de l'objet au matériauutilisé et à l'usage prévu est synonyme de beauté — ce qui a eu pour conséquence, par exemple, l'étude constantedes formes que suscite en architecture et en sculpture l'emploi du béton.

Dans des pages célèbres, Saint-Exupéryconstate que l'avion tend de plus en plus, en suivant les exigences de la dynamique, à devenir l'image même del'oiseau — et la maquette du « Concorde » illustre parfaitement cette idée.

Enfin, nous pouvons suivre l'évolution dudessin des automobiles, qui, parties de l'imitation des voitures à cheval, ont acquis peu à peu ces formesaérodynamiques, efficaces dans la compétition et satisfaisantes pour le regard. CONCLUSION En fait, une nouvelle conception de l'esthétique est apparue.

Elle tient compte des exigences de la technique ets'inspire de tous ses aspects.

Les arts ne sont pas en période de décadence : le pourcentage d'oeuvres laidesproduites par notre civilisation n'est certainement pas supérieur à celui des époques précédentes, si l'on songe auxdestructions provoquées par le temps, et au respect qu'il inspire pour ce qu'il épargne.

La technique donne auxartistes au moins autant d'avantages qu'elle leur crée de difficultés.

La violence des critiques s'explique surtout parla rapide évolution de l'art : le public est traditionaliste, et d'une façon générale aime à se créer une nostalgie dupassé, dût-elle le rendre injuste pour son époque.. »

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